Jean-Paul Sartre - Les Mots

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Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

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L'histoire avait deux conclusions; je choisissais l'une ou l'autre suivant mon humeur. Dans mes jours maussades, je me voyais mourir sur un lit de fer, haï de tous, désespéré, à l'heure même où la Gloire embouchait sa trompette. D'autres fois je m'accordais un peu de bonheur. A cinquante ans, pour essayer une plume neuve, j'écrivais mon nom sur un manuscrit qui, peu après, s'égarait. Quelqu'un le trouvait, dans un grenier, dans le ruisseau, dans un placard de la maison que je venais de quitter, il le lisait, le portait bouleversé chez Arthème Fayard le célèbre éditeur de Michel Zévaco. C'était le triomphe: dix mille exemplaires enlevés en deux jours. Que de remords dans les cœurs. Cent reporters se lançaient à ma recherche et ne me trouvaient pas. Reclus, j'ignorais longtemps ce revirement d'opinion. Un jour, enfin, j'entre dans un café pour m'abriter de la pluie, j'avise une gazette qui traîne et que vois-je? «Jean-Paul Sartre, l'écrivain masqué, le chantre d'Aurillac, le poète de la mer.» A la trois, sur six colonnes, en capitales. J'exulte. Non: je suis voluptueusement mélancolique. En tout cas je rentre chez moi, je ferme et ficelle, avec l'aide de ma logeuse, la malle aux cahiers et je l'expédie chez Fayard sans donner mon adresse. A ce moment de mon récit, je m'interrompais pour me lancer dans des combinaisons délicieuses: si j'envoyais Se colis de la ville même où je résidais, les journalistes auraient tôt fait de découvrir ma retraite. J'emportais donc la malle à Paris, je la faisais déposer par un commissionnaire à la maison d'éditions; avant de prendre le train, je retournais aux lieux de mon enfance, rue Le Goff, rue Soufflot, au Luxembourg. Le Balzar m'attirait; je me rappelais que mon grand-père – mort depuis – m'y avait amené quelquefois, en 1913: nous nous asseyions côte à côte sur la banquette, tout le monde nous regardait d'un air de connivence, il commandait un bock et, pour moi, un galopin de bière, je me sentais aimé. Donc, quinquagénaire et nostalgique, je poussais la porte de la brasserie et je me faisais servir un galopin. A la table voisine des femmes jeunes et belles parlaient avec vivacité, prononçaient mon nom. «Ah! disait l'une d'elles, il se peut qu'il soit vieux, qu'il soit laid mais qu'importe: je donnerais trente ans de ma vie pour devenir son épouse!» Je lui adressais un fier et triste sourire, elle me répondait par un sourire étonné, je me levais, je disparaissais.

J'ai passé beaucoup de temps à fignoler cet épisode et cent autres que j'épargne au lecteur. On y aura reconnu, projetée dans un monde futur, mon enfance elle-même, ma situation, les inventions de ma sixième année, les bouderies de mes paladins méconnus. Je boudais encore, à neuf ans, et j'y prenais un plaisir extrême: par bouderie, je maintenais, martyr inexorable, un malentendu dont le Saint-Esprit lui-même semblait s'être lassé. Pourquoi ne pas dire mon nom à cette ravissante admiratrice? Ah! me disais-je, elle vient trop tard. – Mais puisqu'elle m'accepte de toute façon? – Eh bien c'est que je suis trop pauvre. – Trop pauvre! Et les droits d'auteur? Cette objection ne m'arrêtait pas: j'avais écrit à Fayard de distribuer aux pauvres l'argent qui me revenait. Il fallait pourtant conclure: eh bien! je m'éteignais dans ma chambrette, abandonné de tous mais serein: mission remplie.

