Frédéric Dard - Bérurier au sérail

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Bérurier au sérail: краткое содержание, описание и аннотация

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Figurez-vous qu'Alcide Sulfurik, plus connu dans les milieux de l'espionnage sous le matricule S 04 H2, a été kidnappé au retour d'une importante mission en Chine populaire par un commando de rebelles arabes dans l'aride pays de Kelsaltan !
Connaissez-vous le Kelsaltan ?
Il est situé très exactement à l'angle du golfe Persique et de l'avenue Raymond-Poincaré… C'est vous dire… Pour l'atteindre, il faut, à dos de chameau, traverser le grand Rasibus ou désert de la soif.
Et, par ironie, il a fallu que pour accompagner votre valeureux SAN-ANTONIO dans cette mission périlleuse on fasse appel à Pinaud et surtout à BÉRURIER ! Je ne vous en dis pas plus… Joignez-vous à notre étrange caravane et venez visiter le sérail du cheikh BÉRURIER (qui est d'ailleurs un cheikh avec provision).

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Mon petit doigt m’annonce que le Gravos a dû débloquer d’une façon ou d’une autre. Vous parlez d’une épidémie, ce gars-là ! J’ai eu tort de l’amener. Dans les opérations en vigueur, il fait merveille car il a un poing de bronze au bout d’un bras de fer, mais dans les enquêtes qui nécessitent plus la ruse du renard que la force du bœuf, c’est plutôt un handicap, le Mahousse. Je préfère le discret, le paisible, le résigné Pinaud.

Nous fendons la foule à coups de coudes. Devant notre tente, Sa Majesté est aux prises avec deux chétifs kelsaltipes dont les fringues sont déjà en lambeaux.

Sirk intervient et questionne les deux malmenés.

Parallèlement, j’interroge Béru.

— Ces ouistitis se sont pointés la main tendue en me baragouinant je ne sais quoi, explique-t-il. Je croyais qu’ils faisaient la mangave, alors je leur ai cloqué une petite aumône, pensant m’en débarrasser. Je t’en fous : ils ont crié plus fort et, comme je leur disais d’écraser, ils ont chopé une de nos malles avec l’intention de rembarquer facile. Tu connais ton Vieux Béru, gars ? Je leur ai causé le langage des poètes de la salle Wagram…

Sirk me touche le bras.

— Vilaine affaire, me dit-il, ce sont les gardes fiscaux. Ils venaient percevoir la taxe de séjour, la taxe locale, et l’impôt direct sur les bénéfices commerciaux.

Loin de calmer le Gravos, la nouvelle attise sa fureur.

— Mais où qu’y faut aller, bon Dieu, pour que le fisc nous lâche un peu ! brame le Mastar. Sirk, reprend-il, dis-z’y leur que les impôts, je les douille au requin de mon arrondissement. Faudrait voir à voir à pas chérer dans les hortensias ! La tasque de séjour ! Tu causes d’un séjour, mon neveu ! Au milieu du dépotoir municipal ! C’est euss qui devraient nous voter une suspension ! Et pour ce qui est de ce qui concerne les bénéfices commerçants, des clous ! Mes calandos, on les a soldés un klitoris pièce. Faudrait voir à regarder à combien est le change, mon pote ! Si ça se trouve, c’est pas du bénef qu’on a fait, mais de la faillite en branche !

— Béneff ! Béneff ! glapissent les deux gardes fiscaux.

Sirk m’explique que le mot en kelsaltipe signifie justement bénéfice.

— Bougez pas ! déclare Bérurier-l’Unique.

Avant que nous ayons eu la possibilité de le retenir, il administre un coup de boule dans la physionomie d’un des gardes et, conjointement, il file une ruade poulinière au second qui chope la babouche de notre compagnon à l’endroit où les marsupiaux rangent leurs gosses, leur mouchoir et leur porte-monnaie.

La foule en liesse pousse des cris d’enthousiasme.

De mémoire d’eunuque, on n’avait pas vu rosser le percepteur dans l’émirat. C’est à marquer d’une pierre noire (puisqu’on est musulman dans le bled, il n’est pas question de croix blanche).

Les deux sbires du Grand financier, comprenant qu’un mauvais parti va leur être fait, prennent leurs babouches d’une main, le pan de leur gandoura de l’autre et se sauvent sans demander leurs dix pour cent de pénalité de retard.

Béru, triomphant, lève ses bras de vainqueur pour un salut de gladiateur. On l’acclame.

— J’ai dans l’idée que tu nous as plongés dans un drôle de bain, soupiré-je. Tu penses bien que ces gars-là vont filer au rapport et que nous allons avoir de graves ennuis d’ici pas longtemps et peut-être avant.

— T’occupe pas, rassure Brutus, y trouveront à qui causer.

— Où est Pinaud ? m’inquiété-je.

— Il est au bistrot du coin. M’est avis que l’anisette lui plaît.

