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Frédéric Dard: Vas-y, Béru !

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Frédéric Dard Vas-y, Béru !

Vas-y, Béru !: краткое содержание, описание и аннотация

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Quand la première salve est servie, on enclenche un deuxième chargeur. Le temps prend son temps dans ma tronche, bien que le mitrailleur fasse fissa. Je pense avec une incroyable lucidité. Je me dis des trucs, des choses, des machins. Je devine les mouvements de notre agresseur comme si je le voyais. J’ai entendu un cri et je sais qu’un de mes compagnons a été touché. Je passe la main sous ma veste afin de dégager mon excellent camarade Tu-tues de sa gaine. Faut agir mollo pour éviter d’émettre un bruit qui me situerait. Je n’y vois que tchi. Faut que j’attende la deuxième seringuée afin de situer le tireur. Dangereux, car en v’là un qui semble vouloir faire le ménage complet.

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N’ayant rien de mieux à faire avant le départ, je vais m’allonger sur mon plume. Béru est en plein ciel de gloire. Il ronfle comme le ciel des Champs-Elysées un matin de quatorze juillet. Par moments il descend en piqué au-dessus des toits, puis vite il redresse le palonnier et reprend de l’altitude.

Cette fois c’est le caoua qui m’empêche de pioncer. Que fait un homme à l’horizontale quand il ne roupille pas ? Il fait l’amour ! Mais quand il ne dort ni n’aime ? Eh bien il pense. Je pense donc.

Je pense à tous ces morts. Je pense à ce mystérieux Ledvise qui m’a l’air de tirer les ficelles, de loin ! Je pense que logiquement les vélos amenés au garage par les tueurs devraient être en Légérium 34. Le Tour de France est un monstrueux fourgon bigarré et tonitruant dans lequel on peut fourrer de la came clandestine. Sortir de France le produit d’un vol aussi fracassant sous les guirlandes et les vivats constituerait un exploit peu banal, admettez !

Malgré l’examen approfondi de Jeannot, j’espère que l’arrivée du fameux compteur Strougnbitz va me donner raison. Je le sens, je le sais, j’en suis certain d’avance. (Mince, un alexandrin !)

Ça doit être fonnide tout de même ce Légérium 34. Plus costaud que l’acier et presque sans pesanteur ! Un avion de vingt mètres d’envergure pesant le poids d’un avion de papier ! Non, mais vous mordez les ressources ? Naturellement cécondum cécula vont lui donner une application guerrière, rectal. Toujours quand y a de la trouvaille à sensation, ils s’hâtent de chercher, les hommes, comment qu’ils pourraient bien s’en servir pour buter leurs semblables. C’est toujours la préoccupation dominante, la manière de tuer ! Le pernicieux les tourmente. La matière, les gaz, les idées, tout leur est bonnard ! La nature aussi, ils la décortiquent pour la déguiser en pièges mortels…

On tabasse à ma lourde. C’est Jeannot qui vient chercher son masseur afin de fourbir ses cracks. Le Gravos, ci-devant milliardaire en puissance, geint comme un nouveau-né. Il a du mal à faire surface après ses émotions de la nuit. Il remue toujours les lèvres et la langue avant de soulever les paupières car il a soif avant d’être réveillé. Ça fait un bruit de poissons déversés en vrac sur un étal de pierre. Un bruit mou, flasque et gluant. Un bruit d’eau-dans-les-bottes. Un bruit marécageux. Un bruit de pompe à merde asthmatique, poussive et saturée.

— Debout, paresseux ! tonne Méhunraillon. La journée va être terrible pour mes scouts. Va falloir leur administrer la grande séance, et pas pleurer le jus de muscle !

— On y va ! assure le Mastar en mettant pied à terre.

Sa chétive descente de lit glisse sous son poids et la Béruche se retrouve avec le dargeot au sol avant de réaliser où il se trouve. Ses pieds s’agitent, attisant leur fumet. La Dnocne surcompressée lui pend sur les cuisses. Il se la gratte à deux mains en posant sur le monde retrouvé un regard pareil à du swing-gum trop mâché.

— Seize briques, soupire-t-il, déjà conscient, déjà harcelé par les vilains souvenirs.

— N’y pense plus, et va masser, massif masseur !

En grommelant il endosse son invraisemblable tenue. Puis, décrochant le téléphone, il demande qu’on lui serve son petit déjeuner dans la chambre du maillot jaune. Il exige, à la place du café-au-lait-complet, une bouteille de Côtes-du-Rhône, une omelette de six œufs, un saucisson à l’ail, un beau morceau de roquefort et des oignons blancs.

