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Fédor Dostoïevski: La Femme D’Un Autre Et Un Mari Sous Le Lit

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Fédor Dostoïevski La Femme D’Un Autre Et Un Mari Sous Le Lit

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L'écrivain renoue ici avec la veine comique, mais dans un genre légèrement scabreux qui était alors en vogue. Dans le premier récit, nous voyons le mari jaloux attendre sa femme à l'issue d'un rendez-vous: il entre en conversation avec un jeune amant de celle-ci qui l'attend lui aussi. Enfin l'épouse infidèle sort, accompagnée d'un homme. Elle a trompé et son mari et son premier amant… Dans le second chapitre, le même mari jaloux voudrait surprendre en flagrant délit sa femme, mais il se trompe d'étage et, ayant pénétré dans un logement inconnu, il se cache sous le lit où se trouve déjà un jeune homme qui s'est, lui aussi, trompé d'étage…

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Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski La Femme DUn Autre Et Un Mari Sous Le Lit - фото 1

Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski

La Femme D’Un Autre Et Un Mari Sous Le Lit

Traduction par Marc Semenoff

La première partie de La Femmed’un Autre et un Mari sous le Lit (Tchoujaïa jéna i mouje pod krovatiou) a paru en janvier 1848, dans «Les Annales de la Patrie», sous le titre: La Femmed’un Autre (Scène de la Rue). La seconde, ayant pour titre: Le Mari Jaloux, ne fut publiée dans la même revue qu’en décembre 1848, t. LXI. L’auteur rassembla les deux nouvelles sous un seul titre dans l’édition de 1860.

I .

Permettez-moi, cher Monsieur… pourrais-je vous demander?

Le passant tressaillit et fixa non sans effroi l’homme vêtu d’une pelisse de raton qui s’adressait ainsi à lui, à brûle-pourpoint, au milieu de la rue, à huit heures du soir. Et l’on sait que si un bourgeois de Pétersbourg s’adresse soudain, dans la rue, à un autre bourgeois qui lui est totalement inconnu, ce dernier, fatalement, sera pris de panique.

Donc, le passant frémit, au bord de l’épouvante.

– Excusez-moi si je vous ai importuné, poursuivit l’homme vêtu d’une pelisse de raton, mais je… vraiment j’ignore… vous me pardonnerez sans doute… Vous comprenez que j’ai l’esprit un peu troublé.

Le jeune homme en békécha remarqua alors que son interlocuteur à la pelisse de raton, avait un air quelque peu bizarre. Son visage renfrogné était assez pâle, sa voix tremblait, ses pensées s’égaraient visiblement, ses paroles venaient difficilement. Manifestement, il lui coûtait beaucoup de formuler son humble prière à un étranger, hiérarchiquement inférieur, peut-être, soit par le grade, soit par la classe. Car il se voyait absolument contraint d’adresser à quelqu’un sa prière. Et cette demande était, en tout cas, inconvenante, inconsidérée, étrange, de la part d’un bourgeois portant une pelisse aussi élégante et un frac aussi beau, d’une merveilleuse couleur vert sombre, et qu’ennoblissait une série de décorations. Il était évident que l’homme se sentait mal à l’aise lui-même à cause de l’élégance de son costume. Pourtant, dominant son trouble, il se ressaisit par un effort de volonté, décidé à mettre fin, le plus dignement possible à la scène désagréable qu’il venait de provoquer.

– Vous m’excuserez… je suis hors de moi… il est vrai que vous ne me connaissez pas… pardon de vous avoir importuné… je me ravise…

Il ôta poliment son chapeau et s’éloigna d’un pas rapide.

– Mais voyons, Monsieur, je vous en prie. Cependant, il disparut dans la nuit, laissant le jeune homme en békécha complètement ahuri.

«Quel type!» se dit-il.

Son ahurissement se dissipa enfin. Il redevint maître de lui-même, se rappela le motif de sa promenade et se mit à arpenter le trottoir, ne détachant pas son regard de la porte cochère d’une maison à plusieurs étages. La brume tombait et le jeune homme en fut satisfait, car on remarquait moins ses allées et venues. Seul, peut-être, quelque cocher de fiacre stationné toujours au même endroit pouvait encore le voir.

– Mille excuses!

Il tressaillit de nouveau. C’était encore le personnage à la pelisse de raton.

– Je viens une fois encore… pardon, commença-t-il. Mais vous… vous… certainement, vous êtes un homme de cœur. Ne me prenez point comme un être considéré au point de vue social… du reste, je bafouille… mais voyez l’angle humain… Vous êtes en présence, Monsieur, d’un homme qui est obligé de faire une humble prière.

