Tout en bramant, je la secoue par le corsage… Ma rogne est telle qu’il finit par être en lambeaux.
Elle est plutôt belle, ainsi… Vous parlez d’un flash, mes amis.
Ça fait ciné réaliste… On projetterait ça sur les écrans, les messieurs seraient obligés de se faire préparer du bromure !
— Eh bien, oui ! hurle-t-elle enfin ! OUI ! OUI ! J’étais une garce ! Une criminelle en puissance… Oui, c’est pour moi que Dubois a tué… Oui, je t’aurais laissé mourir…
Drôle d’idée de me tutoyer en un pareil instant.
— Mais, maintenant tout est changé ! dit-elle. Maintenant je t’aime… Ecoute, ces semaines dans le Midi… Non, tu ne peux pas comprendre, je n’avais jamais connu une vie comme ça…, un foyer.
— Arrête, tu vas tomber dans les allocations familiales !
Elle hausse les épaules.
— Si j’avais voulu, l’affaire étant classée, j’aurais pu partir n’importe où avec l’argent et me payer du bon temps. Mais non, mon amour… Je suis restée… Et je suis prête à tout pour te garder…
L’argument me frappe. Au fait, c’est vrai, rien ne l’obligeait à vivre avec nous… Rien !
Elle montre la valise !
— Emporte cet argent maudit où tu voudras.
Je lui prends le menton.
Lentement, nos bouches se soudent. Ce chemin si court et si voluptueux, elles le connaissent bien… Je crois que jamais je n’ai embrassé une femme si longuement.
Je la repousse doucement. Je la regarde bien dans les yeux et d’une voix que je sens flottante, je murmure :
— Adieu, Anne-Marie…
Elle voit qu’il n’y a plus rien à espérer. Elle ne bronche pas.
— Je me souviendrai longtemps de la chaleur de ta peau, Anne-Marie… Et du goût de tes lèvres. Le poids de ton regard va me manquer… Le soir, surtout, j’en ai peur… Je me rappellerai nos crépuscules, là-bas… nos étreintes dans les rochers… Et peut-être, dans le fond, ce que je regretterai le plus, ce seront ces vaisselles que nous faisions ensemble. Elles m’avaient doucement amené au seuil d’une vie nouvelle… Une vie qui me faisait un peu peur parce que, dans le fond, je n’étais pas fait pour elle… Et parce que je n’étais pas fait pour elle, elle m’attirait, c’est humain…
Je m’arrête, la voix nouée. J’avale un grand coup de chagrin et je dis :
— Cette valise, j’ignore son contenu. Si je le connaissais, je t’arrêterais… Peut-être pourrais-tu la porter dans une consigne de gare en prenant soin de camoufler ton aspect. Et peut-être pourrais-tu envoyer le récépissé au commissaire Mignon, Police Judiciaire, Paris…
Je me dirige vers la porte.
— Peut-être peux-tu la garder, je ne sais pas…
Je franchis le seuil sans ajouter un mot. Je crois avoir entendu le mot « adieu » dans mon dos, mais faible, comme un écho que vous apporte la brise du soir…
Dans la rue, la nuit tombe. Paris s’illumine… C’est chaque soir la même kermesse…
Je rejoins ma voiture et m’installe au volant. Machinalement je mets en route… Je tourne une rue, une autre… Je déclenche l’essuie-glace, mais ma vue reste brouillée…
Y a maldonne, les mecs… Ça n’est pas sur le pare-brise qu’il pleut !
FIN
… Et je suis poli !
On ne soulignera jamais assez l’intérêt que présentent les deux mots « première partie » au début d’un ouvrage.
Astuce intraduisible en français !
L’auteur prend la ferme résolution, afin de se singulariser, de ne jamais employer l’expression « jambe gainée de nylon » que l’on rencontre dans tous les ouvrages qui se respectent, et même dans ceux qui ne se respectent pas !
Idem.
Comme dirait mon percepteur ?
L’auteur tient à faire remarquer combien il est rare de trouver dans le domaine policier (Voltaire exclu) un écrivain possédant une culture générale aussi étendue.
Lire les ouvrages qui précèdent !
Le lecteur peut à son aise admirer la remarquable construction de ce livre, lequel, après avoir bénéficié d’une première partie, en comporte une seconde, moins abondante que la précédente, certes, mais d’autant plus concise !
Je crois vous l’avoir déjà sorti quelque part. Dans l’affirmative, prière au lecteur de remplacer ce « Néanmoins, comme dirait Cléopâtre » par « Néanmoins, comme dirait mon visagiste ».