Dès qu’il a quitté la chambre je m’endors.

Et dès que je me suis endormi, la réception me réveille.

— Il y a là un monsieur qui arrive de Paris pour vous apporter une commission, m’informe le préposé.

J’aimerais bien solutionner cette histoire à Lausanne, moi. Si j’y parvenais je me payerais une chouette journée lézardeuse sur la rive suisse du Léman. J’adore le Vaudois. La vie y est restée potable, bonne à déguster. Je me paierais bien une petite Suissesse ; pas du tout dans le style Valérie, non, mais au contraire une gamine peu compliquée, aimant qu’on lui parle d’amour en termes choisis et qu’on le lui fasse simplement. Une blonde, ou bien une châtain clair de préférence, avec des yeux admiratifs et une bouche qui ne s’ouvre pas pour déconner, mais pour héberger.

J’accomplis quelques flexions de jambes, je me passe un peu d’eau fraîche sur le museau et je dégringole afin de réceptionner le fameux compteur Strougnbitz.

C’est déjà bourré de populo dans le hall. Tout le monde a endossé sa tenue « Grande Boucle », les coureurs, les suiveurs, les soigneurs, les admirateurs, les encourageurs, les journalistes. La kermesse est repartie. Les plus mal classés du classement général doivent déhoter les premiers. Malheur aux obscurs, aux sans-grades, aux porteurs d’eau. C’est eux qui doivent se lever tôt puisqu’ils partent déjà alors que les cracks pioncent encore. Ils ont quelques heures de sommeil en moins, ce qui n’arrange pas leurs affaires. Je les regarde avec estime et compassion, la visière de la casquette relevée, lés poches du maillot bourrées de provisions, avec leurs jambes hyper-musclées et un peu torses, leurs gants sans doigts et leur numéro épinglé dans le dos. Ils sentent l’embrocation et déjà la sueur. Ils me font penser à des chevaux. Leurs énormes mollets n’ont rien d’humain. On les regarde distraitement. Les familiers les plaisantent, style « T’as fait installer un moteur deux temps sur ta brouette, Lulu, pour éviter la disqualification ? ».

Personne ne leur demande d’autographe, sinon le type qui tient le registre de contrôle. Ils sont là pour faire nombre et pour servir de repoussoirs aux champions. Parfois, l’un d’eux tente dans une étape trop morne l’échappée solitaire qui sortira un instant son nom de l’ombre. C’est ça ; la chance des passeurs de roue, des haleurs de champions en méforme, des sacrifiés de la route. Mais cette gloire d’un jour est oubliée le lendemain. Il est retourné grossir le gros troupeau anonyme et le regard fixé sur la route galopante, le dos voûté, avec sa visière sur la nuque et sa Doucne écumante, il passe sous les Dravos qui ne sont pas pour lui !

— Où est-il, le monsieur qui me réclame ? lancé-je au réceptionnaire.

— Il cause avec le chauffeur des Sièges Site-daune dans le salon.

Je passe la porte vitrée séparant le hall de ce dernier avec d’autant plus d’aisance qu’elle est ouverte à deux battants, et qu’avisé-je, discutant avec un gaillard en combinaison bleue ? Pinaud ! Pinaud avec une énorme sacoche de cuir en bandoulière. Pas le Pinaud de tout le monde, certes puisque celui-ci est en pyjama. Il a jeté un vieil imper verdi par-dessus, a chaussé des bottes basses en caoutchouc et coiffé son vieux bitos flétri. Il n’est pas rasé et ça repousse grisâtre sur ses joues creuses. Il sourit angéliquement à son interlocuteur, tout en tétant un mégot éteint, dont le papier est plus brun que le tabac !

— San-A. ! fait-il en m’apercevant, permets-moi de te présenter mon vieil ami Juste Hundoit, avec qui je faisais des courses cyclistes dans ma jeunesse.

Car il a tout fait, Pinuche, dans sa jeunesse : il a été footballeur, comédien, musicien, artiste lyrique, prestidigitateur, aviateur, écuyer, cycliste ! Il a expérimenté les premiers pédalos, les premiers yoyos et les premiers pantalons de golf. Un pionnier ! Un défricheur !

Le camarade Juste Hundoit me tend juste un doigt maculé de cambouis.

— On se connaît de vue, fait-il avec un rien de hargne et de grogne dans le ton. Vous êtes dans l’équipe des Fafatrin’s ?

— Yes, et vous dans celle de la Vaseline Facilitas, observé-je sans grand mérite puisque le mot Facilitas s’étale sur sa poitrine en caractères grands comme ça !

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