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Frédéric Dard: Chauds, les lapins!

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Frédéric Dard Chauds, les lapins!

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Les Editions Fleuve Noir ont longuement hésité avant de publier cet ouvrage. Car les événements qu'il retrace sont rigoureusement authentiques et mettent en cause l'épouse d'un ministre. L'aventure survenue à cette courageuse femme est hors du commun, c'est pourquoi, seule une acceptation de sa part pouvait nous décider à éditer ce livre. Ce consentement héroïque, elle nous l'a donné sans réserve. Nous prions donc Mme Alexandre-Benoît Bérurier de trouver ici l'expression de notre admiration et de notre reconnaissance.

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Je tourne la page.

Là, ça devient intéressant. Berthe plonge dans le décolleté sud d’un monsieur dont ne voit pas la tête.

Photo suivante, elle en sort un braque honnête auquel, sur l’image d’après, elle applique la fellation contrôlée pour le conduire au succès.

Mais, que se passe-t-il sur le cliché qui succède ? Quelle est cette chose phénoménale, indicible, violacée qui entre dans le champ ? Se pourrait-il que… ? Eh bien, oui, mon vieux pays ! Le membre du siècle ! La pièce de musée ! Du jamais vu ! De l’in-envisageable ! De la rapière forcenée ! De l’ogive chercheuse ! On franchit le seuil de l’irrationnel ! The monster !

Que va-t-il se produire ? Un engin aussi surdimensionné, cela sert à quoi ? Est-il utilisable seulement ? Quelle fonction lui trouver ? Le mettre où ?

Photo suivante : Berthe répond à ma dernière question. Donc, il est possible de conserver à ce pénis sa qualité essentielle !

Le Gravos qui suit à l’envers ma progression me désigne l’image prouvant la mise sur orbite.

— Une chopine d’c’t’ampleur, y avait qu’Berthe qui pouvait ! déclare-t-il sobrement, en réprimant sa fierté. Un cent’ d’héberg’ment comme Maâme Bérurier, c’t’unique au monde ; ou alors ça d’vient l’entrée du ferry-boîte.

Il me reste encore quatre photos à découvrir ; elles sont de celles qui conduiraient le plus chaste des pères chartreux à la damnation. Etant un auteur gaulois, certes, mais non licencieux, je me garderai bien de te les décrire. Sache seulement, infortuné lecteur (ou trice), qu’elles impliquent quatre personnages en des postures tellement lubriques que si je te les montrais, tu ne lirais plus ce livre que d’une main.

Chose importante, de ces quatre protagonistes, seule Berthe Bérurier montre son visage, les autres se contentant de livrer la partie d’eux-mêmes qu’ils tiennent à l’ombre généralement.

Fleur de Misère qui apporte la salade aux lardons jette un œil machinal par-dessus mon épaule et se met à trembler.

— C’est dégueulasse ! s’écrie-t-elle.

Je garderai son exclamation en guise de conclusion et referme l’album.

Le Gros remet la pièce à conviction dans le porte-documents.

— Enfin, s’il devrait arriver quéqu’chose à ma Berthy, ça m’fera toujours un souv’nir, soupire le saint homme.

Je suppose que si mon vieux compagnon d’équipées m’a mandé toutes affaires cessantes, c’est pour réclamer mon aide. Il est bien que je prenne l’initiative. Lui n’est que ministre, moi je suis commissaire. Je dispose donc de moyens d’action plus performants et d’une liberté plus grande.

— Il y a longtemps que tu es rentré d’Amsterdam ?

— Je descends de la vion.

— Donc, tu n’as pas encore été contacté ?

— Pas encore, non.

— Et depuis hier soir, tu n’as rien tenté en Hollande pour récupérer ta rombiasse ?

— Que voudrais-t-il-tu que j’eusse tenté, coincé par tout c’bordel à cul diplôme antique ? Les gaziers du prortocole collants comme des mouches à merde, les agents d’la sécurité au fion, plus une belle gonzesse offerte par l’comité des fêtes, j’pouvais quoi ? Et n’oublille pas qu’la vie à Berthy est en danger. Une mauvaise manoeuv’ et on r’trouve ma pauvrette av’c une praline dans l’chignon. Douc’ment les basques ! Faut y aller en espadrilles dans c’t’affure, mec ! Illico, j’ai songé à ta pomme. J’m’ai dit : « Y a qu’mon Sana pour m’arracher à c’te mistouille. »

— Merci pour votre confiance, monsieur le ministre.

Il s’enfourne une fourchetée de salade avant de répondre, manière de s’éclaircir la voix :

— C’est la moind’ des choses. J’ai beau être eu grimpé à l’échelle sociable, j’sais t’encore où qu’est mes vrais potes !

Il mâche, avale, arrose, ravale.

Finfin continue de gorgeonner derrière son rade, en palpant à chacun de ses passages la piètre moulasse de Fleur de Misère. Et la mère Rirette d’aboyer au milieu de son nuage de graisse telle une divinité de la bouffe.

Quelques habitués sont venus occuper les tables voisines. Ça ronronne doux. Ces fragrances de beurre cuit, cette paix des ventres en travail nous enveloppent comme un peignoir nids-d’abeilles tiède.

— Qu’est-ce tu crois qu’y peuvent m’vouloir, gars ? demande Béru. J’ai pas de fraîche. Juste trois quat’ pions su’ nos livrets Ecureuil.

— Ils n’attendent pas de blé de toi, Gros. Ça se situe sur un autre terrain.

— Lequel ?

— Je l’ignore encore, mais tu le sauras avant la fin de la journée.

