Si nous souffrons aujourd’hui, si nous sommes confrontés à toutes sortes d’expériences et de situations pénibles, c’est faute d’avoir contrôlé notre esprit. Nous lui avons donné toute liberté, nous l’avons laissé aller là où bon lui semblait; il s’est égaré dans des directions multiples. A présent, nous devons en devenir les maîtres. Sur cette terre, beaucoup de gens pensent. Mais ils sont, pour la plupart, préoccupés par ce qui se passe à l’extérieur. Rares sont ceux qui se soucient de leur monde intérieur, qui observent leur esprit et analysent son fonctionnement. Pendant ce cours, nous allons nous tourner vers l’intérieur car c’est notre esprit qui fera l’objet de nos réflexions et nous en parlerons à maintes reprises.
Ce n’est pas par hasard que nous avons appris à méditer sur la respiration, et non sur des arbres, des fleurs, des objets extérieurs. En effet, lorsque nous regardons à l’extérieur, toutes sortes de choses apparaissent à notre esprit et suscitent des pensées très diverses qui jaillissent, pêle-mêle, sans aucune cohésion, du fait de la grande variété de notre environnement. Mais si nous nous concentrons sur notre respiration, l’esprit se fixe sur un objet constant et une pensée stable s’y établit. Pour que l’esprit puisse se fixer, il faut lui fournir un objet bien défini.
En tout premier lieu, nous avons vu de quelle manière nous devions procéder à la méditation alternée associant le souffle et les canaux. Il sera souhaitable de commencer par là notre séance de méditation. En effet, ces canaux interviennent dans de nombreuses autres méditations plus avancées et l’entraînement que nous aurons acquis par cette pratique initiale constituera une sorte de préparation aux stades futurs. Toutefois, si certains d’entre vous n’arrivent pas à méditer sur les canaux ou qu’ils n’en ont pas envie, ils peuvent s’en abstenir et commencer directement par le compte de la respiration. Prenez en considération vos dispositions personnelles. Les uns tireront davantage de profit à se concentrer sur le comptage de la respiration. Pour d’autres, c’est au contraire la méditation sur les canaux qui s’avérera la plus bénéfique. Nous n’avons pas à nous contraindre à ce qui ne nous convient pas. Si telle méthode nous réussit mieux, c’est celle-là que nous devons adopter. Lorsque nous sommes malades, nous prenons le médicament qui convient à notre maladie, et pas n’importe lequel, sous prétexte que la finalité d’un remède est de guérir.
Lorsque nous entamons les exercices sur les canaux ou le comptage de la respiration, nous commençons à méditer. Il s’agit alors de méditation analytique. De fait, il existe deux types de méditation : la méditation analytique et la méditation de fixation.
Lors des sessions de méditation qui vont suivre, vous pourrez alterner l’attention au comptage de la respiration et la méditation analytique sur les sujets philosophiques exposés lors de l’enseignement. Vous réfléchirez notamment sur la nature de la souffrance et du bonheur, sur les trois sortes de souffrances et vous vous demanderez si vos observations personnelles sont en accord avec le contenu des enseignements ? S’il vous semble qu’il en est ainsi, interrogez-vous sur la raison d’être de toutes ces expériences et de toutes ces situations. Dans tous les cas, vous demeurerez en position de méditation et garderez l’esprit aussi concentré que possible.