Ce renseignement m’inquiète. Tonnerre de Zeus, tout marchait bien, et voilà que mes deux boy-scouts font des leurs !

Je m’apprête à envoyer chercher Pinaud, mais à cet instant, une vieille jeep peinte en mauve (avec les ailes dorées) s’arrête à quelques mètres de nous, dans un nuage ocre.

Quatre soldats kelsaltipes en descendent, armés de mitraillettes.

Ils accourent jusqu’à nous en hurlant des ordres.

— C’est foutu, soupire Hamar. Vite, les bras en l’air sinon ils vont nous liquider.

J’obéis. Le Gros voudrait jouer à fort Alamo, mais il pige vite que quatre seringues bourrées de dragées contre ses poings velus, c’est là une équation difficile à résoudre.

Alors il fait « Maman-les-petites-marionnettes » comme nous.

Sans ménagement, les troufions nous font grimper à coups de pompes dans les cannes, à bord de leur jeep.

Je sais bien que c’est pas grand, une jeep, et que ce véhicule ne se prête pas particulièrement aux transports en commun, mais, comme nous n’en menons pas large, nous parvenons à nous caser sur le siège arrière. Un soldat se met au volant. Un deuxième se place à genoux sur le siège passager. Et les deux autres grimpent sur les marchepieds.

Comme nous fonçons dans la rue principale, j’avise le père Pinuche sur le pas d’un estaminet. Il a son œil cloaqueux des jours de biture. Il l’ouvre tout grand en apercevant ses valeureux camarades les bras levés dans une voiture empoulaguée.

Nous sommes passés. La silhouette maigrichonne du chétif reste piquée devant le café. On dirait un sarment de vigne.

Elle fait une ombre toute noueuse sur le sol.

CHAPITRE IX

Nous pénétrons dans le palais par une entrée dérobée (Dieu sait à qui) et une porte lourde comme le regret que j’ai de Paris se referme derrière nous.

— Et voilà le travail, ronchonne Sirk.

C’est plus Sirk Hamar, les gars. C’est Sirk Amer. Peut-être que ce nouveau calembour va défriser les grincheux, je préfère les avertir que j’en ai rien à fiche de leur mauvaise humeur.

S’ils aiment le beau, le bien léché, le profond, le pur gaullien, qu’ils se rabattent sur la prose de M. François Mauriac de l’Académie Française et de l’Élysée réunis. Parce qu’au fait, faut que je vous en accuse, mais il y a des tas de pisse-chagrin, d’empêcheurs de peloter en rond, d’affligés de l’entresol, d’invertébrés de la membrane, de tourmentés de la coiffe, d’endeuillés du slip, de consternés, de mortifiés, de refoulés, d’éduqués, de subjonctifiés, d’engrisaillés, de documentés, de blasonnés, de cloisonnés, de hémerpés, de senten-deux, de puristes, de claudéliens, d’aspostolicromains, de chagrins, de pamalins, de bilieux, d’aqueux, de végétariens, de jamairiens, de grammairiens, des tas de Comtes, des tas de jaloux, de poux, de hiboux, de genoux, de choux-aigres, des qui ont un Mallet et Isaac à la place du cœur, le Littré à la place du cerveau et un faire-part de deuil à la place du scoubidou-verseur ; des qui n’aiment pas rire de peu et qui sont obligés de se faire chatouiller la plante des pinceaux avec une plume de paon quand ils se font photographier pour ne pas ressembler à une réclame de laxatif ; des qui disent que le français est le peuple le plus spirituel de la terre ; des qui le croient, qui l’affirment ; des qui prennent leurs cellules grises pour le clapier de l’intelligence ; des qui se font amidonner la hure pour être sûr de ne pas rire d’un rien ; des qui croient à ce qui est grand, à ce qui est beau, à ce qui est généreux ; des qui aiment la force, des qui aiment les frappes, des qui aiment la force de frappe, la brosse à défriser, la brosse à reluire et qui n’aiment pas se faire reluire ; des qui ont des lettres (celles des autres, of course) ; des qui veulent préserver le patrimoine, les moines et la patrie ; des qui ont des fers à repasser la morale dans le tiroir de leur kangourou ; des qui ont des tronches de carême ; des qui prétendent que Bardot n’a pas un joli c… ; des qui en ont un pas comestible ; des qui boivent de l’eau (bénite de préférence) ; des qui ont honte d’être des hommes et qui pourtant sont fiers d’habiter Auteuil ; des qui léontrichent dans l’Aurore parce qu’ils ne sont même pas de l’académie des farces et attrapes ; des qui massacrent les poissons le Vendredi Saint, des qui roulent en Cadillac parce que le métro se paie comptant [7] Je ne pense à aucun producteur de films en particulier en écrivant cela. ; des qui mobilisent ; des qui immobilisent ; des qui prophétisent ; des qui bêtisent et quelques autres encore dont je tairai les noms, pour ne pas avoir de procès, prétendent que ma prose n’est pas orthodoxe.

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