Jean-Paul Sartre - Les Mots

Здесь есть возможность читать онлайн «Jean-Paul Sartre - Les Mots» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию без сокращений). В некоторых случаях можно слушать аудио, скачать через торрент в формате fb2 и присутствует краткое содержание. Жанр: Философия, на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале библиотеки ЛибКат.

Les Mots: краткое содержание, описание и аннотация

Предлагаем к чтению аннотацию, описание, краткое содержание или предисловие (зависит от того, что написал сам автор книги «Les Mots»). Если вы не нашли необходимую информацию о книге — напишите в комментариях, мы постараемся отыскать её.

Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

Les Mots — читать онлайн бесплатно полную книгу (весь текст) целиком

Ниже представлен текст книги, разбитый по страницам. Система сохранения места последней прочитанной страницы, позволяет с удобством читать онлайн бесплатно книгу «Les Mots», без необходимости каждый раз заново искать на чём Вы остановились. Поставьте закладку, и сможете в любой момент перейти на страницу, на которой закончили чтение.

Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Ma grand-mère recevait chaque jour Le Matin et, si je ne m'abuse, l'Excelsior: j'appris l'existence de la pègre que j'abominai comme tous les honnêtes gens. Mais ces tigres à face humaine ne faisaient pas mon affaire: l'intrépide M. Lépine suffisait à les mater. Parfois les ouvriers se fâchaient, aussitôt les capitaux s'envolaient mais je n'en sus rien et j'ignore encore ce qu'en pensait mon grand-père. Il remplissait ponctuellement ses devoirs d'électeur, sortait rajeuni de l'isoloir, un peu fat et, quand nos femmes le taquinaient: «Enfin, dis-nous pour qui tu votes!», il répondait sèchement: «C'est une affaire d'homme!» Pourtant, lorsqu'on élut le nouveau président de la République, il nous fit entendre, dans un moment d'abandon, qu'il déplorait la candidature de Pams: «C'est un marchand de cigarettes!» s'écria-t-il avec colère. Cet intellectuel petit-bourgeois voulait que le premier fonctionnaire de France fût un de ses pairs, un petit-bourgeois intellectuel, Poincaré. Ma mère m'assure aujourd'hui qu'il votait radical et qu'elle le savait fort bien. Cela ne m'étonne pas: il avait choisi le parti des fonctionnaires; et puis les radicaux se survivaient déjà: Charles avait la satisfaction de voter pour un parti d'ordre en donnant sa voix au parti du mouvement. Bref la politique française, à l'en croire, n'allait pas mal du tout.

Cela me navrait: je m'étais armé pour défendre l'humanité contre des dangers terribles et tout le monde m'assurait qu'elle s'acheminait doucement vers la perfection. Grand-père m'avait élevé dans le respect de la démocratie bourgeoise: pour elle, j'aurais dégainé ma plume volontiers; mais sous la présidence de Fallières le paysan votait: que demander de plus? Et que fait un républicain s'il a le bonheur de vivre en république? Il se tourne les pouces ou bien il enseigne le grec et décrit les monuments d'Aurillac à ses moments perdus. J'étais revenu à mon point de départ et je crus étouffer une fois de plus dans ce monde sans conflits qui réduisait l'écrivain au chômage.

Ce fut encore Charles qui me tira de peine. A son insu, naturellement. Deux ans plus tôt, pour m'éveiller à l'humanisme, il m'avait exposé des idées dont il ne soufflait plus mot, de crainte d'encourager ma folie mais qui s'étaient gravées dans son esprit. Elles reprirent, sans bruit, leur virulence et, pour sauver l'essentiel, transformèrent peu à peu l'écrivain-chevalier en écrivain-martyr. J'ai dit comment ce pasteur manqué, fidèle aux volontés de son père, avait gardé le Divin pour le verser dans la Culture. De cet amalgame était né le Saint-Esprit, attribut de la Substance infinie, patron des lettres et des arts, des langues mortes ou vivantes et de la Méthode Directe, blanche colombe qui comblait la famille Schweitzer de ses apparitions, voletait, le dimanche, au-dessus des orgues, des orchestres et se perchait, les jours ouvrables, sur le crâne de mon grand-père. Les anciens propos de Karl, rassemblés, composèrent dans ma tête un discours: le monde était la proie du Mal; un seul salut: mourir à soi-même, à la Terre, contempler du fond d'un naufrage les impossibles Idées. Comme on n'y parvenait pas sans un entraînement difficile et dangereux, on avait confié la besogne à un corps de spécialistes. La cléricature prenait l'humanité en charge et la sauvait par la réversibilité des mérites: les fauves du temporel, grands et petits, avaient tout loisir de s'entre-tuer ou de mener dans l'hébétude une existence sans vérité puisque les écrivains et les artistes méditaient à leur place sur la Beauté, sur le Bien. Pour arracher l'espèce entière à l'animalité il ne fallait que deux conditions: que l'on conservât dans des locaux surveillés les reliques – toiles, livres, statues – des clercs morts; qu'il restât au moins un clerc vivant pour continuer la besogne et fabriquer les reliques futures.

