Jean-Paul Sartre - Les Mots

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Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

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Depuis quelque temps, quand mon grand-père s'extasiait sur mes vertus, je restais de glace; la voix qui tremblait d'amour en m'appelant «cadeau du Ciel», je feignais encore de l'écouter mais j'avais fini par ne plus l'entendre. Pourquoi lui ai-je prêté l'oreille ce jour-là, au moment qu'elle mentait le plus délibérément? Par quel malentendu lui ai-je fait dire le contraire de ce qu'elle prétendait m'apprendre? C'est qu'elle avait changé: asséchée, durcie, je la pris pour celle de l'absent qui m'avait donné le jour. Charles avait deux visages: quand il jouait au grand-père, je le tenais pour un bouffon de mon espèce et ne le respectais pas. Mais s'il parlait à M. Simonnot, à ses fils, s'il se faisait servir par ses femmes à table, en désignant du doigt, sans un mot, l'huilier ou la corbeille à pain, j'admirais son autorité. Le coup de l'index, surtout, m'en imposait: il prenait soin de ne pas le tendre, de le promener vaguement dans les airs, à demi ployé, pour que la désignation demeurât imprécise et que ses deux servantes eussent à deviner ses ordres; parfois, exaspérée, ma grand-mère se trompait et lui offrait le compotier quand il demandait à boire: je blâmais ma grand-mère, je m'inclinais devant ces désirs royaux qui voulaient être prévenus plus encore que comblés. Si Charles se fût écrié de loin, en ouvrant les bras: «Voici le nouvel Hugo, voici Shakespeare en herbe!», je serais aujourd'hui dessinateur industriel ou professeur de lettres. Il s'en garda bien: pour la première fois j'eus affaire au patriarche; il semblait morose et d'autant plus vénérable qu'il avait oublié de m'adorer. C'était Moïse dictant la loi nouvelle. Ma loi. Il n'avait mentionné ma vocation que pour en souligner les désavantages: j'en conclus qu'il la tenait pour acquise. M'eût-il prédit que je tremperais mon papier de mes larmes ou que je me roulerais sur le tapis, ma modération bourgeoise se fût effarouchée. Il me convainquit de ma vocation en me faisant comprendre que ces fastueux désordres ne m'étaient pas réservés: pour traiter d'Aurillac ou de la pédagogie, point n'était besoin de fièvre, hélas, ni de tumulte; les immortels sanglots du xx esiècle, d'autres se chargeraient de les pousser. Je me résignai à n'être jamais tempête ni foudre, à briller dans la littérature par des qualités domestiques, par ma gentillesse et mon application. Le métier d'écrire m'apparut comme une activité de grande personne, si lourdement sérieuse, si futile et, dans le fond, si dépourvue d'intérêt que je ne doutai pas un instant qu'elle me fût réservée; je me dis à la fois: «ce n'est que ça» et «je suis doué». Comme tous les songe-creux, je confondis le désenchantement avec la vérité.

Karl m'avait retourné comme une peau de lapin: j'avais cru n'écrire que pour fixer mes rêves quand je ne rêvais, à l'en croire, que pour exercer ma plume: mes angoisses, mes passions imaginaires n'étaient que les ruses de mon talent, elles n'avaient d'autre office que de me ramener chaque jour à mon pupitre et de me fournir les thèmes de narration qui convenaient à mon âge en attendant les grandes dictées de l'expérience et la maturité. Je perdis mes illusions fabuleuses: «Ah! disait mon grand-père, ce n'est pas tout que d'avoir des yeux, il faut apprendre à s'en servir. Sais-tu ce que faisait Flaubert quand Maupassant était petit? Il l'installait devant un arbre et lui donnait deux heures pour le décrire.» J'appris donc à voir. Chantre prédestiné des édifices aurillaciens, je regardais avec mélancolie ces autres monuments: le sous-main, le piano, la pendule qui seraient eux aussi – pourquoi pas? – immortalisés par mes pensums futurs. J'observai. C'était un jeu funèbre et décevant: il fallait se planter devant le fauteuil en velours frappé et l'inspecter. Qu'y avait-il à dire? Eh bien, qu'il était recouvert d'une étoffe verte et râpeuse, qu'il avait deux bras, quatre pieds, un dossier surmonté de deux petites pommes de pin en bois. C'était tout pour l'instant mais j'y reviendrais, je ferais mieux la prochaine fois, je finirais par le connaître sur le bout du doigt; plus tard, je le décrirais, les lecteurs diraient: «Comme c'est bien observé, comme c'est vu, comme c'est ça! Voilà des traits qu'on n'invente pas!» Peignant de vrais objets avec de vrais mots tracés par une vraie plume, ce serait bien le diable si je ne devenais pas vrai moi aussi. Bref je savais, une fois pour toutes, ce qu'il fallait répondre aux contrôleurs qui me demanderaient mon billet.

