La procédure courante dans la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe veut que les plaintes pour erreurs médicales soient jugées par les juridictions. Ce jugement se base sur |'évolution et l'élargissement de l'interprétation des fautes.[14]
Si des dommages-intérêts sont accordés, ils seront en grande partie payés par les prestataires de soins concernés, notamment via une police d'assurance privée [15] proposée par des compagnies d'assurance-dommages. Comme alternative ou complément, des associations de professionnels de santé à but non lucratif plurisectorielles, mutuelles et/ou spécialisées, versent une indemnisation.[16]
1.2. Marché et système judiciaire
En tenant compte des deux systèmes mentionnés, la disponibilité des couvertures d'assurances et l'assurabilité des risques dépend en partie des grandes caractéristiques du système de responsabilité délictuelle établi et, en particulier, de l'évolution de la notion de faute/négligence généralement définie par le droit civil et/ou utilisée par les juridictions ou fondée sur le droit commun.
Les deux principaux objectifs du droit de la responsabilité civile délictuelle vis à vis des erreurs médicales sont l'indemnisation et la prévention/dissuasion. En pratique, aucune des ces fonctions ne peut être entièrement mise en œuvre sous un seul régime ; elles impliquent une conciliation mutuelle difficile. La tendance laïque des pays a conduit à un élargissement des droits, de la protection et de l'indemnisation[17] des patients, souvent en conflit avec |'objectif de prévention.
Traditionnellement, les règles de responsabilité et de dommages se fondaient sur la notion de faute, mais l'accroissement de l'indemnisation des victimes a souvent entraîné un transfert de la charge de la preuve des patients aux médecins.[18]
L'indemnisation des dommages est accordée non seulement en cas de grossière négligence ou lorsque la responsabilité peut être prouvée mais aussi, dans certains pays, lorsque |'erreur n'est que présumée.[19] Dans ce dernier cas, l'obligation de payer pour les dommages causés émane du lien supposé avoir existé entre l'évènement et les dommages. Dans des cas extrêmes, la responsabilité fondée sur la causalité n'est pas soumise à l'existence d'irrégularités, d'erreurs médicales ou de pratiques non appropriées. Les exemples de responsabilité sans faute sont rares en médecine. L'Islande[20] fait cependant exception à la règle puisque sa Loi sur l'assurance-patient de 2000 stipule : << une indemnisation sera versée, qu'une personne soit responsable ou non des dommages au regard des règles de la responsabilité civile délictuelle, sous réserve que les dommages subis soient, en toute probabilité, attribuables à une série d'incidents médicaux >>. Dans d'autres pays comme l‘Autriche et l'Allemagne, ainsi que l'Espagne[21] et la France[22] dans une certaine mesure, la notion << d'erreur médicale présumée >> émerge progressivement des décisions judiciaires.
1.3. Sources de financement privées alternatives et/ou complémentaires
Mis à part les compagnies d'assurances traditionnelles qui offrent une couverture des erreurs médicales, dans certains pays,[23] pour des raisons historiques et culturelles mais aussi en raison des particularités du marché, les assurances en cas d'erreur médicale sont dominées par une ou plusieurs associations de médecins à but non-lucratif ou organisations de défense des médecins dédiées à la couverture de leurs membres. Ces structures peuvent être remboursées par des sociétés d'assurances captives ou des réassureurs. Dans certains cas, des systèmes d’auto assurance, des groupes ou trusts à prise de risque sont aussi apparus pour offrir une couverture aux établissements individuels ou aux consortia d'établissements ainsi qu'aux médecins. Ces initiatives diverses ont créé de grandes variations entre les organisations mutuelles (leur structure juridique, le type et la portée des assurances et des règlements) dans les juridictions ou elles se sont développées.
