— Ce qui nous fait encore davantage de spéculations, dit Sonja Modig.
Ils poursuivirent la réunion pendant encore une heure et débattirent aussi du fait que l'ordinateur portable de Dag Svensson avait disparu. Quand ils arrêtèrent pour aller déjeuner, ils se sentaient tous frustrés. L'enquête comportait plus de points d'interrogation que jamais.
ERIKA BERGER APPELA Magnus Borgsjö de la direction de Svenska Morgon-Posten dès son arrivée à la rédaction le mardi matin.
— Je suis intéressée, dit-elle.
— J'en étais sûr.
— J'avais l'intention de te faire part de ma décision tout de suite après le week-end de Pâques. Mais comme tu peux le comprendre, nous sommes en plein chaos ici à la rédaction.
— Le meurtre de Dag Svensson. Toutes mes condoléances. C'est une sale histoire.
— Alors tu comprends que ce n'est pas le bon moment pour moi d'annoncer que je vais quitter le navire. Il garda le silence un moment.
— Nous avons un problème, dit Borgsjö.
— Lequel ?
— Quand nous avons discuté la première fois, je t'ai dit que le poste était à pourvoir pour le 1er août. Mais il se trouve que Hâkan Morander, le rédacteur en chef auquel tu dois succéder, n'est pas du tout en bonne santé. Il a des problèmes cardiaques et il faut qu'il réduise son activité. Il en a discuté avec son médecin il y a quelques jours et je viens d'apprendre qu'il quittera son poste le 1er juillet. Je croyais qu'il allait rester jusqu'à l'automne et que tu pourrais prendre le relais en parallèle avec lui en août et septembre. Mais dans la situation actuelle, c'est la crise. Erika, nous aurons besoin de toi dès le 1er mai — au plus tard le 15 mai.
— Mon Dieu. C'est dans quelques semaines seulement.
— Es-tu toujours intéressée ?
— Oui... mais ça signifie que je n'ai qu'un mois pour faire du rangement à Millenium.
— Je sais. Désolé, Erika, mais je suis obligé de te mettre la pression. Ceci dit, un mois devrait suffire pour boucler tes affaires dans un journal qui a une demi-douzaine d'employés.
— Mais ça signifie que je plaque tout en plein chaos.
— Tu dois plaquer de toute façon. Tout ce qu'on fait, c'est avancer la date de quelques semaines.
— J'ai quelques conditions à poser.
— Je t'écoute.
— Je resterai dans le CA de Millenium.
— Ce n'est pas forcément pertinent. Millenium est un mensuel, certes, et considérablement plus petit, mais d'un point de vue purement technique, nous sommes concurrents.
— Peu m'importe. Je serai totalement en dehors de l'activité rédactionnelle de Millenium, mais je n'ai aucune intention de vendre ma part. Par conséquent, je reste dans le CA.
— Entendu, on trouvera une solution.
Ils fixèrent une rencontre avec la direction la première semaine d'avril, afin de discuter des détails et de rédiger le contrat.
MIKAEL BLOMKVIST EUT UNE IMPRESSION de déjà vu en examinant la liste de suspects qu'il avait dressée avec Malou pendant le week-end. Il y avait là trente-sept personnes que Dag Svensson malmenait sans pitié dans son livre. De ceux-ci, vingt et un étaient des michetons qu'il avait identifiés.
Mikael se rappela soudain sa traque d'un meurtrier à Hedestad deux ans auparavant, avec au départ une galerie de suspects qui comptait près de cinquante personnes. Il avait été obligé d'arrêter les spéculations sur la culpabilité éventuelle de chacune.
Vers 10 heures le mardi, il fit signe à Malou Eriksson de venir dans son bureau. Il ferma la porte et lui demanda de s'installer.
Ils gardèrent le silence le temps de siroter un café. Finalement, il poussa vers elle la liste des trente-sept noms dressée pendant le week-end.
— Qu'est-ce qu'on fait ?
— Pour commencer, on va montrer cette liste à Erika dans dix minutes. Ensuite, on va essayer de les décortiquer les uns après les autres. Il se peut que quelqu'un dans la liste soit lié aux meurtres.