Sales fadaises: je les gobai sans trop les comprendre, j'y croyais encore à vingt ans. A cause d'elles j'ai tenu longtemps l'œuvre d'art pour un événement métaphysique dont la naissance intéressait l'univers. Je déterrai cette religion féroce et je la fis mienne pour dorer ma terne vocation: j'absorbai des rancunes et des aigreurs qui ne m'appartenaient point, pas davantage à mon grand-père, les vieilles biles de Flaubert, des Goncourt, de Gautier m'empoisonnèrent; leur haine abstraite de l'homme, introduite en moi sous le masque de l'amour, m'infecta de prétentions nouvelles. Je devins cathare, je confondis la littérature avec la prière, j'en fis un sacrifice humain. Mes frères, décidai-je, me demandaient tout simplement de consacrer ma plume à leur rachat: ils souffraient d'une insuffisance d'être qui, sans l'intercession des Saints, les aurait voués en permanence à l'anéantissement; si j'ouvrais les yeux chaque matin, si, courant à la fenêtre, je voyais passer dans la rue des Messieurs et des Dames encore vivants, c'est que, du crépuscule à l'aube, un travailleur en chambre avait lutté pour écrire une page immortelle qui nous valait ce sursis d'un jour. Il recommencerait à la tombée de la nuit, ce soir, demain, jusqu'à mourir d'usure; je prendrais la relève: moi aussi, je retiendrais l'espèce au bord du gouffre par mon offrande mystique, par mon œuvre; en douce le militaire cédait la place au prêtre: Parsifal tragique, je m'offrais en victime expiatoire. Du jour où je découvris Chantecler, un nœud se fit dans mon cœur: un nœud de vipères qu'il fallut trente ans pour dénouer: déchiré, sanglant, rossé, ce coq trouve le moyen de protéger toute une basse-cour, il suffit de son chant pour mettre un épervier en déroute et la foule abjecte l'encense après l'avoir moqué; l'épervier disparu, le poète revient au combat, la Beauté l'inspire, décuple ses forces, il fond sur son adversaire et le terrasse. Je pleurai: Grisélidis, Corneille, Pardaillan, je les retrouvais tous en un: Chantecler ce serait moi. Tout me parut simple: écrire, c'est augmenter d'une perle le sautoir des Muses, laisser à la postérité le souvenir d'une vie exemplaire, défendre le peuple contre lui-même et contre ses ennemis, attirer sur les hommes par une Messe solennelle la bénédiction du Ciel. L'idée ne me vint pas qu'on pût écrire pour être lu.

On écrit pour ses voisins ou pour Dieu. Je pris le parti d'écrire pour Dieu en vue de sauver mes voisins. Je voulais des obligés et non pas des lecteurs. Le mépris corrompait ma générosité. Déjà, du temps que je protégeais les orphelines, je commençais par me débarrasser d'elles en les envoyant se cacher. Écrivain, ma manière ne changea pas: avant de sauver l'humanité, je commencerais par lui bander les yeux; alors seulement je me tournerais contre les petits reîtres noirs et véloces, contre les mots; quand ma nouvelle orpheline oserait dénouer le bandeau, je serais loin; sauvée par une prouesse solitaire, elle ne remarquerait pas d'abord, flambant sur un rayon de la Nationale, le petit volume tout neuf qui porterait mon nom.

Je plaide les circonstances atténuantes. Il y en a trois. D'abord, à travers un fantasme limpide, c'était mon droit de vivre que je mettais en question. En cette humanité sans visa qui attend le bon plaisir de l'Artiste, on aura reconnu l'enfant gavé de bonheur qui s'ennuyait sur son perchoir, j'acceptais le mythe odieux du Saint qui sauve la populace, parce que finalement la populace c'était moi: je me déclarais sauveteur patenté des foules pour faire mon propre salut en douce et, comme disent les jésuites, par-dessus le marché.

Et puis j'avais neuf ans. Fils unique et sans camarade, je n'imaginais pas que mon isolement pût finir. Il faut avouer que j'étais un auteur très ignoré. J'avais recommencé d'écrire. Mes nouveaux romans, faute de mieux, ressemblaient aux anciens trait pour trait, mais personne n'en prenait connaissance. Pas même moi, qui détestais me relire: ma plume allait si vite que, souvent, j'avais mal au poignet; je jetais sur le parquet les cahiers remplis, je finissais par les oublier, ils disparaissaient; par cette raison je n'achevais rien: à quoi bon raconter la fin d'une histoire quand le commencement s'en est perdu. D'ailleurs, si Karl avait daigné jeter un coup d'œil sur ces pages, il n'aurait pas été lecteur à mes yeux mais juge suprême et j'aurais redouté qu'il ne me condamnât. L'écriture, mon travail noir, ne renvoyait à rien et, du coup, se prenait elle-même pour fin: j'écrivais pour écrire. Je ne le regrette pas: eussé-je été lu, je tentais de plaire, je redevenais merveilleux. Clandestin, je fus vrai.

Читать дальше
Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Похожие книги на «Les Mots»

Представляем Вашему вниманию похожие книги на «Les Mots» списком для выбора. Мы отобрали схожую по названию и смыслу литературу в надежде предоставить читателям больше вариантов отыскать новые, интересные, ещё непрочитанные произведения.


Jean-Paul Sartre - No Exit
Jean-Paul Sartre
Jean-Paul Sartre - La Náusea
Jean-Paul Sartre
libcat.ru: книга без обложки
Jean-Jacques Rousseau
Jean-Christophe Notin - Les guerriers de l'ombre
Jean-Christophe Notin
Jean-Christophe Grangé - Les Rivières pourpres
Jean-Christophe Grangé
Bernard Pivot - Les mots de ma vie
Bernard Pivot
libcat.ru: книга без обложки
Jean-Jacques Goldman
Walerij Seliwanow - Jean-Paul Belmondo
Walerij Seliwanow
Отзывы о книге «Les Mots»

Обсуждение, отзывы о книге «Les Mots» и просто собственные мнения читателей. Оставьте ваши комментарии, напишите, что Вы думаете о произведении, его смысле или главных героях. Укажите что конкретно понравилось, а что нет, и почему Вы так считаете.

x