Michel Zévaco - Les Pardaillan – Livre V – Pardaillan Et Fausta

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Les Pardaillan – Livre V – Pardaillan Et Fausta: краткое содержание, описание и аннотация

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1590. À Rome, Fausta, après avoir mis au monde le fils de Pardaillan, bénéficie de la grâce du pape Sixte Quint, qui se prépare à intervenir auprès du roi d'Espagne Philippe II dans le conflit qui l'oppose à Henri IV roi de France. Fausta est investie d'une mission auprès de Philippe II: lui faire part d'un document secret par lequel le roi de France Henri III reconnaissait formellement Philippe II comme son successeur légitime sur le trône de France. En France, le chevalier de Pardaillan est investi par Henri IV, absorbé par le siège de Paris, d'une double mission: déjouer les manoeuvres de Fausta et obtenir de Philippe II la reconnaissance de la légitimité d'Henri de Navarre comme roi de France. Pardaillan et Fausta s'affrontent à Séville. Pardaillan est aidé dans sa lutte par Cervantès, qui reconnaît en lui le vrai Don Quichotte. Sortira-il vivant des traquenard tendus par le Grand Inquisiteur Don Espinoza et Fausta?

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– Dans ma carrière, déjà longue, dit paisiblement Pardaillan, il m’a été donné de combattre quelques monstres d’assez belle envergure… J’avoue, toutefois, n’en avoir jamais rencontré d’aussi complet, d’aussi magnifique dans sa hideur que celui dont vous venez de me tracer le portrait. Celui-là manquait à ma collection, et tout ce que vous me dites me donne une furieuse envie de le voir de près… dussé-je être broyé pauvre atome que je suis.

– Exactement ce que dirait don Quichotte! fit Cervantès avec admiration.

– Vous dites?

– Rien, chevalier, une idée à moi.

Et, gravement:

– Et pourtant, s’il n’y avait que le roi seul… ce ne serait rien…

– Comment! cher monsieur, il y a pis encore?… S’il en est ainsi, prenons des forces, mordieu!… Allons! tendez votre verre… À votre santé, monsieur de Cervantès!

– À votre santé, monsieur de Pardaillan! répondit Cervantès d’un air lugubre.

– Là! fit Pardaillan en posant son verre vide sur la table. Parlez maintenant, je suis curieux de savoir de quel monstre, plus monstrueux encore, vous allez me menacer maintenant.

– L’Inquisition! dit Cervantès dans un souffle.

– Bah! fit Pardaillan en éclatant de rire… Fi! vous, un gentilhomme, vous tremblez devant les moines!

– Hé! chevalier, ces moines font trembler le roi et le pape lui-même!

– Bon! Qu’est-ce que votre roi?… Une façon de faux moine couronné… Qu’est-ce que le pape? un ancien moine mitré! Je comprends que des moines puissent s’effrayer entre eux, mais nous? Fi donc!… D’ailleurs, le pape, et même la papesse – vous ignorez sans doute qu’il y a eu une papesse – pape et papesse, je les ai tenus dans la main que voici, et je vous jure qu’ils ne pesaient pas lourd!… et j’ai dédaigné de la fermer, cette main, sans quoi ils eussent été broyés!…

– Merveilleux! s’exclama Cervantès en frappant dans ses mains, vous parlez tout à fait comme don Quichotte!

– Je ne connais pas ce don Quichotte, mais s’il parle comme moi, c’est un homme sage, mordieu!… à moins que ce ne soit un fou… Quoi qu’il en soit, raisonnable ou fou, ce don Quichotte, s’il était ici, vous dirait comme moi: «Buvez, cher monsieur de Cervantès, buvez de ce vin clair de mon pays, de ce vin si pétillant, et si gai, et vous verrez s’enfuir les sombres pensées qui vous agitent.»

– Ah! chevalier, dit Cervantès assombri, ne plaisantez pas!

Et, avec un accent de sourde terreur:

– Vous ne savez pas, vous, ce que c’est que cet effroyable tribunal qu’on appelle le Saint-Office… car tout est saint dans cette redoutable institution de bourreaux… Vous ne savez pas que ce pays, si magnifiquement doté par la nature, naguère encore débordant de vie, resplendissant de la gloire de ses artistes et de ses savants que l’on massacre en masse, ce pays, aujourd’hui, agonise lentement sous l’impitoyable étreinte d’un régime d’épouvante… oui, d’épouvante… et l’épouvante est telle que, devenus déments, oui, fous de peur! des milliers de malheureux sont allés se dénoncer eux-mêmes, se livrer eux-mêmes aux flammes des autodafés!… Dieu vous garde de jamais savoir ce que sont ce qu’ils appellent des casas santas: saintes maisons!… des cellules toujours bondées de victimes, des trous infects, privés d’air, de lumière… Vous ne savez pas enfin que, lorsqu’il ne se trouve pas de vivants pour assouvir son insatiable soif de sang humain, le tribunal va jusqu’à déterrer les morts pour les jeter au bûcher!… Et c’est à ce monstre que vous voulez vous heurter?… Prenez garde! vous serez brisé, comme je brise cette coupe!