Au Royaume-Uni, les médecins qui exercent dans les hôpitaux du NHS (Service national de santé) sont directement indemnisés par |'Etat dans le cadre d‘un régime non assuré financé par l'Etat25 [24] depuis les années 90. Pour toucher cette indemnisation, le demandeur doit établir l'existence d'une négligence médicale et des pertes financières associées. Toutefois, en dehors de ce régime, les généralistes du NHS et les médecins travaillant dans les hôpitaux du NHS sont en grande partie couverts par trois organisations de défense des médecins (MDO). L'Union de défense des médecins (8 % du paiement des plaintes) offre une indemnisation aux assurés (par le biais de Converium Insurance) au moyen d‘un fonds disponible pour les plaintes et autres affaires médico-légales n'entrant pas dans le cadre de la police d'assurance. Les deux autres MDO (la Société de protection des médecins et l'Union écossaise de défense des médecins et dentistes) n'offrent une indemnisation qu'à discrétion. Quelques compagnies d'assurances proposent aussi une Assurance d'indemnisation professionnelle aux médecins.
1.4. Régimes compensatoires globaux sans égard à la faute
D'autres alternatives relativement rares se sont développées dans quelques pays[25] et consistent en un système d'indemnisation sans égard à la faute. Dans ces pays, l'évaluation par la justice de la responsabilité des prestataires de soins n'est pas un pré-requis pour le versement d'une indemnisation aux patients. Ce sont les préjudices eux-mêmes ou le fait qu'ils auraient pu être évités [26] qui donnent lieu à l'indemnisation. Ces systèmes peuvent être financés par le secteur privé, au moyen d'organismes d'assurances commerciaux ou à but non lucratif ou le secteur public qui établit des limites plus claires entre les plaintes/le droit à une indemnisation et les questions disciplinaires ou de dissuasion. En Finlande, au Danemark et en Suède, des systèmes obligatoires sans égard à la faute sont respectivement en vigueur depuis 1987.[29] En Suède, le consortium d'assureurs a été remplacé depuis 1995 par une compagnie publique d’assurance mutuelle gérée par les régions de santé. En Finlande et au Danemark [30], ces systèmes autrement similaires sont financés par des assureurs privés réunis en consortium ou en groupes. Ils sont chargés de l’indemnisation dans certaines circonstances. En Finlande, le Centre d'assurances des patients, un groupe d'assureurs agissant comme fonds de garantie, a été créé en 1987 pour garantir une indemnisation générale sans égard à la faute des dommages issus d‘accidents médicaux et pour préserver la solvabilité des assureurs à ce sujet. Tous les professionnels de santé, les pharmacies et autres activités de soins ont l'obligation de s'assurer contre une responsabilité potentielle, tel que défini par la législation. En Finlande, toutes les compagnies d'assurances possédant une assurance contre les erreurs médicales (<< Assurance patient >>)[31] doivent être membres du groupe.
Le Centre règle les litiges[32] et détermine le montant de l’indemnisation à verser (conformément à la Loi sur les dommages médicaux causés au patient). Les dommages mineurs ne sont pas indemnisés, mais il n'existe pas non plus de plafond d'indemnisation. A noter aussi que les critères d'indemnisation ont été revus en 1999 pour mieux refléter les progrès de la médecine et du droit de la responsabilité civile délictuelle. Le Centre paye aussi une indemnisation pour des préjudices causés au patient si aucune assurance n'a été souscrite (malgré l'obligation légale de le faire). Il doit aussi offrir une assurance à un prestataire de soins qui s‘est vu refuser la couverture d'une compagnie d'assurances. De plus, le Centre sert de fonds de garantie aux victimes en cas de liquidation ou de faillite d'un assureur. L'Autorité de surveillance des assurances contrôle aussi le Centre d'assurances pour les patients. En outre, sous ce régime, les taux des primes et les clauses des contrats des << assurances-patients >> doivent être communiquées à, et sont contrôlées par, l'Autorité de surveillance des assurances. De même, le système sans égard à la faute instauré au Danemark veut que tous les prestataires et établissements de santé (y compris ceux qui exercent dans le privé depuis 2003 et qui existent depuis le ler janvier 2004) souscrivent une police d‘assurance d'indemnisation. Les assureurs qui offrent ce genre de polices doivent aussi se réunir dans une organisation, |'Association d‘assurance des patients. Tout comme le Centre pour les patients, cette association a pour but de régler les litiges et de fixer le montant des indemnisations conformément à la règlementation.[33] Les patients ont le droit de saisir la Chambre d'appel compétente en matière de préjudices causés au patient puis la Haute cour danoise. L'association sert aussi de réassureur au cas où le montant d’une indemnisation soit supérieur au plafond de la police d‘assurance ou en cas de responsabilité solidaire.
Читать дальше