On pense bien que j'appréciais mon bonheur! L'ennui, c'est que je n'en jouissais pas. J'étais titularisé, on avait eu la bonté de me donner un avenir et je le proclamais enchanteur mais, sournoisement, je l'abominais. L'avais-je demandée, moi, cette charge de greffier? La fréquentation des grands hommes m'avait convaincu qu'on ne saurait être écrivain sans devenir illustre; mais, quand je comparais la gloire qui m'était échue aux quelques opuscules que je laisserais derrière moi, je me sentais mystifié: pouvais-je croire en vérité que mes petits-neveux me reliraient encore et qu'ils s'enthousiasmeraient pour une œuvre si mince, pour des sujets qui m'ennuyaient d'avance? Je me disais parfois que je serais sauvé de l'oubli par mon «style», cette énigmatique vertu que mon grand-père déniait à Stendhal et reconnaissait à Renan: mais ces mots dépourvus de sens ne parvenaient pas à me rassurer.

Surtout, il fallut renoncer à moi-même. Deux mois plus tôt, j'étais un bretteur, un athlète: fini! Entre Corneille et Pardaillan, on me sommait de choisir. J'écartai Pardaillan que j'aimais d'amour; par humilité j'optai pour Corneille. J'avais vu les héros courir et lutter au Luxembourg; terrassé par leur beauté, j'avais compris que j'appartenais à l'espèce inférieure. Il fallut le proclamer, remettre l'épée au fourreau, rejoindre le bétail ordinaire, renouer avec les grands écrivains, ces foutriquets qui ne m'intimidaient pas: ils avaient été des enfants rachitiques, en cela au moins je leur ressemblais; ils étaient devenus des adultes malingres, des vieillards catarrheux, je leur ressemblerais en cela; un noble avait fait rosser Voltaire et je serais cravaché, peut-être, par un capitaine, ancien fier-à-bras de jardin public.

Je me crus doué par résignation: dans le bureau de Charles Schweitzer, au milieu de livres éreintés, débrochés, dépareillés, le talent était la chose du monde la plus dépréciée. Ainsi, sous l'Ancien Régime, bien des cadets se seraient damnés pour commander un bataillon, qui étaient voués de naissance à la cléricature. Une image a résumé longtemps à mes yeux les fastes sinistres de la notoriété: une longue table recouverte d'une nappe blanche portait des carafons d'orangeade et des bouteilles de mousseux, je prenais une coupe, des hommes en habit qui m'entouraient – ils étaient bien quinze – portaient un toast à ma santé, je devinais derrière nous l'immensité poussiéreuse et déserte d'une salle en location. On voit que je n'attendais plus rien de la vie sinon qu'elle ressuscitât pour moi, sur le tard, la fête annuelle de l'Institut des Langues Vivantes.

Ainsi s'est forgé mon destin, au numéro un de la rue Le Goff, dans un appartement du cinquième étage, au-dessous de Goethe et de Schiller, au-dessus de Molière, de Racine, de La Fontaine, face à Henri Heine, à Victor Hugo, au cours d'entretiens cent fois recommencés: Karl et moi nous chassions les femmes, nous nous embrassions étroitement, nous poursuivions de bouche à oreille ces dialogues de sourds dont chaque mot me marquait. Par petites touches bien placées, Charles me persuadait que je n'avais pas de génie. Je n'en avais pas, en effet, je le savais, je m'en foutais; absent, impossible, l'héroïsme faisait l'unique objet de ma passion: c'est la flambée des âmes pauvres, ma misère intérieure et le sentiment de ma gratuité m'interdisaient d'y renoncer tout à fait. Je n'osais plus m'enchanter de ma geste future mais dans le fond j'étais terrorisé: on avait dû se tromper d'enfant ou de vocation. Perdu, j'acceptai, pour obéir à Karl, la carrière appliquée d'un écrivain mineur. Bref, il me jeta dans la littérature par Se soin qu'il mit à m'en détourner: au point qu'il m'arrive aujourd'hui encore, de me demander, quand je suis de mauvaise humeur, si je n'ai pas consommé tant de jours et tant de nuits, couvert tant de feuillets de mon encre, jeté sur le marché tant de livres qui n'étaient souhaités par personne, dans l'unique et fol espoir de plaire à mon grand-père. Ce serait farce: à plus de cinquante ans, je me trouverais embarqué, pour accomplir les volontés d'un très vieux mort, dans une entreprise qu'il ne manquerait pas de désavouer.

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