Сорж Шаландон - Mon traître

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Mon traître: краткое содержание, описание и аннотация

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— C’est la mentonnière, j’ai dit.

Voilà. Rien de plus. Relâchée à force d’à force, elle se promenait sur le bois en maltraitant le son.

J’ai resserré la mentonnière. Je me suis levé. J’ai balayé d’une main la poussière de bois tombée sur mes genoux. J’ai heurté mon diapason contre le rebord de l’établi. Et puis j’ai caressé les quatre cordes l’une après l’autre. Plus rien de mal. Le beau son. J’ai demandé à Pêr de jouer son violon. Moue sceptique. Il a frotté ses mains, calé son instrument dans un chiffon vert et regardé le sol. Puis il a inspiré. Il a cogné quelques notes brutales. Une gavotte du Bas-Léon. Le sol frappé du pied, la bouche mauvaise et les yeux clos. C’était une mélodie de guerre. Un monde soudain. Les armées bretonnes jetées contre les remparts de Montparnasse.

— Ce n’est pas encore ça, a-t-il dit en me tendant son instrument.

Je lui ai demandé de me confier son violon jusqu’au soir. J’allais le détendre et enlever un petit copeau à l’âme. Rien, juste un grain d’épicéa pelé au canif pour dire que quelque chose a été fait.

Ce jour-là, Pêr était fatigué. Dix fois, je lui ai dit que la fatigue abîme le son de l’instrument. Que l’oreille ne perçoit pas la même sensation après une nuit sans sommeil, cinq bières ou un grand jour de silence. Pêr a dit que oui, peut-être. Mais quand même. Il m’a dit qu’il fallait que je regarde mieux.

— Je peux laisser mon étui ?

— Sur la table, là-bas.

Il l’a ouvert et rangé son chiffon. A l’intérieur, le Breton s’était fait une garniture à lui, un velours usé aux couleurs du drapeau irlandais. Du vert, du blanc et de l’orange qui faisaient impression dans les pubs. Lorsqu’il jouait, il laissait l’étui ouvert à ses côtés. Dans le couvercle, il avait collé la photo noir et blanc d’un homme en veste et en gilet, le front largement dégarni, les sourcils épais et la moustache lourde. L’homme semblait sourire. Il portait une chemise à col rond.

— Je vous présente James Connolly, a dit Pêr, en levant l’étui à hauteur de ses yeux.

— Un violoniste ? j’ai demandé.

Pêr a ri. Il aurait pu, mais non. C’était un patriote irlandais. Il avait été fusillé en 1916 par les Britanniques après l’insurrection de Pâques. Il avait attaqué la grande poste de Dublin avec ses hommes pour en faire un quartier général. Et ça avait mal tourné.

J’ai regardé ce visage ancien, à peine. Déjà, le Breton avait refermé le couvercle de son étui et quitté la pièce.

Alors j’ai recommencé à poncer le sillet. Lentement, longuement, dans le silence revenu. Avant de prendre le violon du Breton. J’ai introduit une « pointe aux âmes » par l’ouïe, et retiré le petit cylindre de bois en le mouillant d’un bord de lèvres. L’épicéa se travaille humide. Un coup de canif. Pas plus. Juste un copeau, un fragment de rien. Puis j’ai passé un peu de craie sur la blessure avant de remettre l’âme en place, à gauche de la barre, à peine plus haute qu’elle n’était.

Et puis voilà. Je ne sais pas pourquoi. J’ai quitté l’établi, je suis allé à l’étui de Pêr et j’ai soulevé le couvercle.

J’avais déjà oublié le nom de cet homme à col rond. Je retiens rarement les noms. Les visages, les poignées de main, les douceurs de peaux, les histoires, les attitudes, les bonheurs, les cruautés, les jours et les nuits, mais pas les noms. Je l’ai regardé mieux. Une veste de drap sombre et lourd, deux boutons de gilet qui accrochaient un éclat de lumière, une cravate et la vieille chemise. Il aurait pu être savant, ou ministre, ou encore maître d’école. Quelque chose de sérieux et de grand. Peut-être ne souriait-il pas tout à fait. Mais quand même. Ce saillant de pommettes, de menton, cet air amusé qui errait de ses yeux à ses tempes.

Fusillé.

Cet homme avait été fusillé par les Anglais. Ils avaient fusillé ce ministre, ce député, cet instituteur. Ils avaient fusillé l’inconnu à col rond. Et voilà que ma vie allait prendre un autre chemin.

C’était absurde.

