Alexis Jenni - L'Art français de la guerre

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L'Art français de la guerre: краткое содержание, описание и аннотация

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« J'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails. Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue. »
L’histoire commence avec la première guerre du Golfe : le narrateur, en pleine crise personnelle, fait la connaissance d’un ancien militaire devenu peintre, Victor Salagnon. À travers les souvenirs de Salagnon défilent cinquante ans d’histoire de France revue à travers le fait militaire : la Deuxième guerre mondiale, l’Indochine, l’Algérie… Au-delà du récit d’une amitié entre deux hommes, une interrogation sur la France contemporaine, en dehors de toute idéologie.
Prix Goncourt 2011

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J’allais et m’amusais de vérifier, encore et encore, que les artistes ressemblent à leur œuvre. Paresseusement on croit à l’inverse, par un sainte-beuvisme de bazar : l’artiste s’exprimerait et donnerait forme à son œuvre, et celle-ci donc le refléterait. Allons ! Un tour sous les platanes du Marché aux Artistes révèle tout ! L’artiste ne s’exprime pas — car que dirait-il ? : il se construit. Et ce qu’il expose, c’est lui. Derrière son étal il s’expose au vu des badauds qu’il envie et méprise, sentiments qu’ils lui renvoient bien, mais autrement, à l’envers, et ainsi tout le monde est content. L’artiste fabrique son œuvre, et en retour l’œuvre lui donne la vie.

Regardez ce grand type maigre qui fait de terribles portraits à grandes touches d’acrylique : chacun est lui sous différents angles. Assemblez-les, ils le montrent tel qu’il voudrait être. Et ce qu’il voudrait est.

Regardez celui qui peint avec soin des aquarelles trop vives, trop tranchées, dont les couleurs crient, dont les masses articulent distinctement. Il est sourd et entend très mal ce que disent les curieux, il peint le monde tel qu’il l’entend.

Regardez cette femme très jolie qui ne peint que des portraits de belles femmes. Toutes lui ressemblent, et avec les années elle s’habille de mieux en mieux, se fane, et ces femmes peintes sont d’une beauté de plus en plus tapageuse. D’une façon prévisible elle signe « Doriane ».

Regardez ce Chinois timide qui propose des peintures d’une extrême violence, des visages en gros plan profondément défoncés de coups de brosse. Il ne sait jamais où mettre ses mains énormes et s’en excuse d’un sourire charmant.

Regardez celui-ci qui peint des miniatures sur des planches de bois ciré. Il arbore une coupe au bol que l’on ne voit que dans les marges des manuscrits, il a un teint de cire, et son répertoire de gestes se réduit progressivement jusqu’à n’être que celui de la statuaire médiévale.

Regardez cette grande femme aux cheveux noirs teints, qui eut de meilleures années, qui maintenant se flétrit mais reste droite et l’œil étincelant. Elle peint des corps enchevêtrés d’un trait souple d’encre de Chine, d’un érotisme assuré qui ne déroge pas, mais sans débordement.

Regardez cette Chinoise assise au milieu de toiles décoratives. Ses cheveux entourent ses épaules d’un rideau de soie noire qui est l’écrin de sa bouche d’un rouge éblouissant. Sa peinture clinquante n’est que de peu d’intérêt, mais quand elle s’assoit entre ses toiles elles deviennent le fond parfait du pourpre profond de ses lèvres.

J’allais, et je le reconnus, je reconnus sa raideur et sa grande taille. Il brandissait sa belle tête d’homme maigre comme plantée au bout d’une pique. Je reconnus de loin son profil épuré, ses cheveux blancs en brosse courte, son nez bien droit qui désignait l’avant. Son nez montrait un tel allant que ses yeux pâles semblaient en retard, hésitants. Son ossature était action, mais ses yeux contemplatifs.

Nous nous saluâmes d’un signe de tête, ne sachant pas jusqu’où devraient aller nos gestes et nos paroles en dehors de la routine du comptoir. Nous étions en civil en quelque sorte : mains dans les poches, debout, parlant avec mesure, sans avoir bu, sans verre à prendre, en dehors de l’habitude. Il me fixait. Dans ses yeux transparents je ne lisais que la transparence, il me semblait parvenir jusqu’à son cœur. Je ne savais que dire. Alors je feuilletai les feuilles d’aquarelle posées devant lui.

« Vous ne ressemblez pas du tout à un peintre, dis-je machinalement.

— C’est qu’il me manque la barbe. Sinon j’ai des pinceaux.