Et d’un coup sec Cervantès brisait la coupe placée devant lui.

– Juana! appela Pardaillan. Mon enfant, apportez une autre coupe à M. de Cervantès.

Et quand la coupe fut remplacée et remplie, lorsque Juana se fut retirée, Pardaillan se tourna vers Cervantès et:

– Mon cher ami, dit-il de cette voix spéciale qu’il avait dans ses moments d’émotion, vous me voyez ravi et tout ému de la belle amitié que vous voulez bien témoigner à l’étranger que je suis. Quand vous me connaîtrez mieux, vous saurez que j’ai dû déjà être brisé, je ne sais combien de fois dans ma vie, et au bout du compte, sans savoir pourquoi ni comment, j’ai toujours vu que ce sont ceux qui pensaient me pulvériser qui ont été brisés.

– Ce qui veut dire que, malgré ce que je vous ai dit, vous persistez?

– Plus que jamais! dit simplement Pardaillan.

– Oh! superbe don Quichotte! admira Cervantès.

– Cependant, continua doucement Pardaillan, je dois à votre amitié une explication. La voici: tout ce que vous venez de me dire, je le savais aussi bien que vous. Mais une chose que vous ignorez peut-être, vous, et que je sais, moi, c’est que mon pays est menacé de ce double fléau: Philippe II et son Inquisition… et je sais encore qu’il est impossible que la France soit lentement étranglée comme votre malheureux pays.

– Pourquoi?

– Parce que je ne le veux pas! dit froidement Pardaillan.

– Vous parlez encore comme don Quichotte! exulta Cervantès qui, à de certaines réponses de Pardaillan, perdait la notion de la réalité pour enfourcher on ne savait quelle chimère.

– Je sais, continua Pardaillan – qui n’avait peut-être pas entendu – je sais que je risque ma vie dans cette entreprise, mais convenez que c’est bien peu de chose lorsqu’il s’agit du salut de millions d’êtres humains.

– Pensée digne de don Quichotte! s’émerveilla Cervantès.

Pardaillan le considéra une seconde avec une sorte d’attendrissement railleur, et le voyant perdu dans un rêve, il haussa les épaules en disant:

– S’il en est ainsi, corbacque! ce don Quichotte dont vous me rabattez les oreilles, votre ami don Quichotte est fou!

– Fou? Peut-être bien!… oui… c’est une idée que vous me donnez là… Il faudra voir… murmura Cervantès.

Et tout à coup, revenant à la réalité, il se leva, s’inclina profondément devant Pardaillan ébahi, et:

– En tout cas, dit-il, c’est un brave homme et un brave… Et je veux vous faire une proposition, chevalier.

– Voyons la proposition, fit Pardaillan, qui le considérait avec un commencement d’inquiétude.

– C’est, dit Cervantès, l’œil pétillant de joyeuse malice, de porter avec moi la santé de l’illustre chevalier don Quichotte de la Manche!

– Mordieu! fit Pardaillan qui se leva avec un soupir de soulagement, je le veux de tout mon cœur, bien que je ne connaisse pas ce digne seigneur…

– À la gloire de don Quichotte! dit Cervantès avec une émotion étrange.

– À l’immortalité de votre ami don Quichotte! renchérit le chevalier en choquant son verre contre celui de Cervantès qui mit la main sur son cœur en signe de remerciement.

Et en lui-même, le chevalier pensait: «Par Pilate! ces poètes sont tous un peu fous!»

Et aussitôt, avec un sourire narquois: «Bah! après tout, est-ce bien à moi à jeter la pierre aux autres?»

XI DON CÉSAR ET GIRALDA

Après avoir vidé leurs coupes d’un trait, comme il était de rigueur, ils se rassirent en face l’un de l’autre, et:

– Chevalier, dit Cervantès avec simplicité, je n’ai pas besoin de vous dire, n’est-ce pas? que je vous suis tout acquis.

– J’y compte bien, mordieu! répondit Pardaillan avec la même simplicité.

Et d’une poignée de main, ils scellèrent le pacte de leur amitié.

Cependant le patio s’était de nouveau garni. Plusieurs cavaliers d’assez mauvaise mine causaient bruyamment entre eux, en attendant les boissons rafraîchissantes qu’ils venaient de commander.

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