Une chose me frappe dans ce récit mille fois répété: du jour où je vois mon nom sur le journal, un ressort se brise, je suis fini; je jouis tristement de mon renom mais je n'écris plus. Les deux dénouements ne font qu'un: que je meure pour naître à la gloire, que la gloire vienne d'abord et me tue, l'appétit d'écrire enveloppe un refus de vivre. Vers cette époque une anecdote m'avait troublé, lue je ne sais où: c'est au siècle dernier; dans une halte sibérienne un écrivain fait les cent pas en attendant le train. Pas une masure à l'horizon, pas une âme en vie. L'écrivain a de la peine à porter sa grosse tête morose. Il est myope, célibataire, grossier, toujours furieux; il s'ennuie, il pense à sa prostate, à ses dettes. Surgit une jeune comtesse, dans son coupé, sur la route qui longe les rails: elle saute de la voiture, court au voyageur qu'elle n'a jamais vu mais prétend reconnaître d'après un daguerréotype qu'on lui a montré, elle s'incline, lui prend la main droite et la baise. L'histoire s'arrêtait là et je ne sais pas ce qu'elle veut nous faire entendre. A neuf ans j'étais émerveillé que cet auteur bougon se trouvât des lectrices dans la steppe et qu'une si belle personne vînt lui rappeler la gloire qu'il avait oubliée: c'était naître. Plus au fond, c'était mourir: je le sentais, je le voulais ainsi; un roturier vivant ne pouvait recevoir d'une aristocrate pareil témoignage d'admiration. La comtesse semblait lui dire: «Si j'ai pu venir à vous et vous toucher, c'est qu'il n'est même plus besoin de maintenir la supériorité du rang; je ne me soucie pas de ce que vous penserez de mon geste, je ne vous tiens plus pour un homme mais pour le symbole de votre œuvre.» Tué par un baisemain, à mille verstes de Saint-Pétersbourg, à cinquante-cinq ans de sa naissance, un voyageur prenait feu, sa gloire le consumait, ne laissait de lui, en lettres de flammes, que le catalogue de ses œuvres. Je voyais la comtesse remonter dans son coupé, disparaître et la steppe retomber dans la solitude; au crépuscule le train brûlait la halte pour rattraper son retard, je sentais, au creux des reins, le frisson de la peur, je me rappelais Du vent dans les arbres et je me disais: «La comtesse, c'était la mort.» Elle viendrait, un jour, sur une route déserte, elle baiserait mes doigts. La mort était mon vertige parce que je n'aimais pas vivre: c'est ce qui explique la terreur qu'elle m'inspirait. En l'identifiant à la gloire, j'en fis ma destination. Je voulus mourir; parfois l'horreur glaçait mon impatience: jamais longtemps; ma joie sainte renaissait, j'attendais l'instant de foudre où je flamberais jusqu'à l'os. Nos intentions profondes sont des projets et des fuites inséparablement liés: l'entreprise folle d'écrire pour me faire pardonner mon existence, je vois bien qu'elle avait, en dépit des vantardises et des mensonges, quelque réalité; la preuve en est que j'écris encore, cinquante ans après. Mais, si je remonte aux origines, j'y vois une fuite en avant, un suicide à la Gribouille; oui, plus que l'épopée, plus que le martyre, c'était la mort que je cherchais. Longtemps j'avais redouté de finir comme j'avais commencé, n'importe où, n'importe comment, et que ce vague trépas ne fût que le reflet de ma vague naissance. Ma vocation changea tout: les coups d'épée s'envolent, les écrits restent, je découvris que le Donateur, dans les Belles-Lettres, peut se transformer en son propre Don, c'est-à-dire en objet pur. Le hasard m'avait fait homme, la générosité me ferait livre; je pourrais couler ma babillarde, ma conscience, dans des caractères de bronze, remplacer les bruits de ma vie par des inscriptions ineffaçables, ma chair par un style, les mol!es spirales du temps par l'éternité, apparaître au Saint-Esprit comme un précipité du langage, devenir une obsession pour l'espèce, être autre enfin, autre que moi, autre que les autres, autre que tout. Je commencerais par me donner un corps inusable et puis je me livrerais aux consommateurs. Je n'écrirais pas pour le plaisir d'écrire mais pour tailler ce corps de gloire dans les mots. A la considérer du haut de ma tombe, ma naissance m'apparut comme un mal nécessaire, comme une incarnation tout à fait provisoire qui préparait ma transfiguration: pour renaître il fallait écrire, pour écrire il fallait un cerveau, des yeux, des bras; le travail terminé, ces organes se résorberaient d'eux-mêmes: aux environs de 1955, une larve éclaterait, vingt-cinq papillons in-folio s'en échapperaient, battant de toutes leurs pages pour s'aller poser sur un rayon de la Bibliothèque nationale. Ces papillons ne seraient autres que moi. Moi: vingt-cinq tomes, dix-huit mille pages de texte, trois cents gravures dont le portrait de l'auteur. Mes os sont de cuir et de carton, ma chair parcheminée sent la colle et le champignon, à travers soixante kilos de papier je me carre, tout à l'aise. Je renais, je deviens enfin tout un homme, pensant, parlant, chantant, tonitruant, qui s'affirme avec l'inertie péremptoire de la matière. On me prend, on m'ouvre, on m'étale sur la table, on me lisse du plat de la main et parfois on me fait craquer. Je me laisse faire et puis tout à coup je fulgure, j'éblouis, je m'impose à distance, mes pouvoirs traversent l'espace et le temps, foudroient les méchants, protègent les bons. Nul ne peut m'oublier, ni me passer sous silence: je suis un grand fétiche maniable et terrible. Ma conscience est en miettes: tant mieux. D'autres consciences m'ont pris en charge. On me lit, je saute aux yeux; on me parle, je suis dans toutes les bouches, langue universelle et singulière; dans des millions de regards je me fais curiosité prospective; pour celui qui sait m'aimer, je suis son inquiétude la plus intime mais, s'il veut me toucher, je m'efface et disparais: je n'existe plus nulle part, je suis, enfin! je suis partout: parasite de l'humanité, mes bienfaits la rongent et l'obligent sans cesse à ressusciter mon absence.

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