Jeff Lindsay - Ce cher Dexter

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Ce cher Dexter: краткое содержание, описание и аннотация

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Il est lui-même serial-killer quand il ne s’emploie pas à les traquer. Lui, c’est Dexter, expert au service médico-légal de Miami. Un homme tout à fait moral : il ne tue que ceux qui le méritent. Mais aussi très méticuleux : il efface toute trace de sang après avoir découpé les corps. Un jour, il est appelé sur les lieux d’un crime perpétré selon des méthodes très semblables aux siennes. Dexter aurait-t-il rencontré son alter ego ? Ou serait-ce lui qui. Impossible.

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Deborah, déjà bien trop sérieuse pour ses dix-sept ans, secoua la tête.

« C’est papa… » dit-elle.

Quelques minutes plus tard, nous étions dans la voiture et roulions vers l’hôpital pour malades en phase terminale où Harry avait été transféré. Le lieu en soi était mauvais signe. De toute évidence, les docteurs estimaient que Harry était prêt à mourir et qu’à présent il devait coopérer.

Harry n’avait pas bonne mine lorsque nous entrâmes. Il semblait si figé, son teint était si vert par contraste avec le blanc des draps que je crus qu’on arrivait trop tard. Sa longue lutte l’avait laissé émacié, décharné ; on aurait juré qu’une bestiole le mangeait de l’intérieur. Le respirateur à côté de lui sifflait, un souffle à la Darth Vader qui s’échappait d’une tombe vivante. Harry vivait encore, biologiquement parlant.

« Papa, lui dit Deborah en prenant sa main. J’ai ramené Dexter. »

Harry ouvrit les yeux et sa tête roula vers nous, comme si une main invisible l’avait poussée depuis l’autre côté du lit. Mais ce n’étaient pas les yeux de Harry. C’étaient des cavités d’un bleu trouble, ternes et vides, inhabitées. Le corps de Harry était peut-être vivant, mais ce n’était plus qu’une enveloppe creuse.

« Son état empire, nous dit l’infirmière. On cherche seulement à ce qu’il souffre le moins possible, maintenant. »

Et elle s’affaira avec une grosse seringue hypodermique sur un plateau, la remplit et la leva devant elle afin d’en expulser la bulle d’air.

« Attendez… » Ce fut un son si ténu que je crus d’abord que c’était le respirateur. Je regardai tout autour de la pièce et mes yeux finirent par tomber sur la forme inerte de Harry. Au fond du trou éteint de ses yeux luisait une petite étincelle. « Attendez… » répéta-t-il avec un léger signe de tête vers l’infirmière.

Elle ne l’entendit pas ou fit semblant de ne pas l’entendre. Elle s’approcha de lui et souleva délicatement son bras filiforme, qu’elle tamponna avec un morceau de coton.

« Non… » souffla Harry, de façon presque inaudible. Je jetai un coup d’œil à Deborah. Elle avait l’air d’être au garde-à-vous, figée dans une attitude d’incertitude totale. Je regardai à nouveau Harry. Ses yeux me fixaient intensément. « Non… » répéta-t-il, et je vis dans son regard une expression très proche de l’horreur à présent. « Pas de… piqûre… »

Je m’avançai et retins la main de l’infirmière, juste avant qu’elle n’enfonce l’aiguille dans le bras de Harry.

« Attendez », dis-je.

Elle leva les yeux vers moi et pendant une fraction de seconde il y eut une drôle de lueur au fond de son regard. Je fus si surpris que j’en tombai presque à la renverse. C’était une rage froide, une pulsion irrépressible et inhumaine, la conviction que le monde entier était sa chasse gardée. Ce ne fut qu’un éclair, mais je n’eus aucun doute. Elle aurait voulu me ficher l’aiguille dans l’œil pour l’avoir ainsi interrompue. Me la planter dans la poitrine et la tourner jusqu’à ce que mes côtes éclatent et que mon cœur lui saute entre les mains, et elle aurait pu alors serrer, tordre, arracher le peu de vie qui me restait. J’avais en face de moi un monstre, une chasseuse, une tueuse. C’était une prédatrice, une créature insensible et malfaisante.

Comme moi.

Mais son sourire mielleux revint presque aussitôt.

« Qu’est-ce qu’il y a, mon joli ? » me demanda-t-elle, jouant à la perfection son rôle de Dernière Infirmière si gentille.

