— Vous, répéta Malko. Ne me faites pas perdre de temps. J’ai besoin d’un diplomate pour escorter le corps et pour que personne ne pose de questions. Entre-temps, je vais prévenir Washington afin qu’on reçoive dignement Otto Wiegand…
» Quand vous l’aurez mis dans l’avion, vous convoquerez les journalistes danois pour leur expliquer qu’Otto Wiegand, transfuge de l’Est, a préféré partir en catimini par crainte des pressions exercées sur lui… Ensuite vous n’aurez plus qu’à garder le silence une bonne semaine et vous aurez rendu un fichu service à votre pays !…
William Birch, violet, avala sa salive.
— Je refuse, dit-il dignement. Je ne suis pas un, un… un homme de main…
Malko sourit imperceptiblement. Décidément les vrais diplomates n’étaient bons à rien…
— M. Elko Krisantem, ici présent, assura-t-il, se chargera des détails matériels de l’emballage. Quant à votre collaboration, je peux vous dire ceci : si cette opération rate à cause de vous, le Département d’État ne trouvera pas de poste assez minable pour vous y abandonner le restant de vos jours.
Les deux hommes se mesurèrent du regard. Le diplomate connaissait le véritable métier de Malko et les grandes lignes de sa mission. Mais c’était tellement énorme…
— Alors ? demanda Malko.
L’autre craqua d’un coup. Affolé, il bredouilla :
— Mais enfin, comment vais-je faire ? Ce mort, c’est horrible, on va le voir.
— Je vous conseille la caisse convenablement aménagée, suggéra Malko. C’est très bien vu dans les pays arabes. La plupart des diplomates voyagent de cette façon…
William Birch était trop assommé pour relever le trait. Il se leva et dit piteusement :
— Je vais m’habiller.
— Voilà ce que j’attends de vous, expliqua Malko…
Pendant un quart d’heure, il mâcha le travail au diplomate. Lorsqu’il se tut, William Birch avait vieilli de dix ans.
— C’est absolument nécessaire ? balbutia-t-il.
— Absolument, fit Malko en se levant.
* * *
Lise attendait sagement dans la chambre, les yeux brillants. Dès que Malko entra, elle lui jeta :
— Il est dans sa chambre.
Malko hocha la tête. Cela ne l’étonnait pas. Les Russes adorent les paperasses. Il devait être en train de faire son rapport en douze exemplaires.
Pour une fois, Malko bénit la paperasserie soviétique. Elle lui offrait sa dernière chance.
— Vous êtes prête ? demanda-t-il.
Elle hocha la tête.
— Allez-y !
Il se pencha sur sa main et la baisa.
— Merci, Lise.
Puis, il recula et la gifla à toute volée. Elle tomba assise sur le fauteuil, le souffle coupé, une énorme marque rouge sur le visage, les yeux pleins de larmes.
Malko se pencha et lui envoya un coup de poing dans l’oeil droit.
Malgré elle, elle poussa un hurlement. Presque instantanément, une marque noire apparut sous son oeil.
Relevant sa jupe, Malko griffa les cuisses de la Danoise et tordit à pleines mains la chair tendre. Lise se mordait les lèvres pour ne pas crier.
— La poitrine, souffla-t-elle.
Malko commença à lui pétrir les seins sans ménagement, comme s’il avait voulu y enfoncer ses doigts.
Puis, passant une main sous son chandail, il arracha le soutien-gorge, en prenant soin de griffer l’épaule. Ensuite il tira violemment sur le slip qui lui resta dans les mains, en deux morceaux.
— Sautez sur moi, maintenant, ordonna-t-il.
Elle obéit, donnant des coups de pieds, se débattant furieusement. Malko la prit par les cheveux, la jeta par terre, la reprit, la serra à la gorge, lui meurtrit les poignets. Ils luttèrent encore cinq bonnes minutes. Lise, dont la peau marquait facilement, était pleine de bleus, avait le visage écarlate et respirait avec peine. Sans le vouloir, Malko lui avait griffé la lèvre inférieure et elle saignait.
