Jean-Paul Sartre - Les Mots
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En vérité, je ressemble à Swann guéri de son amour et soupirant: «Dire que j'ai gâché ma vie pour une femme qui n'était pas mon genre!» Parfois, je suis mufle en secret: c'est une hygiène rudimentaire. Or le mufle a toujours raison mais jusqu'à un certain point. Il est vrai que je ne suis pas doué pour écrire; on me l'a fait savoir, on m'a traité de fort en thème: j'en suis un; mes livres sentent la sueur et la peine, j'admets qu'ils puent au nez de nos aristocrates; je les ai souvent faits contre moi, ce qui veut dire contre tous [4], dans une contention d'esprit qui a fini par devenir une hypertension de mes artères. On m'a cousu mes commandements sous la peau: si je reste un jour sans écrire, la cicatrice me brûle; si j'écris trop aisément, elle me brûle aussi. Cette exigence fruste me frappe aujourd'hui par sa raideur, par sa maladresse: elle ressemble à ces crabes préhistoriques et solennels que la mer porte sur les plages de Long Island; elle survit, comme eux, à des temps révolus. Longtemps j'ai envié les concierges de la rue Lacépède, quand le soir et l'été les font sortir sur le trottoir, à califourchon sur leurs chaises: leurs yeux innocents voyaient sans avoir mission de regarder.
Seulement voilà: à part quelques vieillards qui trempent leur plume dans l'eau de Cologne et de petits dandies qui écrivent comme des bouchers, les forts en version n'existent pas. Cela tient à la nature du Verbe: on parle dans sa propre langue, on écrit en langue étrangère. J'en conclus que nous sommes tous pareils dans notre métier: tous bagnards, tous tatoués. Et puis le lecteur a compris que je déteste mon enfance et tout ce qui en survit: la voix de mon grand-père, cette voix enregistrée qui m'éveille en sursaut et me jette à ma table, je ne l'écouterais pas si ce n'était la mienne, si je n'avais, entre huit et dix ans, repris à mon compte dans l'arrogance, le mandat soi-disant impératif que j'avais reçu dans l'humilité.
Je sais fort bien que je ne suis qu'une machine à faire des livres.
Chateaubriand.
J'ai failli déclarer forfait. Le don que Karl me reconnaissait du bout des lèvres, jugeant maladroit de le dénier tout à fait, je n'y voyais au fond qu'un hasard incapable de légitimer cet autre hasard, moi-même. Ma mère avait une belle voix, donc elle chantait. Elle n'en voyageait pas moins sans billet. Moi, j'avais la bosse de la littérature, donc j'écrirais, j'exploiterais ce filon toute ma vie. D'accord. Mais l'Art perdait – pour moi du moins – ses pouvoirs sacrés, je resterais vagabond – un peu mieux nanti, c'est tout. Pour que je me sentisse nécessaire, il eût fallu qu'on me réclamât. Ma famille m'avait entretenu quelque temps dans cette illusion; on m'avait répété que j'étais un don du Ciel, très attendu, indispensable à mon grand-père, à ma mère: je n'y croyais plus niais j'avais gardé le sentiment qu'on naît superflu à moins d'être mis au monde spécialement pour combler une attente. Mon orgueil et mon délaissement étaient tels, à l'époque, que je souhaitais être mort ou requis par toute la terre.
Je n'écrivais plus: les déclarations de M mePicard avaient donné aux soliloques de ma plume une telle importance que je n'osais plus les poursuivre. Quand je voulus reprendre mon roman, sauver au moins le jeune couple que j'avais laissé sans provisions ni casque colonial au beau milieu du Sahara, je connus les affres de l'impuissance. A peine assis, ma tête s'emplissait de brouillard, je mordillais mes ongles en grimaçant: j'avais perdu l'innocence. Je me relevais, je rôdais dans l'appartement avec une âme d'incendiaire; hélas, je n'y mis jamais le feu: docile par condition, par goût, par coutume, je ne suis venu, plus tard, à la rébellion que pour avoir poussé la soumission à l'extrême. On m'acheta un «cahier de devoirs», recouvert de toile noire avec des tranches rouges: aucun signe extérieur ne le distinguait de mon «cahier de romans»: à peine l'eus-je regardé, mes devoirs scolaires et mes obligations personnelles fusionnèrent, j'identifiai l'auteur à l'élève, l'élève au futur professeur, c'était tout un d'écrire et d'enseigner la grammaire; ma plume, socialisée, me tomba de la main et je restai plusieurs mois sans la ressaisir. Mon grand-père souriait dans sa barbe quand je tramais ma maussaderie dans son bureau: il se disait sans doute que sa politique portait ses premiers fruits.
