– Elle fait honneur à son sexe, dit M. Sikes en remplissant son verre et en frappant la table de son énorme poignet. À sa santé ! et puissent les autres lui ressembler ! »
Tandis qu’on se répandait ainsi en éloges sur Nancy, la perle des femmes, celle-ci se rendait au bureau de police, et elle y arrivait bientôt saine et sauve, non sans avoir éprouvé ce sentiment de timidité naturel à une jeune femme qui se trouve dans les rues seule et sans protection.
Elle entra par derrière, donna un petit coup de clef à la porte d’une des cellules, et prêta l’oreille. Elle n’entendit rien ; alors elle toussa et se remit à écouter ; comme on ne lui répondait pas davantage, elle se décida à parler. « Oliver ! murmura-t-elle doucement ; mon petit Oliver ! »
Il n’y avait dans la cellule qu’un misérable va-nu-pieds qui avait été arrêté pour avoir commis le crime de jouer de la flûte sans patente, et qui, une fois son attentat contre la société clairement prouvé, avait été bel et bien condamné par M. Fang à un mois d’emprisonnement dans une maison de correction ; M. Fang avait ajouté cette remarque plaisante et pleine d’à-propos, que, puisqu’il avait de si bons poumons, il lui serait bien plus salutaire de les dépenser à tourner le moulin qu’à souffler dans une flûte. Le prisonnier, tout entier aux regrets que lui inspirait la perte de sa flûte, confisquée au profit de l’état, ne répondit pas à Nancy ; elle passa à la cellule suivante et frappa à la porte.
« Qu’est-ce ? demanda une voix faible, et tremblante.
– Y a-t-il là un petit garçon ? dit Nancy d’un ton larmoyant.
– Non, répondit la voix ; que Dieu l’en préserve !
Celui qui parlait ainsi était un vagabond de soixante-cinq ans, qu’on avait mis en prison pour n’avoir pas joué de la flûte, ou, en d’autres termes, pour avoir mendié dans la rue au lieu de faire quelque chose pour gagner sa vie. Dans la troisième cellule était un autre individu, condamné aussi à l’emprisonnement pour avoir vendu des casseroles sans permis, et pour avoir par conséquent cherché à gagner sa vie au détriment du timbre.
Comme aucun de ces criminels ne répondait au nom d’Oliver, ni ne pouvait en donner des nouvelles, Nancy alla droit à l’agent de police au gilet rayé dont nous avons déjà parlé, et, avec des sanglots et des lamentations dont elle augmentait l’effet en agitant sa clef et son panier, elle réclama son cher petit frère.
« Il n’est pas ici, ma chère, dit l’agent.
– Où est-il ? s’écria Nancy d’un air égaré.
– Le monsieur l’a emmené, répondit l’agent.
– Quel monsieur ? Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! Quel monsieur ? » cria Nancy.
Pour répondre à ces questions incohérentes, l’agent informa la pauvre sœur éplorée qu’Oliver était tombé évanoui dans le bureau de police, qu’il avait été renvoyé de la plainte parce qu’un témoin avait prouvé que le vol avait été commis par un autre, et qu’il avait été emmené sans connaissance, par le plaignant, à la maison de ce dernier, qui devait être du côté de Pentonville ; car ce nom avait été prononcé en donnant l’adresse au cocher.
La jeune femme, dans un état affreux d’anxiété, regagna la porte en chancelant. Puis tout à coup, prenant sa course, elle revint à la demeure du juif par le chemin le plus détourné.
M. Guillaume Sikes n’eut pas plutôt connu le résultat de la démarche de Nancy, qu’il appela vite son chien, mit son chapeau, et sortit précipitamment sans perdre son temps à dire adieu à la compagnie.
« Il faut que nous sachions où il est, mes amis ; il faut le retrouver, dit le juif avec émotion ; Charlot, tu vas aller partout à la découverte, jusqu’à ce que tu en rapportes des nouvelles. Nancy, ma chère, il faut qu’on me le trouve ; je m’en rapporte à toi, à toi et au Matois, sur la marche à suivre. Attendez, attendez, ajouta-t-il en ouvrant un tiroir d’une main tremblante ; voici de l’argent, mes amis. Je fermerai boutique ce soir ; vous savez toujours bien où me trouver ; ne restez pas ici une minute, pas un instant, mes amis ! »
En parlant ainsi, il les conduisit jusque sur l’escalier puis, fermant soigneusement la porte à double tour et la barricadant derrière eux, il tira de sa cachette le coffret qu’il avait involontairement laissé voir à Oliver, et se mit avec précipitation à cacher sous ses vêtements les montres et les bijoux qu’il contenait.
Un coup à la porte le fit tressaillir au milieu de cette occupation :
« Qui est là ? s’écria-t-il vivement et avec effroi.
– C’est moi ! répondit le Matois à travers le trou de la serrure.
– Eh ! bien ! qu’y a-t-il ? dit le juif avec impatience.
– Nancy demande s’il faut le conduire à l’autre logis, dit le Matois à voix basse.
– Oui, répondit le juif ; n’importe où on le trouvera. Trouvez-le, trouvez-le, voilà l’important. Je saurai bien ensuite ce que j’aurai à faire, n’ayez pas peur. »
Le Matois marmotta quelques mots, et descendit l’escalier quatre à quatre pour rejoindre ses compagnons.
« Jusqu’ici il n’a pas jasé, se dit le juif en reprenant sa besogne. S’il a l’intention de nous livrer chez ses nouveaux amis, il est encore temps de lui couper le sifflet. »
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