Jean-Paul Sartre - Les Mots

Здесь есть возможность читать онлайн «Jean-Paul Sartre - Les Mots» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию без сокращений). В некоторых случаях можно слушать аудио, скачать через торрент в формате fb2 и присутствует краткое содержание. Жанр: Философия, на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале библиотеки ЛибКат.

Les Mots: краткое содержание, описание и аннотация

Предлагаем к чтению аннотацию, описание, краткое содержание или предисловие (зависит от того, что написал сам автор книги «Les Mots»). Если вы не нашли необходимую информацию о книге — напишите в комментариях, мы постараемся отыскать её.

Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

Les Mots — читать онлайн бесплатно полную книгу (весь текст) целиком

Ниже представлен текст книги, разбитый по страницам. Система сохранения места последней прочитанной страницы, позволяет с удобством читать онлайн бесплатно книгу «Les Mots», без необходимости каждый раз заново искать на чём Вы остановились. Поставьте закладку, и сможете в любой момент перейти на страницу, на которой закончили чтение.

Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

J'usai de ce mirage avec enthousiasme pour achever de garantir mon destin. Je pris le temps, je le mis cul par-dessus tête et tout s'éclaira. Cela commença par un petit livre bleu de nuit avec des chamarrures d'or un peu noircies, dont les feuilles épaisses sentaient le cadavre et qui s'intitulait: L'Enfance des hommes illustres; une étiquette attestait que mon oncle Georges l'avait reçu en 1885, à titre de second prix d'arithmétique. Je l'avais découvert, au temps de mes voyages excentriques, feuilleté puis rejeté par agacement: ces jeunes élus ne ressemblaient en rien à des enfants prodiges; ils ne se rapprochaient de moi que par la fadeur de leurs vertus et je me demandais bien pourquoi l'on parlait d'eux. Finalement le livre disparut: j'avais décidé de le punir en le cachant. Un an plus tard, je bouleversai tous les rayons pour le retrouver: j'avais changé, l'enfant prodige était devenu grand homme en proie à l'enfance. Quelle surprise: le livre avait changé lui aussi. C'étaient les mêmes mots mais ils me parlaient de moi. Je pressentis que cet ouvrage allait me perdre, je le détestai, j'en eus peur. Chaque jour, avant de l'ouvrir, j'allais m'asseoir contre la fenêtre: en cas de danger, je ferais entrer dans mes yeux la vraie lumière du jour. Ils me font bien rire, aujourd'hui, ceux qui déplorent l'influence de Fantômas ou d'André Gide: croit-on que les enfants ne choisissent pas leurs poisons eux-même? J'avalais le mien avec l'anxieuse austérité des drogués. Il paraissait bien inoffensif, pourtant. On encourageait les jeunes lecteurs: la sagesse et la piété filiale mènent à tout, même à devenir Rembrandt ou Mozart: on retraçait dans de courtes nouvelles les occupations très ordinaires de garçons non moins ordinaires mais sensibles et pieux qui s'appelaient Jean-Sébastien, Jean-Jacques ou Jean-Baptiste et qui faisaient le bonheur de leurs proches comme je faisais celui des miens. Mais voici le venin: sans jamais prononcer le nom de Rousseau, de Bach ni de Molière, l'auteur mettait son art à placer partout des allusions à leur future grandeur, à rappeler négligemment, par un détail, leurs œuvres ou leurs actions les plus fameuses, à machiner si bien ses récits qu'on ne pût comprendre l'incident le plus banal sans le rapporter à des événements postérieurs; dans le tumulte quotidien il faisait descendre un grand silence fabuleux, qui transfigurait tout: l'avenir. Un certain Sanzio mourait d'envie de voir le pape; il faisait si bien qu'on le menait sur la place publique un jour que le Saint-Père passait par là; le gamin pâlissait, écarquillait les yeux, on lui disait enfin: «Je pense que tu es content, Raffaello? L'as-tu bien regardé, au moins, notre Saint-Père?» Mais il répondait, hagard «Quel Saint-Père? Je n'ai vu que des couleurs!» Un autre jour le petit Miguel, qui voulait embrasser la carrière des armes, assis sous un arbre, se délectait d'un roman de chevalerie quand, tout à coup, un tonnerre de ferraille le faisait sursauter: c'était un vieux fou du voisinage, un hobereau ruiné qui caracolait sur une haridelle et pointait sa lance rouillée contre un moulin. Au dîner, Miguel racontait l'incident avec des mines si drôles et si gentilles qu'il donnait le fou rire à tout le monde; mais, plus tard, seul dans sa chambre, il jetait son roman sur le sol, le piétinait, sanglotait longuement.