Elle échoua parce que j'avais la tête épique. Mon épée brisée, rejeté dans la roture, je fis souvent, la nuit, ce rêve anxieux: j'étais au Luxembourg, près du bassin, face au Sénat; il fallait protéger contre un danger inconnu une petite fille blonde qui ressemblait à Vévé, morte un an plus tôt. La petite, calme et confiante, levait vers moi ses yeux graves; souvent, elle tenait un cerceau. C'était moi qui avais peur: je craignais de l'abandonner à des forces invisibles. Combien je l'aimais pourtant, de quel amour désolé! Je l'aime toujours; je l'ai cherchée, perdue, retrouvée, tenue dans mes bras, reperdue: c'est l'Épopée. A huit ans, au moment de me résigner, j'eus un violent sursaut; pour sauver cette petite morte, je me lançai dans une opération simple et démente qui dévia le cours de ma vie: je refilai à l'écrivain les pouvoirs sacrés du héros.
A l'origine il y eut une découverte ou plutôt une réminiscence – car j'en avais eu deux ans plus tôt le pressentiment: les grands auteurs s'apparentent aux chevaliers errants en ceci que les uns et les autres suscitent des marques passionnées de gratitude. Pour Pardaillan, la preuve n'était plus à faire: les larmes d'orphelines reconnaissantes avaient raviné le dos de sa main. Mais, à croire le Grand Larousse et les notices nécrologiques que je lisais dans les journaux, l'écrivain n'était pas moins favorisé: pour peu qu'il vécût longtemps, il finissait invariablement par recevoir une lettre d'un inconnu qui le remerciait; à dater de cette minute, les remerciements ne s'arrêtaient plus, s'entassaient sur son bureau, encombraient son appartement; des étrangers traversaient les mers pour le saluer; ses compatriotes, après sa mort, se cotisaient pour lui élever un monument; dans sa ville natale et parfois dans la capitale de son pays, des rues portaient son nom. En elles-mêmes, ces gratulations ne m'intéressaient pas: elles me rappelaient trop la comédie familiale. Une gravure, pourtant, me bouleversa: le célèbre romancier Dickens va débarquer dans quelques heures à New York, on aperçoit au loin le bateau qui le transporte; la foule s'est massée sur le quai pour l'accueillir, elle ouvre toutes ses bouches et brandit mille casquettes, si dense que les enfants étouffent, solitaire, pourtant, orpheline et veuve, dépeuplée par la seule absence de l'homme qu'elle attend. Je murmurai: «Il y a quelqu'un qui manque ici: c'est Dickens!» et les larmes me vinrent aux yeux. Pourtant j'écartai ces effets, j'allai droit à leur cause: pour être si follement acclamés, il fallait, me dis-je, que les hommes de lettres affrontassent les pires dangers et rendissent à l'humanité les services les plus éminents. Une fois dans ma vie j'avais assisté à un pareil déchaînement d'enthousiasme: les chapeaux volaient, hommes et femmes criaient: bravo, hurrah; c'était le 14 juillet, les Turcos défilaient. Ce souvenir acheva de me convaincre: en dépit de leurs tares physiques, de leur afféterie, de leur apparente féminité, mes confrères étaient des manières de soldats, ils risquaient leur vie en francs-tireurs dans de mystérieux combats, on applaudissait, plus encore que le talent, leur courage militaire. C'est donc vrai! me dis-je. On a besoin d'eux! A Paris, à New York, à Moscou, on les attend, dans l'angoisse ou dans l'extase, avant qu'ils aient publié leur premier livre, avant qu'ils aient commencé d'écrire, avant même qu'ils soient nés.
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