— Et on fera comment pour les décortiquer ?
— Je vais me concentrer sur les vingt et un michetons nommément cités dans le livre. Ils ont plus à perdre que les autres. Je vais emboîter le pas à Dag et leur rendre visite un à un.
— D'accord.
— J'ai deux boulots pour toi. Premièrement, il y a sept noms ici qui ne sont pas identifiés, deux michetons et cinq profiteurs. Ton boulot dans les jours qui viennent va être d'essayer de les identifier. Certains des noms figurent dans la thèse de Mia ; il y a peut-être des références qui pourraient nous aider à deviner leurs véritables noms.
— Entendu.
— Deuxièmement, nous savons très peu de choses sur Nils Bjurman, le tuteur de Lisbeth. Les journaux ont donné un cv sommaire de lui, mais j'imagine que la moitié est erronée.
— Je vais donc fouiner dans son passé.
— Exactement. Tout ce que tu peux trouver.
HARRIET VANGER APPELA Mikael Blomkvist vers 17 heures.
— Tu peux parler ?
— Un petit moment.
— Cette fille qu'ils recherchent... c'est celle qui t'a aidé à me retrouver, n'est-ce pas ?
Harriet Vanger et Lisbeth Salander ne s'étaient jamais rencontrées.
— Oui, répondit Mikael. Excuse-moi, je n'ai pas eu le temps de t'appeler pour te tenir informée. Mais effectivement, c'est elle.
— Qu'est-ce que ça signifie ?
— En ce qui te concerne... rien, j'espère.
— Mais elle sait tout sur moi et sur ce qui s'est passé il y a deux ans.
— Oui, elle sait tout ce qui s'est passé.
Harriet Vanger resta silencieuse à l'autre bout de la ligne.
— Harriet... je ne pense pas qu'elle soit coupable. Je suis obligé de me dire qu'elle est innocente. J'ai confiance en Lisbeth Salander.
— Si on doit croire ce que disent les journaux...
— On ne doit pas croire ce que disent les journaux. C'est trop simpliste. Elle a donné sa parole de ne pas te trahir. Je pense qu'elle la tiendra pour le restant de sa vie. Comme je l'ai compris, elle a des principes.
— Et si elle ne tient pas parole ?
— Je ne sais pas. Harriet. Je vais tout faire pour découvrir ce qui s'est réellement passé.
— Bien.
— Ne t'inquiète pas.
— Je ne m'inquiète pas. Mais je veux être préparée au pire. Comment tu vas, Mikael ?
— Pas terrible. Nous sommes sur le pied de guerre depuis les meurtres.
Harriet Vanger se tut un moment.
— Mikael... je suis à Stockholm, là, maintenant. Je prends l'avion pour l'Australie demain et je serai absente pendant un mois.
— Ah bon.
— Je suis descendue au même hôtel.
— Je ne sais pas trop que te dire. Je me sens en mille morceaux. Je dois travailler cette nuit et je ne serais pas une compagnie très marrante.
— Tu n'as pas besoin d'être une compagnie marrante. Viens juste te détendre un moment.
MIKAEL RENTRA CHEZ LUI vers 1 heure du matin. Il était fatigué et envisagea de tout laisser tomber et d'aller se coucher, mais il démarra quand même son iBook et vérifia sa boîte aux lettres. Rien d'intéressant ne s'y était ajouté.
Il ouvrit le dossier [LISBETH SALANDER] et découvrit un tout nouveau document. Il était intitulé [Pour MikBlom] et posé juste à côté du document intitulé [Pour Sally].
Ce fut presque un choc de voir soudain ce fichier dans son ordinateur. Elle est ici. Lisbeth Salander est venue dans mon ordinateur. Elle y est peut-être encore. Il double cliqua.
Il n'aurait su dire à quoi il s'était attendu. Une lettre. Une réponse. Des affirmations de son innocence. Une explication. La réplique de Lisbeth Salander à Mikael Blomkvist était frustrante tant elle était brève. Le message ne consistait qu'en un seul mot. Quatre lettres.
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