Fréquenter n’a qu’un vague rapport avec la forme pronominale se fréquenter qui n’implique pas forcément une relation sentimentale.
Une fricassée désigne d’abord, au sens propre, un ragoût, une gibelotte (de viandes blanches ou de poissons) puis, par extension, un fricot, un plat simple, modeste, peu onéreux, souvent au menu de ceux qui n’ont pas « assez de fric » (calembour d’un… goût douteux).
De cette fricassée -là ne demeure, dans notre expression, que l’idée de mélange, mélange de museaux, non pas en vinaigrette, mais à la faveur d’effusions avec force embrassades. Bref, une fricassée de museaux , c’est simplement un échange effréné de bisous.
Galant et « galéjade » ont une étymologie commune : l’ancien verbe galer , « s’amuser », notion bien présente chez le vert galant , cet homme d’un certain âge, amateur de drague, de bagatelle et de gaudriole, comme chez la femme galante , « femme légère et facile », idée présidant aussi à l’ancienne signification du mot galanterie , « intrigue amoureuse, liaison passagère », sens bien éloigné de l’acception moderne, « courtoisie envers les dames ». Galant et galanterie évoquent aussi le marivaudage tel que représenté dans les tableaux baptisés « fêtes galantes » (de Watteau ou de Fragonard, par exemple). Il y a sans doute un peu de tout cela dans le galant de notre expression, autrefois employé en Saintonge au sens de « petit ami », « amoureux », voire « fiancé ». Témoin cet extrait d’un monologue de Goulebenéze (voir supra, Être benaise ) : « Ol arrive ine drôlesse — et ine jholie prr’ exempl’lle — astheur all’ avait son galant avec elle… et ol allait pas pianghement parc’que les parents v’liant pas l’mariajhe [11]! » ( Hérodiade aux arènes de Saintes .)
Il y a de l’eau dans le gaz
L’expression a été revivifiée en 1962 par Claude Nougaro dans sa chanson Le Jazz et la Java : « Il y a de l’orage dans l’air, il y a de l’eau dans le gaz entre le jazz et la java. »
L’image est celle de l’eau qui éteint la flamme du fourneau et, faisant fuir le gaz, risque aussi de provoquer l’explosion. Claude Duneton (2001) explique l’expression par un incident se produisant fréquemment dans les années 1920–1930 quand le gaz de houille, chargé de vapeur d’eau, arrivait irrégulièrement jusqu’au réchaud des ménagères. L’eau et le gaz n’ont jamais fait bon ménage, pas plus que mari et femme quand, à force de disputes, le ciel conjugal tourne à l’orage. C’est bien alors le ménage qui menace d’exploser.
Une autre expression, issue d’un même contexte ménager, véhicule une idée semblable : « Le torchon brûle. »
Si « fréquenter » (voir supra) ou « avoir un galant » ( idem ), c’est avoir un ou une petit(e) ami(e), en tout bien tout honneur, courir le guilledou est moins convenable puisqu’il s’agit alors de rechercher des aventures amoureuses. L’expression est un peu surannée, beaucoup moins que « courir la prétentaine » (voir infra), un peu plus que « courir la gueuse ».
D’où vient ce joli mot de guilledou ? Peut-être de l’ancien verbe guiller , « tromper, séduire » dont il a déjà été question (voir supra, Il y a anguille sous roche ) et qui, en Poitou, a le sens de « se glisser, se faufiler ». Courir le guilledou nous parlerait donc d’une manière douce de s’insinuer. On voit en l’occurrence ce qui peut se glisser et où cela se faufile. On trouve courir le guildrou dans l’ Histoire universelle (1616–1630) d’Agrippa d’Aubigné : « Avisez à choisir, ou de complaire à vos Prophètes de Gascongne et retournez courir le guildrou […] » (vol. 8, ch. XXIV).
« Je la feray dancer, mais le bransle du loup. »
Tel est le projet du page dans Tyr et Sidon (acte IV, scène X), tragi-comédie que Jean de Schélandre (1584–1635) écrivit en 1608, projet érotique puisque danser le branle du loup est une manière déguisée de dire « faire l’amour ». Ce branle du loup se nommait aussi, de façon plus imagée, le branle de un dedans et deux dehors : « Je croy que tu ne te ferois point prier de danser le branle de un dedans et deux dehors » (Odet de Tournebeuf, Les Contens , acte III, scène IV, 1584, in Ancien théâtre françois ).
Ces locutions ne laissent guère de doute sur la métaphore sexuelle assimilant le loup au membre viril, métaphore peut-être suggérée par l’interprétation équivoque que l’on a pu faire d’un autre proverbe existant au moins depuis le XVI esiècle : Quand on parle du loup, on en voit la queue. Dire d’une jeune fille qu’ elle a vu le loup , c’est donc prétendre qu’elle n’est plus vierge, ce que Le Roux (1735) exprime de façon aussi délicate que savoureuse : « […] lorsqu’on parle d’une fille, cette manière de parler signifie avoir de l’expérience en amour, avoir eu des galanteries & des intrigues dans lesquelles l’honneur a reçu quelque échec. » Ce même Le Roux nous précise qu’ avoir vu le loup s’emploie « pour avoir de l’expérience […] et se dit d’une personne qui a voyagé, vu du pays ou été à la guerre […] ».
Du temps de grand-mère, la morale judéo-chrétienne vouait encore les pécheresses aux flammes de l’enfer et, bien que Jésus ait pardonné les péchés de Marie Madeleine, l’opprobre que suscitaient les femmes faciles (« trop facile », ajoute Delvau en 1866) s’exprimait par bien des noms d’oiseaux : « C’est une traînée, une chienne, une dévergondée, une catin, une roulure, une pute. » Grand-mère parlait plutôt de Marie-couche-toi-là , qualificatif plus imagé, moins vulgaire et moins violent.
On a vu qu’en langage populaire le prénom Marie entre dans plusieurs expressions désignant le trait physique ou moral dominant chez une femme (voir supra, Une Marie-j’ordonne ). Marie-couche-toi-là (avec « m » majuscule ou minuscule) en fait partie.
« Les fleuristes, murmura Lorilleux, toutes des Marie-couche-toi-là.
— Eh bien, et moi ! reprit la grande veuve, les lèvres pincées. Vous êtes galant. Vous savez, je ne suis pas une chienne, je ne me mets pas les pattes en l’air, quand on siffle ! »
(Émile Zola,
L’Assommoir , ch. X, 1878).
Faire du plat à quelqu’un
« Ma parole, il t’a fait du plat ! » s’amusait grand-mère quand maman s’était un peu trop attardée à parler avec un voisin ou un commerçant. L’équivalent « il t’a fait la cour » aurait été trop « prout-proute ma chère » et « Il t’a conté fleurette », trop archaïque.
Faire du plat ? Est-il question de cuisine, d’un plat aux petits oignons qu’un galant vous servirait en faisant le joli cœur ? Pas du tout, le plat serait ici la variante abrégée du plat de la langue présent dans une ancienne locution, donner du plat de la langue , ainsi définie par Oudin (1640) : « Flatter, parler avec éloquence. » Claude Duneton (2001) voit plutôt dans ce plat un raccourci de platine , terme d’argot mentionné chez Delvau (1866) avec cette signification : « Faconde, éloquence gasconne » et illustré par « Avoir un fière platine. Parler longtemps ; Mentir avec assurance. » D’Hautel (1808) avait déjà relevé platine comme synonyme de « bonne langue », « voix forte », « gosier rustique », précisant, « Il a une bonne platine , se dit d’un grand babillard ». Lorédan Larchey (1855) assimile platine à « bagou ».
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