Il la considéra d’un oeil critique.
— Ça doit aller. En avant.
Elle parvint à sourire et se rapprocha de lui.
— Vous oubliez le principal. La police danoise est très consciencieuse… Surtout dans les histoires de viol.
Lise aussi était très consciencieuse. Et avait de la suite dans les idées. Depuis une semaine, elle avait envie de Malko. C’était une occasion inespérée. Les dix minutes suivantes contribuèrent largement à achever son essoufflement. Elle se démenait contre Malko comme si elle n’avait jamais fait l’amour de sa vie. Avec autant d’égoïsme qu’un homme. Puis elle poussa un feulement léger, et se dégagea avec un baiser.
— Je suis prête, annonça-t-elle.
Malko ouvrit la porte et inspecta le couloir. Désert. Il fit signe à Lise. Pour plus de sûreté, ils descendirent au dixième étage par l’escalier de secours, le couloir du dixième était également désert. La chambre de Boris Sevchenko était à quelques mètres. La jeune Danoise y courut et commença à tambouriner à la porte. Au bout de cinq minutes, la voix de Boris s’éleva de l’autre côté du panneau.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Lise répondit en danois :
— Le feu dans le couloir, monsieur. C’est la femme de chambre.
— Je ne comprends pas, dit Boris.
Lise répéta en anglais avec un épouvantable accent. Après une seconde de silence, le verrou tourna dans la serrure. Boris ouvrit la porte toute grande.
Il eut l’impression qu’une panthère lui sautait à la gorge. Lise, agrippée à lui, se frottait de tout son corps. Elle lui griffait le visage, la nuque, tout ce qu’elle pouvait atteindre… Comme il cherchait à se dégager, elle lui mordit la main et il la repoussa violemment. Elle alla heurter le mur, le visage en avant et se fendit l’arcade sourcilière. Comme Malko l’avait prévu, le Russe n’était pas en pyjama. Il avait seulement retiré sa veste pour travailler.
Pour plus de sûreté, elle revint encore une fois à l’assaut et avec une habileté démoniaque, défit les boutons du pantalon de Boris.
Puis, lorsqu’elle eut son sexe nu dans la main, elle griffa encore, de toutes ses forces.
Aussi brutalement qu’elle était entrée, elle s’enfuit dans le couloir en hurlant comme une sirène. C’était du danois, mais Boris comprit quand même. Affolé, il commit l’erreur de la poursuivre…
* * *
Deux policiers, la mine sévère, encadraient Boris Sevchenko qui dissimulait ses menottes sous un imperméable. Il avait tellement protesté de son innocence qu’il en était aphone. L’inspecteur qui l’avait arrêté le regardait avec dégoût. Il fallait vraiment être vicieux pour aller violer une fille à Copenhague, en plein mois de juin, alors que les étudiantes se jetaient sur les étrangers.
Enveloppée dans une couverture, pelotonnée dans un des fauteuils du hall, Lise sanglotait convulsivement, consolée par le directeur du Royal. Le malheureux en avait des sueurs froides : la fille d’un diplomate danois violée par un étranger dans le meilleur hôtel de la ville !
Il voyait déjà les manchettes des journaux.
— Comment vous sentez-vous après cette horrible chose ? demanda-t-il, plein de commisération…
— Oh ! j’ai si honte, fit Lise d’une voix mourante. Je voudrais que les examens soient terminés pour retourner chez ma mère !
Boris étouffait de rage. En peu de mots, Lise avait raconté comment, sans méfiance, elle avait accepté d’aller boire un verre chez ce monsieur pour se faire pardonner une invitation à dîner ratée. Comment il s’était jeté sur elle sauvagement et, comment il était parvenu à ses fins en dépit de sa résistance désespérée…
On attendait un médecin appelé par la police pour les constatations.
Une heure plus tard, la porte d’une cellule claquait sur Boris. Le témoignage du médecin qui avait examiné les deux acteurs du drame avait été accablant.
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