— Merci.
— Il y a une condition.
— Ah bon ?
— Certains de ces individus sont de vraies brutes. Si tu pars en croisade contre des maquereaux pour élucider les meurtres de Dag et Mia, je veux que tu prennes ça et que tu le gardes constamment dans ta poche.
Elle posa une bombe lacrymogène sur le bureau.
— D'où tu sors ça ?
— Je l'ai achetée aux Etats-Unis l'année dernière. Tu imagines une fille seule dans les rues, la nuit, sans arme ?
— Et toi, tu imagines le ramdam que ça ferait si je l'utilisais et me faisais coincer pour détention d'arme illégale ?
— C'est mieux que d'avoir à écrire ta nécrologie. Mikael... je ne sais pas si tu l'as compris, mais des fois je m'inquiète beaucoup pour toi.
— Ah bon.
— Tu prends des risques et tu es tellement grande gueule que jamais tu n'arrives à faire marche arrière quand tu as démarré une connerie.
Il sourit et reposa la bombe sur le bureau d'Erika.
— Merci pour ta sollicitude. Mais je n'en ai pas besoin.
— Micke, j'insiste.
— Si tu veux. Mais je suis déjà préparé.
Il plongea la main dans la poche de sa veste et en ressortit la cartouche de gaz lacrymogène qu'il avait trouvée dans le sac de Lisbeth Salander et qu'il portait sur lui depuis. Erika soupira.
BUBLANSKI FRAPPA SUR LE MONTANT de la porte du bureau de Sonja Modig et s'installa sur la chaise des visiteurs devant sa table de travail.
— L'ordinateur de Dag Svensson, dit-il.
— J'y ai pensé aussi, répondit-elle. C'est moi qui ai fait la reconstitution des dernières vingt-quatre heures de Svensson et Bergman. Il y a toujours quelques trous, mais Dag Svensson n'est pas allé à la rédaction de Millenium ce jour-là. En revanche il a bougé en ville et vers 16 heures il a rencontré un vieux copain de classe. Une rencontre fortuite dans un café de Drottninggatan. Ce copain affirme que Dag Svensson avait définitivement un portable dans son sac à dos. Il l'a vu et ils en ont même parlé.
— Et vers 23 heures, après qu'il a été tué, l'ordinateur n'était pas à son domicile.
— Exact.
— Qu'est-ce qu'on doit en tirer comme conclusion ?
— Il a pu se rendre ailleurs et pour une raison ou une autre le laisser ou l'oublier.
— Est-ce vraisemblable ?
— Pas très vraisemblable. Mais il a pu le laisser à réviser ou à réparer. Puis il y a la possibilité qu'il ait eu un autre endroit où il travaillait et qu'on ne connaît pas. Il lui est déjà arrivé de louer un bureau dans une agence de pigistes à Sankt Eriksplan par exemple.
— Je vois.
— Puis il y a évidemment la possibilité que le tueur ait embarqué l'ordinateur.
— D'après Armanskij, Lisbeth Salander est un crack en informatique.
— Oui, fit Sonja Modig de la tête.
— Hmm. La théorie de Blomkvist est que Dag Svensson et Mia Bergman ont été tués à cause de la recherche que faisait Svensson. Qui donc devait se trouver dans l'ordinateur.
— On a un paquet de métros de retard. Trois victimes, ça fait tant de pistes à remonter que ça nous pose des problèmes de temps, mais il se trouve qu'on n'a pas encore opéré de véritable perquisition sur le lieu de travail de Dag Svensson à Millenium.
— J'ai parlé avec Erika Berger ce matin. Elle dit qu'ils s'étonnent qu'on ne soit pas encore venu jeter un coup d'œil sur ses affaires. On s'est trop concentré sur Lisbeth Salander pour l'arrêter le plus vite possible alors qu'on en sait encore beaucoup trop peu sur le mobile. Est-ce que tu pourrais...
— Je me suis arrangée avec Berger pour une visite demain.
— Merci.
