19. À noter que le tentateur progresse dans ces tentations par touches subtiles de sorte à se présenter chaque fois de manière plus personnelle et plus directe. La première attaque apparaît comme une simple insinuation protectrice de la part du peiradson, le tentateur (Matthieu 4.3). La seconde se déroule comme une claire embûche du diabolos, l’infiltré, « celui qui se met au milieu », d’après le sens du terme utilisé dans l’original grec (Matthieu 4.5). Le troisième assaut le démasque comme Satan, nom que la Bible donne à l’ennemi de Dieu par excellence (Matthieu 4.10).
20. « Le Seigneur (…) est patient envers vous : il ne souhaite pas que quelqu’un se perde, mais que tous accèdent à la repentance » (2 Pierre 3.9 ; voir aussi Jean 3. 16-17).
21. L’essence des tentations du désert n’est pas de transformer les pierres en pain, de se jeter du haut d’une tour ni de s’agenouiller devant le diable, mais de s’écarter du projet de Dieu, d’imposer quelque chose aux autres par la force ou en se pliant aux méthodes corrompues des despotes. C’est davantage un problème de moyens que de fins car, comme le disait Gandhi, « les fins sont inévitablement conditionnées par les moyens ».
22. « La place de direction restée libre dans l’entreprise m’attire plus que tout au monde. Je sais très bien ce que je dois faire pour que mon chef me la donne. Si quelqu’un s’en aperçoit, peut-être me considérera-t-il comme une vile sangsue qui frotte la manche à ses supérieurs afin d’avancer professionnellement. Mais c’est mon futur qui est en jeu. C’est l’occasion de ma vie et je ne vais pas la laisser passer ».
23. De toutes les tentations auxquelles Jésus fut confronté, on ne connaît que ces trois-ci qu’il rapporta à ses disciples. Nous ne pouvons donc qu’imaginer les autres. « La dernière tentation de Jésus » ne fut pas celle qu’on lui attribue dans certains films ou certains romans, celle de la chair, bien qu’il ait aussi été tenté dans ce domaine. Jésus était jeune et il ne manquait certainement pas d’attrait.
24. L’apôtre Jacques (1.13-15) explique que le péché naît à la fin d’un processus qui commence par l’attrait de la tentation et qui se matérialise par la consommation de faits. Étant donné notre nature pécheresse, plus nous avançons vers ce dénouement, plus nous sommes prêts à commettre l’irréparable.
25. 1 Jean 2.16 appelle ces éléments séducteurs « les désirs de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie ». D’innombrables formes de séductions nous guettent, nous incitent à commettre des erreurs qui nous distraient de ce qui est réellement important et nous éloignent de Dieu.
26. « Soyez sobres et veillez ; car votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant cherchant qui il va dévorer » (1 Pierre 5.8). Certaines personnes abusées prétendent que le diable n’existe pas, et celui-ci s’empare d’elles et en fait ses meilleurs instruments » (E. G. White, Témoignages pour l’Église, t. 1, Dammarie-les-Lys : Vie et santé, 2005, p. 131).
27. La Bible dit que Jésus fut tenté comme nous en tout mais qu’il n’a jamais péché (Hébreux 4.15). Il s’agit donc de ne pas confondre tentation et péché.
28. « Bien des personnes n’aperçoivent pas les conséquences qui découlent pour elles du conflit entre Christ et Satan; et par conséquent elles s’y intéressent peu. Pourtant ce conflit se reproduit dans chaque cœur humain. […] Les séductions auxquelles le Christ eut à résister, sont celles contre lesquelles nous luttons avec tant de peine : […] l’épreuve de la convoitise, de l’amour du monde, et du désir de paraître qui fait tomber dans la présomption. Ces mêmes tentations avaient vaincu Adam et Éve, et elles ont raison de nous trop facilement » (E. G. White, Jésus-Christ, p. 97).