— Très beau, très beau », disais-je poliment en feuilletant, et je réalisai que je disais vrai. Je regardai enfin. J’avais cru à des aquarelles mais tout était peint à l’encre. Techniquement il s’agissait de lavis monochromes, réalisés à l’aide de dilutions d’encre de Chine. Du noir profond de l’encre pure il tirait une telle variété de nuances, des gris si divers, si transparents, si lumineux, que tout était là, couleurs comprises, même absentes. Avec du noir il faisait de la lumière, et de la lumière le reste découle. Je relevai la tête et l’admirai d’avoir réalisé cela.

En m’approchant de son étal je m’étais attendu à ce que produisent ceux qui se remettent à la peinture sur le tard, plus ou moins pour s’occuper. Je m’étais attendu à des paysages et des portraits d’une exactitude bien mesurée, à des fleurs, à des animaux, à tout ce que l’on croit pittoresque et que le peuple innombrable des amateurs s’obstine à reproduire, avec toujours plus de précision et toujours moins d’intérêt. Et puis je touchai les grandes feuilles qu’il avait peintes à l’encre, je les pris entre mes doigts une par une, des doigts de plus en plus délicats et sûrs, et je sentis leur poids, je sentis leur fibre, je les plaçai sous mon regard et ce fut une caresse. Je feuilletai en respirant à peine cette explosion de gris, ces fumées transparentes, ces grandes plages de blanc préservé, ces masses de noir absolument obscur qui pesaient sur l’ensemble de leur poids d’ombre.

Il en proposait des cartons pleins, mal rangés, mal fermés, à des prix ridicules. Les dates s’étendaient sur le dernier demi-siècle, il avait utilisé les papiers les plus divers, à aquarelles, à dessins, mais aussi d’emballage, des bruns et des blancs de toutes nuances, des vieux fibreux qui s’abîmaient et de tout neufs juste sortis d’une boutique pour artistes.

Il peignait d’après nature. Les sujets n’étaient que prétexte à la pratique de l’encre mais il avait vu ce qu’il avait peint. On pouvait reconnaître des montagnes caillouteuses, des arbres tropicaux, des fruits étranges ; des femmes penchées dans un paysage de rizière, des hommes en djellaba flottante, des villages de montagne ; des traces de brouillard sur des collines pointues, des fleuves bordés de forêt. Et des hommes en uniforme, beaucoup, héroïques et maigres, dont certains allongés, visiblement morts.

« Vous peignez depuis longtemps ?

— Une soixantaine d’années.

— Vous vendez tout ?

— Tout ceci m’encombre. Alors je débarrasse le grenier et je prends l’air le dimanche. À mon âge ce sont deux activités importantes. Accessoirement je retrouve des dessins oubliés, j’essaie de me souvenir de quand ils datent, et je parle peinture avec les passants. Mais la plupart ne disent que des âneries ; alors pour l’instant ne dites rien. »

Je continuai de feuilleter en silence, je suivais son conseil, j’aurais tellement aimé lui parler mais je ne savais pas de quoi.

« Vous y étiez vraiment, en Indochine ?

— Voyez. Je n’invente rien. C’est dommage d’ailleurs, car j’aurais pu peindre davantage.

— Vous y étiez, à l’époque ?

— Si la question est : avec l’armée ? oui. Avec le Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient.

— Vous étiez peintre aux armées ?

— Pas du tout : officier parachutiste. Je devais être le seul parachutiste dessinateur. On se foutait un peu de moi à cause de cette manie. Mais pas trop. Car si l’armée coloniale n’avait pas ce genre de délicatesses, on y trouvait de tout. Et puis je faisais le portrait des moqueurs. C’est mieux que les photos ; ils aimaient ça, ils venaient m’en redemander. J’ai toujours eu du papier et de l’encre ; partout où j’allais, je dessinais. »

Je feuilletais fiévreusement comme découvrant un trésor. Je passais d’un carton à l’autre, les ouvrais, en sortais les feuilles, et je suivais en moi les traits de son pinceau, j’en suivais le trajet et le désir dans mes doigts, dans mon bras, mon épaule, et mon ventre. Chaque feuille s’ouvrait devant moi comme un paysage au tournant d’un chemin, et ma main voletait par-dessus en décrivant des volutes, et je sentais en tous mes membres la fatigue d’avoir fait le parcours de tous les traits. Certains n’étaient que des croquis, d’autres de grandes compositions fouillées, mais tout baignait dans une lumière droite qui traversait les corps, leur rendait sur le papier cette présence qu’un instant ils avaient eue. En bas à droite il signait clairement de son nom, Victorien Salagnon. Près de la signature des dates étaient ajoutées au crayon, certaines précises au jour près, et parfois l’heure, d’autres très vagues, réduites à l’année.

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