Frédéric Dard - Ma cavale au Canada

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Ma cavale au Canada: краткое содержание, описание и аннотация

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J'aime mieux prévenir.
Celui qui entreprend la lecture de « Ma cavale au Canada » doit avoir le cœur et les roustons bien accrochés, car il y a davantage d'épisodes dramatiques dans cette œuvre magistrale qu'il n'y en a eu pendant toute la dernière guerre et plus de scènes de baise que n'en comptent les règnes d'Henri VIII et d'Elisabeth II réunis.
Prière d'éteindre sa cigarette avant de pénétrer dans ces pages. A l'intérieur, y a déjà plein de gonzesses qui ont le feu aux miches : inutile d'aggraver les risques.
Vive le Québec Livres !

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Le nouveau venu, c’est pas le style du premier. Il a la gueule d’un supporter de l’équipe de foot de Liverpool. Blond-blanc, une peau de rouquin, de la couperose. II avait des projets pour devenir albinos et puis il s’est fait recaler à l’oral. C’est pas un pistolet qu’il m’ajuste à dix centimètres des trous de nez, prêt à m’en confectionner un troisième, mais un revolver à barillet nickelé. Les balles de cuivre scintillent à la lumière de ma lampe de siège.

— On se calme ! dit-il.

Maintenant, ça commence à frémir autour de nous, dans les first. Le premier gonzier avait agi dans la discrétion et passait inaperçu. Cet hooligan en polo vert, aux bras roux tatoués (l’œuvre représente la relève de la garde devant Buckingham Palace) et au jean plus roux que sa peau à l’emplacement de la braguette, ne prend pas de précautions.

Cette fois, je me dis que cette jolie histoire d’amour vire au désastre. Mon prévoyage de noces risque de ressembler à un enterrement sans musique.

Le supporter du Liverpool Football Club attend, sans me quitter de l’œil de son Colt, que son compagnon reprenne ses esprits, ce qui ne tarde pas. Et puis voilà que tout s’île de beuté [4] San-Antonio a voulu dire « tout se corse ». Lady Rectricelittéraire. . Un steward nommé Rudi Menthère, de Lucerne (Bouche-du-Rhône), marié à une fille Teintligen (la grosse chaîne d’épiceries du canton de Berne), père de trois enfants, se pointe délibérément, tenant le marteau que j’ai laissé au commandant.

— Faites gaffe, lui crié-je, ce feu-là est chargé !

Si je lui avais hurlé l’avertissement en allemand, sans doute lui aurais-je sauvé la vie. Hélas ! je le lui ai dit en français-argot, et lui c’est pas son dialecte d’érection. Te dire : quand il a passé la matu, il a eu 2 à sa version française ! N’entravant que pouic, il marche droit au rouquin, le marteau dressé.

L’autre, pas l’ombre d’une hésitance. La praline fatale. Il a défouraillé si vite que j’ai à peine discerné son geste. Déjà il me rebraque. Le malheureux steward a une plaie que n’importe quel romancier de mes deux qualifierait de « béante », en pleine bouille, juste au-dessus du nez. Les passagers d’autour de lui sont tout éclaboussés de sang. Une dame de la bonne société zurichoise (y en a pas de mauvaise en Suisse), avec un chapeau de feutre vert à plumes qu’elle a conservé durant le vol, un foulard Hermès et une laine beige, pousse des cris de trident.

Un troisième personnage s’élabore dans l’affaire. Lui, plutôt le style indien. Barbiche, moustache. Des lunettes noires cerclées d’or. Il tient le pistolet que j’ai chinoisé. Il flanque une formidable mandale à la dame couineuse pour la faire taire.

Bon, va falloir développer ce bigntz, à présent. Que tout s’organise. Le premier type a complètement récupéré, sauf qu’il a des yeux de lapin russe à cause de la poudre que lui a propulsée Marie-Marie. Il récupère son arme et, suivi de l’Indien, gagne le poste de pilotage. Lui suffira de montrer au commandant qu’il dispose de deux feux pour que celui-ci réalise la situation. Le steward а la tronche pétée corroborera la sombre réalité si le pilote se retourne pour mater la travée.

— Tu vois que j’avais raison ? murmure Marie-Marie, d’une voix tranquille.

Nerfs d’acier, volonté d’airain ! C’est pas de la femmelette à tirer l’après-midi de cinq à sept (de saint cassette), mais une frangine décidée. La pure race des amazones ! Filles du feu ! Guerrière ! Walkyrie. Pas besoin de lui faire respirer des sels, de lui bassiner les tempes au vinaigre, comme on faisait aux gonzesses des anciens temps quand elles chopaient leurs vapeurs ! Marie-Marie, la vapeur, elle lui sort des naseaux.