J’avais l’impression que ma langue était bien trop grosse pour ma bouche et il me sembla mettre plusieurs minutes à répondre, mais je finis par réussir à dire :

« Il ne veut pas de piqûre. »

Elle sourit de nouveau : une expression magnifique qui se déposa sur son visage telle la bénédiction d’un dieu bienveillant.

« Ton papa est très malade, m’expliqua-t-elle. Il souffre beaucoup. » Elle leva la seringue et, comme au théâtre, un rayon de lumière vint l’éclairer depuis la fenêtre. L’aiguille étincela comme s’il s’était agi de son saint Graal personnel. « Il a besoin d’une piqûre, dit-elle.

— Il n’en veut pas, insistai-je.

— Il souffre », répéta-t-elle.

Harry dit quelque chose que je ne saisis pas. J’avais les yeux rivés sur l’infirmière, et elle sur moi : deux monstres qui se disputaient le même quartier de viande. Tout en continuant à la fixer, je me penchai vers lui.

« Je… VEUX… souffrir… » dit Harry.

Je tournai brusquement mon regard vers lui. En dessous du squelette apparent, niché sous la brosse des cheveux devenue soudain trop grande pour sa tête, Harry était de retour et luttait afin de sortir du brouillard. Il hocha la tête, attrapa très lentement ma main et la serra.

J’observai à nouveau l’infirmière.

« Il veut souffrir », lui dis-je.

Et dans son petit froncement de sourcils, son mouvement de tête irrité, je perçus le rugissement du fauve qui voit sa proie se sauver au fond d’un trou.

« Je vais devoir aller le dire au docteur, dit-elle.

— Très bien, répondis-je. On vous attend ici. »

Je la vis s’élancer dans le couloir comme un grand oiseau de malheur. Je sentis une pression sur ma main. Harry me regardait suivre des yeux la Dernière Infirmière.

« Tu… as… deviné… dit Harry.

— Pour l’infirmière ? » demandai-je.

Il ferma les yeux et hocha légèrement la tête, juste une fois.

« Oui, répondis-je. J’ai deviné.

— Comme… toi… dit Harry.

— Quoi ? demanda Deborah. De quoi vous parlez ? Papa, comment tu te sens ? Qu’est-ce que ça veut dire, ‘‘comme toi’’ ?

— Je la trouve pas mal, dis-je. Et je crois que je lui ai tapé dans l’œil aussi, expliquai-je à Deb avant de me tourner à nouveau vers Harry.

— Ah bon », marmonna Deb.

Mais je me concentrais déjà sur Harry.

« Qu’est-ce qu’elle a fait ? » lui demandai-je.

Il essaya de secouer la tête, mais celle-ci ne fit que dodeliner légèrement. Il tressaillit. Manifestement la douleur revenait, comme il l’avait souhaité.

« Trop, dit-il. Elle… en donne trop… » souffla-t-il en fermant les yeux.

Je devais être très lent ce jour-là parce que je ne saisis pas tout de suite.

« Trop de quoi ? » demandai-je.

Harry ouvrit un œil voilé par la douleur.

« Morphine… » murmura-t-il.

Ce fut comme si un grand rai de lumière frappait mon esprit.

« Une overdose, dis-je. Elle tue par overdose. Et dans un tel lieu, où c’est quasiment son métier, personne ne songerait à la mettre en cause… Ça alors, c’est… »

Harry me serra la main à nouveau et je cessai de jacasser.

« Ne la laisse pas, dit-il d’une voix rauque, étonnamment forte. Ne la laisse pas… me droguer encore…

— S’il vous plaît, coupa Deb sur un ton exaspéré. De quoi vous parlez, tous les deux ? »

Je jetai un coup d’œil à Harry, mais il ferma les yeux, assailli soudain par la douleur.

« Il pense que, euh… » commençai-je avant de m’interrompre. Deborah, bien sûr, ignorait tout de ma véritable personnalité, et Harry m’avait expressément demandé de ne pas lui en faire part. Il m’était donc plutôt difficile de lui fournir une explication sans rien révéler. « Il pense que l’infirmière lui donne trop de morphine, finis-je par dire. Délibérément.

— C’est idiot, dit-elle. C’est une infirmière. »

Harry la regarda mais ne réagit pas. Et, très sincèrement, je ne trouvai rien à répondre non plus à la naïveté stupéfiante de Deb.

« Que dois-je faire ? » demandai-je à Harry.

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