— Qu’est-ce tu ferais à ma place ?

— Je commencerais par démissionner.

Il tressaille.

— Comme t’y vas !

— Réfléchis : en abandonnant tes fonctions ministérielles tu te places dans l’impossibilité de leur donner satisfaction.

— Et pou’ s’venger, y envoyent les photos au Président et aux journals et me butent ma poupée d’amour.

— S’ils divulguent ces photos, elles ne concerneront plus la femme d’un ministre, mais celle d’un ancien ministre ; ta démission immédiate ferait que l’impact serait moins grand, bien moins grand : tu devancerais le scandale, comprends-tu ? Seulement tu ne dois pas perdre une seconde !

— Et s’ils butent la Grosse ?

Je hausse les épaules.

— Là est le risque ; mais je te pose une question, Alexandre-Benoît : en admettant que ces gens exigent de toi une trahison quelconque de ta fonction, es-tu disposé à la commettre pour sauver la vie de ta femme ?

Pour lors, sa fourchette bien lestée redescend lentement sur son assiette. Il réfléchit.

— Tu sais bien que nous autres, les Bérurier, on est trop cons pour pas avoir l’essence du d’voir, grand. On s’fait buter à Verdun ! On chasse pas sans permis ! On paye nos tiers approviseurs ! Et quand quelqu’un se noye, on saute à l’eau sans savoir nager. Donc, pas question qu’je fasse une salopade, même qu’y découperaient ma merveilleuse Berthe en rondelles.

C’est dit avec une grande fermeté, sans trémolos.

Je lui tapote la dextre.

— Alors, fais comme je te dis !

Il hoche sa belle hure jaspée au rouquin qui tache.

— N’empêche que ça m’fait mal aux seins d’mouler mon port’feuille de miniss.

— Tu sais bien que de toute manière, ce genre de gadget est provisoire. Ce qui importe, c’est de vouloir l’être, puis de l’avoir été, sinon il s’agit d’un instant de fausse gloire, sans consistance ni lendemain. Tu auras connu les honneurs, bravo. Maintenant il est temps de te réveiller.

Son andouillette grésillante vient à point nommé pour disperser la noire cohorte des mauvaises pensées.

Le président referme l’album d’un geste sec, le repousse comme s’il exhalait des miasmes insupportables, puis, mains jointes, œil en code, se met à réfléchir. Nous respectons sa méditation, naturellement. Un président qui pense, t’irais le chatouiller sous les bras, tézigue ?

Au bout de sa trajectoire mentale, il s’ébroue comme à la sonnerie de son réveille-matin (lui, il possède un réveil mâtin).

— Ce qui me frappe le plus dans toute cette histoire, commence l’Illustre, c’est l’abondance du système pileux de Mme Bérurier, mon cher ministre. Il m’est arrivé, jadis à mon époque estudiantine, de renverser quelques gaillardes velues, mais aucune d’entre elles, jamais, ne m’a proposé un pelage aussi fourni.

Il ramène l’album à soi, l’ouvre à une page révélatrice et contemple.

— N’a-t-elle jamais été tentée de s’épiler ? demande cet homme courtois.

— Il n’eusse pas fallu qu’elle s’y risquâte, m’sieur le président, riposte Béru. Je l’ai mariée biscotte sa toison noire, ’maginez-vous. Le poil me porte aux sens, c’est bestialiste. Si j’vous disais, la seule unique fois qu’j’ai pas pu m’embourber une polka, c’est parce qu’étant jobastre et s’étant rasé le tablier. Moi, une moule chauve, ça m’la coupe ! V’s’allez pas m’dire, président, qu’une chaglatte comme celle à Berthe ça vous manigance pas l’sensoriel ! V’s’avez noté c’te p’louse ? Ell’ lu part d’puis le nombril du ventre jusqu’à plus bas qu’les jambons ! Vous parlez d’un régal ! Quand v’s’y faites minette, v’s’avez l’impression d’embrasser notre pauv’ cher Hernu su’ la bouche ! Si jamais on peut récupérer c’te mignonne, j’vous montrerai son frifri ent’ quat’ z’yeux, là vous vous rendrez vraiment compte, car une photo, c’t’une photo, on peut pas toucher, ça reste lisse. Ma Berthe, lorsque vous baladez vot’pogne dans sa fourragère, vous vous prenez pour Rambo dans la jungle chez les Niacouets : ça s’referme su’ vot’ passage. Y a des poils, quand l’temps veut changer et qui frisent féroce, j’sus t’obligé d’ m’effrayer le chemin av’c des ciseaux pour qu’m’sieur Bigbraque pusse aller folâtrer dans ses marigots, qu’autrement sinon, mon copain Zidor s’rait tout meurtri. C’est pas à vous qu’ j’vais apprendre la chose, mais un poil d’cul, c’est traître, m’sieur l’président. Déjà, quand v’s’en avez un dans la bouche vous v’là salement handicapé. V’s’avez-t-il déjà prononcé un d’vos discours av’c un poil ent’ les dents, président ? Vous qu’avez les chailles écartées, ça d’vait vous arriver plus souvent qu’à vot’ tour. Une p’tit’ broutance, vous, denté d’la sorte, c’est kif d’râteler les foins. Dites-moi pas l’contraire, je vous croirerais pas. T’nez, j’me rappelle d’une fois, vous causiez à la téloche. C’tait avant qu’vous fussiez président, président, en causant, j’remarquai qu’vous vous suciez les ratiches. J’m’ai dit : « C’t’homme-là, il a un poil d’cul qui l’taquine et y n’arrive point à l’recracher. »

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