29. Puisque nous sommes des êtres déchus, notre victoire consiste à nous relever chaque fois que nous tombons, et mieux encore, à ne plus retomber. L’unique manière de vaincre la tentation est d’adopter la tactique de Jésus : recourir au secours divin. « Car, puisqu’il a souffert lui-même l’épreuve, il est en mesure de porter secours à ceux qui sont éprouvés » (Hébreux 2.18, TOB).
30. Le Christ n’a pas succombé à la tentation, parce que « son obéissance consiste à se laisser conduire […] Celui qui met sa confiance en Dieu, en sa puissance et en sa parole, y trouve la vie » (H. Gollwitzer, La joie de Dieu. Commentaire de l’Évangile de Luc, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1958, p. 47 et 49).
31. Luc 4.13 (BFC et la Colombe) affirme que le diable l’a laissé tranquille « jusqu’à une autre occasion ».
32. « Moins explicitement que Luc (4.13), Matthieu fait entendre que Satan ne laisse Jésus que provisoirement. En effet, la pensée de Matthieu est probablement la suivante : Jésus a repoussé au seuil de son ministère une tentation qui fut celle de toute sa vie […] : il a renoncé à la volonté de puissance, pour servir et mourir avec la seule autorité qu’il tenait de son Père » (P. Bonnard, L’évangile selon Saint Matthieu, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1963, p. 46).
1
Le rendez-vous
La paix du soir descend peu à peu dans la vallée. Les ombres enlacent d’abord le gué puis se lovent paresseusement le long des versants abrupts vers les cimes. Montant des mares, le croassement des grenouilles s’impose à peine au chant des grillons.
Les bêlements des troupeaux en route vers leurs bergeries s’éloignent en tremblant. Des ronces et des myrtes sourdent des bourdonnements d’abeilles plongées dans les restes douçâtres des dernières baies. En bas, au-delà des lauriers roses en fleurs et derrière des bourbiers hérissés de joncs et de papyrus, serpente le Jourdain, vert et limoneux.
À la croisée du chemin, dans la fragile fraîcheur des saules, deux jeunes gens attendent, impatients.
Ils sont arrivés dans cet endroit mystique en suivant d’autres chercheurs de Dieu. Au fond de cette profonde dépression marquée par l’histoire, dans le vide laissé par les villes foudroyées du feu divin,1 l’éloignement du ciel semble plus douloureux et la nostalgie de s’en approcher étreint plus intensément.
De leur précaire observatoire les voyageurs aperçoivent, accroché à la dernière falaise du désert, le monastère que les Esséniens édifièrent là, face à la mer Morte, pour conserver à jamais les maudits effets du péché sous les yeux des moines et les en éloigner par leurs rites ascétiques.
Si André et son ami se décidaient à céder à de tentantes invitations, ils pourraient frapper à sa porte ce soir même et solliciter leur entrée dans la communauté. Un novice de leur âge au front sévère, au regard ardent, fièrement drapé dans sa tunique blanche, leur a récemment vanté les vertus purificatrices de la spiritualité monacale :
« La libération du mal passe par le retrait du monde. Il n’y a pas de salut possible en Israël. N’écoutez pas son clergé apostat : il vous trompe ! Nous les reclus sommes le reste fidèle, ceux qui vivent la sainteté qu’exige le jugement divin. Vos docteurs corrompus ne détiennent pas la vérité. Seul le Maître de Justice l’enseigne. Garder ses préceptes est l’unique chemin menant au royaume de Dieu.2
Le garçon paraissait très convaincu. Mais accède-t-on au royaume de Dieu rien qu’en renonçant au monde ? Fuir le danger n’est-il pas de la lâcheté ? Leurs amis zélotes avec lesquels ils se réunissaient parfois clandestinement leur affirmaient presque le contraire :
« Nous devons imposer et construire nous-mêmes le royaume de Dieu, si nécessaire en rompant le joug de l’oppresseur idolâtre. Nous devons lutter de toutes nos forces et de nos propres mains contre les ennemis de l’Éternel des armées, même jusqu’au sang si nous voulons que le Messie vienne nous libérer de Rome et de tous nos maux. »
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