Le gars qui me couche en joue, calme l’effervescence montante en termes d’une grande sobriété et chargés de volonté :

— Vos gueules ! Le premier qui bouge est mort !

Quand tu déclares cela après avoir fait éclater la tronche d’un chef steward, père de trois enfants qu’il emmenait chaque année au cirque Knie, tu es sûr d’être pris au sérieux. Tu les vois démener, les écoutes vociférer : des leaders syndicaux ou politiques, des chefs d’entreprise, des maris trompés, des bavards, des cons, des autres, tu te tapotes le menton. Blabla, zozoterie, fumée ! De la couillerie guimauve ! Des rodomontades rémoulades ! Du vent ! Du pet inodore ! De l’absence en forme de rien du tout ! Les derniers gus que tu prends en considération, c’est le chirurgien t’annonçant qu’il va falloir t’ablationner un rein, ou le contrôleur du fisc t’assurant d’un redressement imminent. Les autres brandisseurs de présages, menaces ou promesses, tu les conchies, les compisses, les enduis d’éjaculations fougueuses et de crachats de belle densité. Tu t’exerces à les haïr, même si tu es un foncièrement gentil ; pour le sport, par honnêteté morale et respect humain.

Et bon, le calme étant imposé, il règne dans les first. La nouvelle de la piraterie ne s’est point encore propagée au-delà du rideau bleu séparant les classes !

Le supporter de l’épique équipe de Liverpool se tient acagnardé au dossier qui me fait face. II dit :

— Plus tard, tu paieras ce que tu as fait à mon ami, et ta pute également. Toi, je te tirerai une balle dans le ventre. T’auras un trou large comme ma main au milieu de tes tripes. Elle, faudra qu’elle me suce à fond avant que je la liquide.

— Tu devrais te méfier, dis-je. Telle que je la connais, elle te coupera le zob d’un coup de dents et tu n’auras plus que ta gueule en guise de tête de nœud !

Il sourit.

— T’es un marrant, hein ?

— On le dit si souvent que ça doit être vrai, réponds-je modestement.

— Ce que j’aimerais te craquer la cervelle tout de suite !

— N’abusez pas trop des coups de feu, une balle malencontreuse risquerait de faire exploser l’avion !

— Et après ?

— Ben, après, plus rien, évidemment.

— Et après ?

Là-dessus, les haut-parleurs du bord retentissent et la voix du commandant, à peine altérée par l’émotion, annonce :

— Ici votre commandant qui vous parle. Un incident va nous contraindre à modifier notre plan de vol. Nous sommes sous la menace de pirates de l’air armés qui exigent que nous changions de cap. Je prie les passagers de conserver leur calme et de se conformer aux exigences des gens qui nous tiennent à leur merci. Que chacun garde confiance.

II a jacté en allemand, répète en anglais, puis en français. C’est à peine si on perçoit un moutonnement de frayeur dans l’appareil. La nouvelle sidère les passagers des autres classes encore ininformés. L'Indien aux lunettes noires sort du poste de pilotage et marche vers l’arrière du D.C. 10 en brandissant le feu inutilisable (mais les gens ne le savent pas).

Je note que la carte de l’Amérique du Nord projetée sur l’écran disparaît. On ne peut plus suivre la marche de l’avion. Le soleil se déplace et notre hublot ensoleillé s’assombrit. J’ai idée que le zinc amorce un radical changement de cap. On piquerait plein nord que ça ne me surprendrait pas.

Sous ma coiffe bretonne s’élabore l’alchimie magique des idées. Un mec d’action, tu peux pas l’empêcher de phosphorer, de combiner, d’échafauder. Moi, froid aux châsses ? Jamais avec mon Damart [5] A propos, M. Thermolactyl m'a envoyé deux tricots parce que je l'ai cité. Je vais essayer de citer Ferrari, on verra bien ! .

Je me dis ceci : les pirates sont au nombre de trois. Celui que je suppose être leur chef reste dans le poste de pilotage, le second me tient à l’œil, tandis que le troisième va chiquer au loup-garou dans les autres classes. Ce dernier possède une arme bidon. Si bien que si je parviens à neutraliser le voyou blondasse, n’ayant rien à craindre de l’Indien, je pourrai ensuite me consacrer au chef.

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