Сорж Шаландон - Mon traître

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Mon traître: краткое содержание, описание и аннотация

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La première fois que j’ai vu mon traître, c’était ce jour-là, dans ce club-là, la veille de Pâques. J’étais levé, poings fermés le long du corps parce que les musiciens jouaient mon hymne. La tête me tournait. J’étais les yeux clos dans l’odeur de tourbe. La Chanson du soldat entrait à pleine peau. A la dernière note, la salle a applaudi. Pas comme on félicite, mais comme on remercie. J’étais bien, retombé, assis à la table, à côté de la porte. Jim était levé. Il mettait son manteau en trébuchant des manches. Cathy parlait front contre front avec une femme qui me tournait le dos. J’ai eu envie de pisser. Les toilettes sont au sous-sol, après la réserve du bar et les fûts empilés. Une dizaine d’hommes étaient là, qui refaisaient la vie. Il y avait des mains sur les épaules, des voix fortes, des serments hachés, des regards papillons, des braguettes ouvertes avant même la rigole de zinc. Il y avait du solide, du rude, du rire, de la voix cigarette, du visage cassé, du cheveu plaqué de fumée, du regard las. Et il y avait moi qui pissais, le front contre l’émail, les mains couvrantes et l’urine murmurée.

— Attention à tes chaussures, fils, a souri mon traître.

Je l’ai regardé. Ses yeux très bleus, une friche de sourcils, des cheveux blancs qui faisaient désordre au-dessus de ses oreilles. Il n’était pas rasé. Sous les néons, une peau usée piquetée d’argent. Il était à côté de moi. Qui pissait pareil. Une fin de cigarette en coin, avec un œil presque fermé. Qui pissait pareil, mais de plus loin, avec quelque chose de presque élégant. En fait, il était élégant. Un petit homme, en veste de tweed marron chiné d’ocre et de vert, avec une chemise à carreaux fins et une cravate de laine sombre. Il avait gardé sa casquette. Une casquette brune à chevrons de chez Shandon, en pure laine, molle d’avoir été tant et tant portée. Bien plus tard, des années après, lui et moi sommes allés ensemble dans le Donegal, au-delà du Lough Foyle, en République d’Irlande, juste pour m’acheter la même.

— Tu veux que je te montre ?

J’avais encore l’hymne en tête, les bières qui restaient à boire, Jim et Cathy qui attendaient. Tous ces bruits d’arrière-salle qui tintaient l’ivresse. Moi aussi, j’étais ivre à plus rien savoir.

— Tu veux que je te montre ? a redit mon traître. Montrer quoi ?

Comment pisser.

Et j’ai dit oui.

J’étais face à l’urinoir – une goulotte, un boyau qui courait le long du mur –, mon traître a posé une main sur mon épaule et m’a légèrement tiré en arrière. Je pissais toujours. Je pendais. Je n’avais pas eu le temps de ranger. Il a ri. Pas méchamment. Juste, il s’est amusé de ma gêne. Il m’a demandé de quoi diable j’avais peur. Qu’on voie mon sexe ? Ici ? Dans ce lieu d’hommes ? Ce bar de prisonniers ? Allons ! En souriant, il a montré mes chaussures. J’étais si près du mur, tellement collé, tellement soucieux de tout, que l’urine frappait le carrelage blanc pour rejaillir sur mes souliers en petites engrêlures gênantes.

— Ce n’est pas comme ça qu’on fait, m’a-t-il dit. Debout, face à l’urinoir, il a reculé de trois pas et posé sa paume gauche contre le mur.

— C’est comme ça.

Il était en équilibre. Les pieds écartés, la main au-dessus de la tête, à plat sur les carreaux et l’autre main qui dirigeait le jet. Il était là, comme ça, en pont tendu, arc-bouté au-dessus de la rigole. Il m’a regardé. Il m’a dit que voilà. Comme ça, c’était. Une fois que le corps était posté ainsi, éloigné du caniveau commun, un homme pouvait laisser aller. J’étais toujours en retrait, de l’urine sur les chaussures.

Il a pissé longtemps.

Je l’avais remarqué avant, plus tôt dans la soirée. Il était à une grande table, près de la scène. Une table d’hommes, que tout le monde saluait. Je l’ai vu parce qu’il me regardait. Il parlait en me regardant. Il riait en me regardant. Il levait son verre en me regardant. Au moment de l’hymne, il s’est levé. Quand j’ai ouvert les yeux à la dernière note, il remettait sa casquette. Et le voilà qui pisse. Qui me montre comment. Un bras tendu, un corps en équilibre, et rien qui n’éclabousse rien.

— Français ?

J’ai regardé mon traître. Ma braguette était toujours ouverte. Il l’a montrée d’un geste du menton. Nous sommes sortis ensemble, retournant dans la salle éclairée de trop blanc.

— On vous reconnaît de loin. Les Français bougent leur lèvre supérieure quand ils parlent, a dit mon traître.

J’ai souri à tout hasard.

— Tu vis où ?

— Paris.

— Tu as un travail ?

— Je suis luthier.