Lorsque nous sommes gravement malades, nous consultons un médecin ou nous allons à l’hôpital pour suivre un traitement. Nous acceptons ce traitement parce que nous souffrons, parce que nous sommes conscients de la douleur et que nous voulons nous en débarrasser. Par vos réflexions sur les enseignements reçus, vous devrez aboutir à un état d’esprit semblable : comprendre quelle est la nature de votre souffrance, ce qui naturellement fera naître en vous l’aspiration à la pratique du Dharma. La souffrance est en nous et le remède aussi. Les antidotes de la souffrance, les agents de notre libération se trouvent à l’intérieur de nous-mêmes. Or, c’est en consacrant le maximum de notre temps et de notre énergie à la pratique du Dharma que nous les rendrons opérants. Le Dharma n’est pas un domaine réservé; il est pour tout le monde, moines, laïcs, jeunes ou vieux... Si nous sommes malades et tenons dans la main le remède à notre mal, le mieux que nous puissions faire, c’est de l’ingérer. Si nous nous plaignons d’être malades et que nous nous contentons de regarder le médicament sans le prendre, il ne nous sera d’aucune utilité et ne pourra en aucun cas nous soulager. Si nous avons besoin de fer pour fabriquer des articles de ferronnerie et que nous possédons une grande quantité de ce minerai, il sera possible de le traiter, de le purifier, de le travailler pour en obtenir ce que nous voulons. Mais si nous jetons le minerai et passons notre temps à nous lamenter de ne pas avoir de fer, notre situation sera effectivement désespérée. Il s’agit, bien sûr, d’un exemple ordinaire. Ici, ce qui est important, c’est l’esprit. Il est semblable au matériau de base dont on peut faire tout ce qu’on veut. Par la pratique du Dharma, nous pouvons appliquer notre esprit à l’élimination complète et définitive de la souffrance.
Repensez souvent au contenu des enseignements. A la fin de la journée, revoyez vos notes, réfléchissez à leur signification et demandez-vous si vous avez bien compris. Si vous procédez ainsi, vous vous apercevrez que ce qui vous a été dit en peu de temps aura en vous un retentissement très profond et prendra tout son sens. Si nous nous interrogeons sur notre condition, nous voyons qu’il n’est pas de réel bonheur possible sans le contrôle de l’esprit. Si nous n’avons aucun pouvoir sur son fonctionnement, nous continuerons à être écrasés par la souffrance. Soyons donc conscients des souffrances auxquelles nous sommes assujettis et observons les réactions et les comportements qu’elles provoquent en nous. De toute évidence, nous ne les voulons pas, nous les fuyons. Humain ou animal, tout être fuit la souffrance. Or, répéter sans cesse que nous voulons y échapper ne suffira pas. Il faut pour cela appliquer une méthode qui ait pour effet de nous en délivrer. Si nous nous obstinons à dire : “Je ne veux pas souffrir... je ne veux pas souffrir”... sans employer le moyen approprié, nous nous fatiguerons pour rien.
Ces explications sur la souffrance sont extrêmement succinctes. Toutefois, si vous y réfléchissez, si vous méditez sur leur signification, vous progresserez dans votre compréhension.
L’Origine de la Souffrance
Mettre en oeuvre une méthode pour lutter contre la souffrance n’est possible que si l’on a, au préalable, identifié clairement l’origine de cette souffrance. Nous n’y échapperons pas en changeant de pays, ni même de planète. Elle n’est pas affaire de lieu, et on ne s’y soustrait pas en se transportant d’un endroit à un autre. Il faut en comprendre la véritable cause pour l’éliminer. Lorsque la cause est éliminée, la souffrance disparaît d’elle-même. S’il y a des fuites au toit de notre maison, il ne sera pas très judicieux de nous déplacer avec nos affaires d’un coin à l’autre pour éviter les gouttes qui tombent. Il vaudra beaucoup mieux localiser les fuites pour y remédier. Il en va de même de la souffrance. Elle est produite en dépendance de causes et de conditions. Telle fleur que nous contemplons n’a pas poussé par hasard; elle est le résultat d’une cause principale, la graine, en l’occurrence, et de conditions favorables : l’eau, le soleil, la chaleur, etc. A l’instar de la fleur, le bonheur et la souffrance ont une cause principale et des conditions secondaires. Les mauvaises herbes qui étouffent les fleurs sont également issues d’une cause principale et de conditions secondaires. Pour obtenir de belles fleurs, il faut supprimer les mauvaises herbes en éliminant leurs causes : les graines et les racines. A la place, nous sèmerons des graines de fleurs et nous les soignerons, pourvoyant ainsi aux conditions secondaires indispensables.
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