LE JEUDI, MIKAEL ÉTAIT EN CONVERSATION avec Malou Eriksson dans son bureau quand il entendit un téléphone sonner à la rédaction. Il aperçut Henry Cortez par l'entrebâillement de la porte et ne prêta plus attention à la sonnerie. Puis, au fond de son crâne, il enregistra que c'était le téléphone sur le bureau de Dag Svensson qui sonnait. Il s'interrompit au milieu d'une phrase et bondit sur ses pieds.
— Stop — touche pas à ce téléphone ! hurla-t-il.
Henry Cortez venait de poser la main sur le combiné. Mikael bondit à travers la pièce. C'était quoi déjà, ce putain de nom qu'il...
— Indigo Marketing, bonjour, je suis Mikael. En quoi puis-je vous être utile ?
— Euh... bonjour, je m'appelle Gunnar Björck. J'ai reçu une lettre comme quoi j'ai gagné un téléphone portable.
— Toutes mes félicitations, dit Mikael Blomkvist. Il s'agit d'un Sony Ericsson, le tout dernier modèle.
— Et c'est gratuit ?
— Totalement gratuit. Sinon que pour recevoir votre cadeau, vous devez vous prêter à une interview. Nous réalisons des études de marché et des analyses poussées pour différentes entreprises. Il faudra répondre aux questions pendant une petite heure. Et si vous acceptez, vous partez pour la deuxième manche avec 100 000 couronnes à la clé.
— Je comprends. On peut le faire par téléphone ?
— Ah, là, je suis désolé. L'étude comporte un volet identification de différents logos d'entreprises, que nous devons donc vous montrer. Nous vous demanderons aussi quel type d'images publicitaires vous paraît attirant en vous montrant plusieurs alternatifs. Un de nos collaborateurs passera vous voir.
— Ah bon... et comment ça se fait que j'aie été choisi ?
— Nous réalisons ce type d'étude deux ou trois fois par an. Dans l'opération actuelle, nous mettons l'accent sur des hommes de votre âge avec une belle situation. Nous avons ensuite pioché au hasard parmi des numéros d'identité personnels.
Pour finir, Gunnar Björck accepta de recevoir un collaborateur d'Indigo Marketing. Il fit savoir qu'il était en arrêt maladie et se reposait dans une maison de campagne à Smådalarö. Il expliqua comment s'y rendre. Ils se mirent d'accord pour un rendez-vous le vendredi matin.
— OUAIS ! s'exclama Mikael après avoir raccroché.
Il donna un coup de poing dans l'air. Malou Eriksson et Henry Cortez échangèrent un regard perplexe.
PAOLO ROBERTO ATTERRIT à Arlanda à 11 h 30 le jeudi. Il avait dormi la plus grande partie du vol en provenance de New York et pour une fois il ne ressentait pas l'effet du décalage horaire.
Il avait passé un mois aux Etats-Unis à discuter boxe, à regarder des matches d'exhibition et à chercher des idées pour une production qu'il avait l'intention de vendre à Strix Télévision. Il constata avec nostalgie que sa carrière était maintenant définitivement au rancart, d'une part à cause de la douce pression de sa famille et d'autre part parce qu'il prenait de l'âge. Il n'y pouvait pas grand-chose à part essayer de garder la forme, ce qu'il faisait au moyen de séances d'entraînement intenses au moins une fois par semaine. Il était encore un grand nom dans le monde de la boxe et il supposa que d'une façon ou d'une autre il continuerait à travailler avec ce sport pour le restant de ses jours.
Il alla chercher son sac sur le tapis roulant. On l'arrêta au passage de la douane et on lui démanda de passer au sas de fouille. L'un des douaniers avait cependant les yeux bien en face des trous et le reconnut.
— Salut Paolo. Et tu n'as que des gants de boxe dans le sac, j'imagine ?
Paolo Roberto assura qu'il n'avait pas le moindre objet de contrebande avec lui et on le laissa entrer au pays.
Il quitta le hall d'arrivée et s'engagea dans la descente vers la navette d'Arlanda quand il s'arrêta net, brusquement confronté au visage de Lisbeth Salander sur les manchettes des journaux du soir. D'abord il ne comprit pas ce qu'il voyait. Il se demanda si malgré tout il ne ressentait pas le décalage horaire. Puis il lut de nouveau le titre.
LA CHASSE
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