Regard en biais de mon traître.

— Violence maker ?

— Violin maker.

— Ah ! Luthier ? Tu es bien jeune.

— Trente-deux ans.

Il a hoché la tête en refermant sa veste. Tout autour, les femmes et les hommes se relevaient à peine. Une fille était tombée sous une table. Un garçon se laissait emmener par deux épaules amies.

« Si tu ne crois pas en la résurrection des morts, reviens ici au moment de la fermeture » , disait une pancarte accrochée derrière le bar.

— Tu es là pour longtemps ?

— Pardon ?

— Je demande si tu es là pour longtemps. L’accent de Belfast. Cet incompréhensible, cet impossible des premiers contacts, quand « deux » ne se prononce pas « tou » mais « toïye », lorsqu’une maison est une « haoïse », que « petit » se dit « wee », que « oui » se prononce « haïe », et au revoir « cherioo ».

— Are yee hir feur loooong ?

— Juste quelques jours. Je suis venu pour Pâques.

— Pâques, a répété mon traître.

Déjà, il avait levé la main pour ailleurs. Un homme, à une table, qui venait de crier son prénom.

— Tyrone !

Mon traître est parti comme ça, sans un mot. Il a traversé la salle bras levé, pour étreindre celui qui le saluait.

Jim m’attendait, assis sur un coin de table. Cathy finissait un verre qui n’était pas le sien. J’ai baissé les yeux sur mes chaussures. J’avais un lacet défait et des brillances négligées.

— Il est temps maintenant, mesdames messieurs ! criaient les serveurs, empilant les verres vides le long de leur bras jusqu’au-dessus de leur tête.

— Tu étais avec Tyrone Meehan ?

— C’est qui ?

Je m’étais fait à l’accent de Jim, et aussi à celui de Cathy. Je ne sais pas pourquoi. Ils avaient quelque chose de plus lent dans la parole. Comme un effort pour moi. Lorsque Jim s’adressait à moi, je comprenais presque tout. Pas tout, mais presque. Je restais le regard à ses lèvres, essayant de traduire, même si certains mots quand même, partaient devant, derrière, se perdaient en chemin.

— Tu n’as jamais entendu parler de Tyrone Meehan ?

A cet instant, par la voix de Jim, les yeux de Jim, sa bouche qui disait le respect de ce nom prononcé, j’ai su que mon traître était de ceux que célèbrent les chansons rebelles. Il s’appelait Tyrone Meehan. Tyrone Meehan, qui m’a expliqué que, pour pisser en homme, il fallait accepter de se montrer en homme. Éloigné de la rigole, le regard ailleurs, la main en paravent, cigarette oubliée au coin des lèvres.

Ce soir-là, Jim, Cathy et moi sommes rentrés à pied. Nous avons remonté Falls Road désert, brumeux, et pluvieux aussi. Comme j’aime imaginer cet instant lorsque je suis à Paris, penché sur un violon, et que je regarde les ombres de ma rue. Nous avons croisé deux blindés britanniques, et une patrouille à pied. Quatre soldats ouvraient la marche, visage passé au noir, treillis camouflés, casques, fusils pointés droit devant sur la nuit, et deux autres marchaient derrière, à reculons, s’agenouillant en position de tir au passage des voix irlandaises. Dans les rues, derrière les haies, partout les chiens aboyaient. D’une fenêtre, un gars a hurlé quelque chose que je n’ai pas compris. Une fille chantait mal, quelque part, loin devant. Les Britanniques venaient vers nous. A leur approche, Jim m’a pris par le bras pour traverser la rue. Rien d’ostensible. Juste une pression des doigts sur ma manche. Un soir, il m’avait expliqué que l’Armée républicaine irlandaise était là, partout, qui veillait sous son ciel. Si cette patrouille était attaquée, il ne fallait pas qu’un Jim, qu’une Cathy ou qu’un Antoine de Paris titubent entre le tireur et sa cible. L’IRA demandait donc à sa population de changer de trottoir à l’approche des soldats ennemis. On raconte qu’après la mort d’un enfant, heurté par un blindé devant sa maison, les habitants de sa rue avaient repeint leurs façades. Toutes les façades, barbouillées de blanc en une soirée, du sol à hauteur d’homme. Le lendemain, la ruelle était parcourue d’un long ruban clair, peint sur deux mètres de haut. C’était en mai. Deux nuits plus tard, un parachutiste écossais a été abattu d’une seule balle dans la gorge par un tireur de toit. C’est en fouillant une à une les maisons basses et en interrogeant rudement la population que les soldats ont compris. Dans cette rue aux réverbères brisés, il fallait que les intrus se détachent du sombre. Il ne fallait pas les prendre pour un passant, pour un voisin pressé, il ne fallait pas les confondre avec la noirceur des briques. Il fallait qu’ils soient visibles, qu’ils se détachent, que tout ce blanc les cerne et les offre au fusil. Les soldats britanniques devenaient ainsi ombres, et donc cibles, et donc morts. Les habitants avaient repeint en blanc les murs de leur rue, pour qu’aucun ennemi n’en réchappe.

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