Si Pêr avait resserré sa mentonnière. S’il n’avait pas passé la porte de l’atelier ce jour-là. S’il n’avait pas ouvert son étui. S’il ne m’avait pas présenté un Irlandais disparu 58 ans plus tôt, je ne serais jamais allé à Belfast. Je n’aurais jamais marché aux côtés de Jim et Cathy dans la nuit menaçante. Je n’aurais jamais rencontré mon traître.

*

L’homme à col rond s’appelle James Connolly. Très vite, j’ai retrouvé son nom, et appris son nom, et retenu son nom. Aujourd’hui, je sais même l’écrire en gaélique. Séamas ó Conghaile. Moins de cinq mois après la gavotte de Plouarzel, jouée par Pêr au milieu de mon atelier, j’ai accroché la photo du syndicaliste irlandais sur mon mur. La même que celle qui était dans l’étui du Breton, l’une des rares photos de Connolly, dans un cadre doré, au-dessus de mon établi entre les alésoirs, les limes et les chevalets suspendus à un fil comme un collier d’érable.

Nous étions en mai 1975. Pour fêter mes trente ans, je suis allé à Dublin retrouver Yvon, un ami de jeunesse qui avait épousé Siobhan, une Irlandaise. Lui est né à Gérardmer. Je suis né à Besançon. A dix-sept ans, nous étions apprentis d’un même atelier de Mirecourt, dans les Vosges. Les places étaient rares. Ancienne capitale de la lutherie, la ville a vu ses fabriques fermer l’une après l’autre. Après guerre, dans ces forêts blessées par les obus, les arbres des lignes de crêtes ne valaient plus rien. Les pins étaient mutilés, labourés, sanglants partout. De vieux maîtres luthiers ont quitté la lente façon du violon, de l’alto ou de la mandoline, pour fabriquer le coffre en bois des radios. Pendant trois ans, Yvon et moi avons travaillé côte à côte. Je parlais peu. Il ne parlait pas. Mes héros s’appelaient Jean-Baptiste Vuillaume et Etienne Vatelot, des luthiers de légende. Ses héros se nommaient Dominique Peccatte ou Jacques Lafleur, des archetiers de renom. Je suis devenu luthier. Il est devenu archetier. C’est par Yvon l’archetier que je suis arrivé en Irlande. De ce pays, et jusqu’à aujourd’hui, il n’a connu que sa femme, la bière et la musique.

La fête de mes trente ans a été superbe. Moi qui n’aime pas le faire en public, j’ai joué mon violon. O’Keefe’s Slide, que j’ai interprété ivre, en me rêvant le grand Michael Coleman. Le lendemain, au tout petit jour, j’ai erré dans Dublin. C’était un dimanche. J’étais seul avec mon sac, mon étui, ventre lourd et le sang aux tempes. Je devais reprendre l’avion dans l’après-midi mais avant, je voulais flâner près de Connolly Station. Pourquoi ces rues ? Je ne sais pas. J’aimais leur pauvreté, ce silence de froid gris. J’aimais aussi les figures que je croisais. Des visages durs. Des regards perdus. Des cheveux sombres et roux. Des étoffes râpées, des manteaux trop amples et des chaussures molles. Il pleuvait. Je crois avoir toujours connu Dublin sous la pluie. Je suis entré dans la gare Connolly. Comme ça, pour voir. Les guichets étaient déserts. Plate-forme numéro 2, un train attendait. Il allait à Drogheda, Newry et Belfast. Des noms sur un panneau. Je ne sais ni quoi ni pourquoi. Je suis allé au guichet. Une jeune fille souriante m’a fait répéter trois fois. J’ai pris un aller-retour pour Belfast.

— Vous ne connaissez pas le Nord ? Alors vous ne connaissez pas l’Irlande, avait dit Pêr.

Et cette phrase stupide m’avait vexé.

Roulant vers Belfast, je suis resté front contre la vitre glacée. La voiture était presque vide. Les villages et les villes déserts. Lorsque le convoi s’est arrêté à la frontière, deux hommes sont montés à bord. Un contrôleur et un policier. Ils sont passés sans un mot, sans un regard pour les sacs ou les yeux baissés. Et puis le train est reparti. Au-dessus d’un entrepôt, j’ai vu flotter le drapeau britannique. Un drapeau déchiré, tout abîmé de temps. Je me suis dit que voilà. J’y étais. Je venais d’entrer en Irlande du Nord. J’ai regardé les maisons étroites, les arbres, le ciel, les barbelés, les herses, les tessons de bouteilles sur le faîte des murs. J’ai regardé les cheminées, les fumées grises alignées toit par toit.

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