À l'abri d'un transat, sous le ciel bleu et sombre,
J'aurai surtout songé à la fusion des corps
À ces petits moments qui précèdent la mort,
Au désir qui s'éteint quand s'allongent les ombres.
Découvrant l'existence humaine…
Découvrant l'existence humaine
Comme on soulève un pansement
J'ai marché entre peur et haine
Journellement, journellement.
Les marronniers perdaient leurs feuilles,
Je perdais mes enchantements;
Fin de journée, état de deuil:
Seul dans la cour, je serre les dents.
J'ai dû m'acheter un couteau
Le lendemain de mes quinze ans;
J'aurais aimé être très beau:
Naturellement, naturellement.
Il y avait un mur et un train…
Il y avait un mur et un train,
Je pouvais te voir tous les jours
Je rêvais de faire l'amour:
Interrogations sans frein.
Présence de la voie ferroviaire
Qui rythmait mes déplacements,
Je marchais parfois à l'envers:
Cette impression d'avoir le temps,
À treize ans.
La première fois que j'ai fait l'amour…
La première fois que j'ai fait l'amour c'était sur une plage,
Quelque part en Grèce
La nuit était tombée
Cela paraît romantique
Un peu exagéré,
Mais cependant c'est vrai.
Et il y avait les vagues,
Toujours les vagues
Leur bruit était très doux,
Mon destin était flou.
La veille au matin j'avait nagé vers une île
Qui me parassait proche
Je n'ai pas atteint l'île
Il y avait un courant,
Quelque chose de ce genre
J'ai mis longtemps à revenir
Et j'ai bien cru mourir
Je me sentais très triste
À l'idée de me noyer,
La vie me semblait longue
Et très ensoleillée
Je n'avais que dix-sept ans,
Mourir sans faire l'amour
Me parassait bien triste.
Faut-il toucher la mort
Pour connaître la vie?
Nous avons tous des corps
Fragiles, inassouvis.
Fin de soirée, les vagues glissent…
Fin de soirée, les vagues glissent
Sur le métal du casino
Et le ciel vire à l'indigo,
Ta robe est très haut sur tes cuisses.
Camélia blanc dans une tresse
De cheveux lourds et torsadés,
Ton corps frémit sous les caresses
Et la lune est apprivoisée.
Cheveux dénoués
Elle me regarde avec confiance,
Corsage échancré.
Le lit est défait,
Des oiseaux marchent entre les cèdres;
Nous sommes dimanche.
Visage dans la glace,
Il faut préparer le café
La poubelle est pleine.
Son regard durcit,
Sa main attrape la valise;
Tout est de ma faute.
Le mendiant vomit,
Quelques passagers s'écartent
Le métro arrive.
L'aurore est une alternative…
L'aurore est une alternative,
Se disait souvent Annabelle
La journée était une dérive,
La nuit était souvent cruelle.
Entre les sandales de plastique
Que son père appelait des méduses
Glissaient des ombres égocentriques;
Les organes fonctionnent, puis ils s'usent.
Chaque aurore était un adieu
Aux souvenirs de sa jeunesse,
Elle vivait sans avoir de lieu
Et l'errance était sa maîtresse.
Elle chantonnait dans la cuisine
En se préparant des salades.
Midi! Devant sa vie en ruine,
Elle caressait son corps malade.
Elle vivait dans une bonbonnière…
Elle vivait dans une bonbonnière
Avec du fil et des poupées,
Le soleil et la pluie passaient sans s'arrêter sur sa petite maison,
Il ne se passait rien que le bruit des pendules
Et les petits objets brodés
S'accumulaient pour ses neveux et ses nièces
Car elle avait trois soeurs
Qui avaient des enfants,
Depuis sa peine de coeur
Elle n'avait plus d'amant
Et dans sa bonbonnière
Elle cousait en rêvant.
Autour de sa maison il y avait des champs
Et de grands talus d'herbe,
Des coquelicots superbes,
Où elle aimait parfois à marcher très longtemps.
Le soleil tombe
Et je résiste
Au bord des tombes,
Bravo l'artiste!
La lune est morte,
Morte de froid
Mais que m'importe!
Je suis le roi.
Le jour se lève
Comme un ballon
Qui monte et crève
À l'horizon,
Qui dégouline
De vapeurs grises,
Dans la cuisine
Je m'amenuise.
Des vitres courbées sur la mer…
Des vitres courbées sur la mer,
Et l'immense océan des plaines
S'étendait, gelé par l'hiver;
En moi il n'y avait plus de haine.
Les branches courbées souplement
Sous la neige douce et mortelle
Tracent un nouvel encerclement;
Un souvenir me revient d'elle.
Souviens-toi mon petit le lac était si calme…
Souviens-toi mon petit le lac était si calme,
Chacun de tes sourires me remplissait le coeur
Tu m'as montré le cygne, un léger bruit de palmes
Et dans tes yeux levés je lisais le bonheur.
On se réveillait tôt, rapelle-toi ma douce…
On se réveillait tôt, rapelle-toi ma douce;
La mer était très haute et moussait sous la lune
On partait tous les deux, on s'échappait en douce
Pour voir le petit jour qui flottait sur les dunes.
Le matin se levait comme un arbre qui pousse,
Dans la ville endormie nous croisions des pêcheurs
Nous traversions des rues sereines de blancheur;
Bénédiction de l'aube, joie simple offerte à tous,
Nos membres engourdis frissonnaient de bonheur
Et je posais ma main à plat contre ton coeur.
Cérémonies, soleils couchants…
Cérémonies, soleils couchants,
Puis la constellation du Cygne
Et la sensation d'être indigne,
L'impossibilité du chant.
Tes yeux sont le miroir du monde
Marie, maîtresse des douleurs,
Marie qui fait battre le coeur;
À travers toi, la Terre est ronde.
Il n'y a pas de gouffre limite
Où hurlent les eaux de terreur,
Le temps se replie et habite
Dans l'espace de ta douceur,
Dans l'espace de ta splendeur,
Le temps se replie et habite
Une maison de pure douceur,
Le temps capturé par les rites
Nous enveloppe dans sa blancheur
Et sur nos lèvres unies palpite
Un chant muet, géométrique,
D'une déchirante douceur
Un accord pafrait, authentique,
Un accord au fond de nos coeurs.
Les pins, les nuages et le ciel…
Les pins, les nuages et le ciel
Se reflètent en foyers mobiles
Un bref croisement de pupilles,
Chacun repart vers l'essentiel.
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