– Si je puis… Que vous faut-il?

– Peut-être avez-vous pensé qu’il s’agit de ma part d’une demande d’argent? déclara le mystérieux inconnu. Ses lèvres se tordirent, il pâlit et éclata d’un rire hystérique.

– Je vous en prie…

– Non… il est évident que je vous dérange. Pardon… je suis moi-même un poids lourd pour moi… Considérez que vous me voyez en état de déséquilibre, presque de folie… et ne concluez pas…

– Mais au fait! Au fait! répondit le jeune homme avec impatience. Il eut cependant un mouvement de tête encourageant.

– Ah! les choses changent… C’est vous, jeune homme, qui me rappelez l’affaire comme si j’étais un gamin négligent… Décidément, je perds la raison. Dites-moi franchement: comment vous apparais-je dans mon humiliation?

Le jeune homme rougit et garda le silence.

– Permettez-moi une question franche: avez-vous vu une dame?… Là se borne ma demande, prononça enfin d’une voix décidée le personnage à la pelisse de raton.

– Une dame?

– Oui, une dame.

– J’avoue que beaucoup de dames ont passé…

– Évidemment! proféra l’étranger mystérieux avec un sourire amer. Je brouille tout et ne vous demande pas ce que je voulais… Excusez-moi… Je voulais savoir si vous aviez vu une dame en manteau de renard et capeline de velours sombre avec voilette noire?

– Non, pas de dame pareille… je ne crois pas en avoir vue…

– Oh! dans ce cas… je m’excuse…

Le jeune homme voulut questionner l’inconnu, mais celui-ci disparut de nouveau, laissant abasourdi une fois encore son auditeur.

«Oh, que le diable l’emporte! pensa le jeune homme en békécha, visiblement irrité. Dans un geste de dépit il releva son col de castor et se remit à arpenter le trottoir, passant, non sans prudence, devant la porte de la demeure aux nombreux étages. La colère montait en lui. «Pourquoi ne sort-elle pas? se demanda-t-il. Il va être huit heures.»

Huit heures sonnèrent à la tour.

«Ah! Que le diable vous emporte, à la fin!»

– Excusez…

– Excusez-moi aussi, mais vous vous êtes fourré dans mes jambes d’une manière… qui m’a effrayé, proféra le passant qui fronça les sourcils et s’excusa encore.

– Je reviens à vous. Je dois certainement vous sembler inquiet, bizarre…

– Je vous en prie, pas de mots inutiles, expliquez-vous vite. J’ignore encore ce que vous désirez.

– Vous êtes pressé? Voyez-vous… Je vous raconterai tout sincèrement, sans vaines paroles. Que faire? Les circonstances lient parfois des êtres de caractères très différents. Mais je remarque que l’impatience s’empare de vous, jeune homme… Alors, donc… Du reste je ne sais comment dire… Je cherche une dame… Soit! je ne cacherai donc rien… Il me faut précisément savoir où est allée cette dame. Qui elle est? je suppose que vous n’avez pas besoin de connaître son nom, jeune homme.

– Alors… continuez donc.

– Alors… mais votre ton avec moi… Excusez-moi, je vous ai peut-être offensé en vous appelant jeune homme, mais je ne pensais pas vous… bref, si vous pouvez me rendre un très grand service, il s’agit… une dame, c’est-à-dire… une dame honnête, d’une excellente famille amie… J’ai été chargé… Vous comprenez… moi-même n’ai pas de famille…

– Alors?…

– Mettez-vous à ma place, jeune homme. Ah! Excusez-moi… Voilà que je ne cesse de vous appeler jeune homme. Toutes les minutes sont précieuses… Cette dame, figurez-vous… mais ne pourriez-vous me dire qui habite cette maison?

– Oh! beaucoup de gens l’habitent.

– Évidemment. Vous ave z parfaitement raison, prononça le monsieur à la pelisse de raton, riant un peu pour garder les apparences. Je sens que je m’embrouille légèrement, mais pourquoi prenez-vous ce ton? Vous voyez bien que j’avoue sincèrement, que je m’enfonce et si vous êtes un homme arrogant… Oh! vous m’avez vu suffisamment humilié. Je parle d’une dame de conduite honnête, c’est-à-dire de mœurs légères… Excusez… je m’enfonce… comme si je parlais littérature… vous comprenez… on invente un Paul de Kock romancier léger… et le malheur vient de Paul de Kock… Voilà.

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