Erik L'Homme: Le Visage De L'Ombre

Elle entra dans la chambre de Guillemot et, d’un pas décidé, s’avança jusqu’au lit du garçon qui la fixait avec un regard étonné.

– J’ai oublié ma veste, dit-elle.

– Mais tu l’as sur le dos !

– Je sais.

Elle se pencha et approcha ses lèvres de celles de Guillemot, interloqué. Mais pas un instant il ne songea à se dérober. Au moment où leurs bouches se touchèrent, ils fermèrent les yeux.

– Je suis drôlement contente que tu t’en sois tiré…

– Oui, moi aussi.

– A demain !

– A demain !

Il regarda son amie partir, le cœur battant à tout rompre.

Le départ du petit groupe lui laissa une impression de vide, qu’il chercha à oublier en s’intéressant aux nombreux cadeaux qui lui avaient été faits et qu’il laissait autour de son lit, comme il le faisait lorsqu’il était plus jeune, après avoir reçu ceux du solstice d’hiver.

Son attention fut attirée par une belle pierre blanche que lui avait donnée Kor Mehtar en personne, lorsqu’il était venu lui rendre visite au sein d’une délégation officielle conduite par le Prévost. La pierre était couverte des signes que les Korrigans appelaient Oghams, et qui étaient les instruments d’une magie en provenance non pas des étoiles, mais de la terre et de la lune. Il tendit le bras et la caressa. Elle était polie et douce. Par jeu, il effleura l’un des Oghams, gravé sur l’arête.

Puis il laissa aller sa tête contre les oreillers. Il se mordit machinalement les lèvres. Elles avaient encore le goût de celles d’Ambre. Décidément, et même s’il avait repris les pouvoirs magiques qu’il lui avait donnés, Le Livre des Étoiles lui avait fait le plus beau des cadeaux en le laissant en vie.

Sur le sol, sans que Guillemot s’en rende compte, l’Ogham qu’il avait caressé se réveilla, et se mit à briller d’une chaude lumière rouge…

Le multivers

Maître Qadehar m’a révélé qu’il existait d’autres Mondes que ceux que nous connaissons. Il y en aurait neuf en tout ! Il m’a expliqué que tous ces Mondes étaient reliés par une sorte de pilier (qui n’existe pas en tant que tel bien sûr !), l’Irmin ou YggdrasiII, qui représente la cohésion de l’espace dans lequel évoluent ces Mondes et l’indispensable équilibre qui fait que tout fonctionne ; ce pilier est l’axe des Mondes. Enfin le Wyrd, la toile d’araignée, rattache toutes les choses entre elles, quel que soit leur Monde. C’est pourquoi les Sorciers de la Guilde préfèrent parler de multivers plutôt que d’univers : même s’il reste cohérent et maintenu par des liens puissants, l’univers n’est pas unique, mais multiple…

L’Insigil

C’est un sortilège qui s’apparente au Galdr et qui ressemble au Lokk, mais qui n’est ni l’un ni l’autre ! En fait, le Sorcier qui invoque un Insigil fabrique un cercle, une roue, avec des Graphèmes. Il ne les relie pas, il ne les mélange pas non plus : il les apparente. Et en les apparentant de façon précise, le Sorcier provoque leur effacement au profit de quelque chose d’autre. D’autonome. De puissant. De dangereux, aussi ! C’est pourquoi llnsigil est très rarement utilisé. Le plus célèbre des Insigil est celui du Dragon, aussi appelé Lindorm. Les Graphèmes appelés au cours du rituel s’effacent et cèdent la place à un serpent monstrueux, qui reste prisonnier de notre dimension tant qu’il n’a pas accompli la mission pour laquelle il a été appelé. Et comme il ne supporte pas la lumière, il n’a qu’une hâte : obéir pour pouvoir retourner dans les ténèbres apaisantes du Néant ! Maître Qadwan en a hélas été la victime, dans la tour de l’Ombre…

L’OdhR

C’est un état d’extase, une inspiration extrême qui permet un grand détachement par rapport à la réalité. L’Odhr est l’opposé (et le complément) de l’Hugr. L’Hugr, lui, représente l’esprit conscient, l’éveil total, en prise maximum avec le réel. C’est grâce à l’Odhr que j’ai pu échapper à l’horrible Tortue-Monde, et que je n’ai par la suite plus eu besoin de boire ou de manger.

Le Dit du Crieur,suivi du Poème de Sagesse des Apprentis Sorciers

« Je sais que je demeurai suspendu à l’arbre Empli de vent Neuf nuits durant Blessé par une lance.

Moi-même à moi-même livré Pendu à cet arbre dont nul ne sait Où il puise ses racines.

On ne me tendit pas de corne à boire.

On ne me donna pas de pain.

Je me penchai Je ramassai les Graphèmes,

En hurlant je les ramassai Et puis tombai…

Alors je me mis à germer Et à apprendre,

A croître et à prospérer.

De parole en parole La parole m’a mené.

D’acte en acte L’acte m’a mené.

Tu découvriras les Graphèmes

Et tu interpréteras le livre Très important, le livre,

Très puissant, le livre,

Que firent les Puissances,

Que grava le Sage Et que colora le Crieur. »

« Sais-tu comment il faut graver ?

Sais-tu comment il faut interpréter ?

Sais-tu comment il faut colorer les Graphèmes ?

Sais-tu comment il faut éprouver ?

Sais-tu comment il faut demander ?

Sais-tu comment il faut sacrifier ?

Sais-tu comment il faut offrir ?

Sais-tu comment il faut projeter ?…

Mieux vaut ne pas demander, que trop sacrifier :

Un don est toujours récompensé.

Mieux vaut ne pas offrir, que trop projeter… »

Ansuz (a)

Ordre : quatrième Graphème

Associations (surnoms) : l’Ase, l’Humide

Significations : puissance créatrice, intelligence (« acérée comme l’épée »), connaissance

Pouvoirs : ouvre aux pouvoirs intérieurs, délivre l’Ônd (le souffle vital) et conduit à l’Odhr (inspiration, extase) ; affranchit de la peur de la mort ; Graphème des chants et des incantations

Hagal (h)

Ordre : neuvième Graphème

Associations (surnoms) : la Grande Mère, L’Étoile, la Rouge, la Grêle

Significations : relie le passé et l’avenir (« Hropt créa le monde ancien »), renferme les mystères du multivers

Pouvoirs : peut-être le plus puissant des Graphèmes ; ses pouvoirs sont multiples ; définit plus qu’aucun autre Graphème le Vé, l’espace sacré lié à la pratique de la magie