Ces enfants vivaient dans l'erreur: ils croyaient agir et parler au hasard quand leurs moindres propos avaient pour but réel d'annoncer leur Destin. L'auteur et moi nous échangions des sourires attendris par-dessus leurs têtes; je lisais la vie de ces faux médiocres comme Dieu l'avait conçue: en commençant par la fin. D'abord, je jubilais: c'étaient mes frères, leur gloire serait la mienne. Et puis tout basculait: je me retrouvais de l'autre côté de la page, dans le livre: l'enfance de Jean-Paul ressemblait à celles de Jean-Jacques et de Jean-Sébastien et rien ne lui arrivait qui ne fût largement prémonitoire. Seulement, cette fois-ci, c'était à mes petits-neveux que l'auteur faisait des clins d'œil. Moi, j'étais vu, de la mort à la naissance, par ces enfants futurs que je n'imaginais pas et je n'arrêtais pas de leur envoyer des messages indéchiffrables pour moi. Je frissonnais, transi par ma mort, sens véritable de tous mes gestes, dépossédé de moi-même, j'essayais de retraverser la page en sens inverse et de me retrouver du côté des lecteurs, je levais la tête, je demandais secours à la lumière: or cela aussi, c'était un message; cette inquiétude soudaine, ce doute, ce mouvement des yeux et du cou, comment les interpréterait-on, en 2013, quand on aurait les deux clés qui devaient m'ouvrir, l'œuvre et le trépas? Je ne pus sortir du livre: j'en avais depuis longtemps terminé la lecture mais j'en restais un personnage. Je m'épiais: une heure plus tôt j'avais babillé avec ma mère: qu'avais-je annoncé? Je me rappelais quelques-uns de mes propos, je les répétais à voix haute, cela ne m'avançait pas. Les phrases glissaient, impénétrables; à mes propres oreilles ma voix résonnait comme une étrangère, un ange filou me piratait mes pensées jusque dans ma tête et cet ange n'était autre qu'un blondinet du xxx esiècle, assis contre une fenêtre, qui m'observait à travers un livre. Avec une amoureuse horreur, je sentais son regard m'épingler à mon millénaire. Pour lui je me truquai: je fabriquai des mots à double sens que je lâchais en public. Anne-Marie me trouvait à mon pupitre, gribouillant, elle disait «Comme il fait sombre! Mon petit chéri se crève les yeux.» C'était l'occasion de répondre en toute innocence: «Même dans le noir je pourrais écrire.» Elle riait, m'appelait petit sot, donnait de la lumière, le tour était joué, nous ignorions l'un et l'autre que je venais d'informer l'an trois mille de ma future infirmité.

En effet, sur la fin de ma vie, plus aveugle encore que Beethoven ne fut sourd, je confectionnerais à tâtons mon dernier ouvrage: on retrouverait le manuscrit dans mes papiers, les gens diraient, déçus: «Mais c'est illisible!» Il serait même question de le jeter à la poubelle. Pour finir la Bibliothèque municipale d'Aurillac le réclamerait par piété pure, il y resterait cent ans, oublié. Et puis, un jour, pour l'amour de moi, de jeunes érudits tenteraient de le déchiffrer: ils n'auraient pas trop de toute leur vie pour reconstituer ce qui, naturellement, serait mon chef-d'œuvre. Ma mère avait quitté la pièce, j'étais seul, je répétais pour moi-même, lentement, sans y penser, surtout: «Dans le noir!» Il y avait un claquement sec: mon arrière-petit-neveu, là-haut, fermait son livre: il rêvait à l'enfance de son arrière-grand-oncle et des larmes roulaient sur ses joues: «C'est pourtant vrai, soupirait-il, il a écrit dans les ténèbres!»

Je paradais devant des enfants à naître qui me ressemblaient trait pour trait, je me tirais des larmes en évoquant celles que je leur ferais verser. Je voyais ma mort par leurs yeux; elle avait eu lieu, c'était ma vérité: je devins ma notice nécrologique.

Après avoir lu ce qui précède, un ami me considéra d'un air inquiet: «Vous étiez, me dit-il, encore plus atteint que je n'imaginais.» Atteint? Je ne sais trop. Mon délire était manifestement travaillé. A mes yeux, la question principale serait plutôt celle de la sincérité. A neuf ans, je restais en deçà d'elle; ensuite j'allai bien au-delà.

Au début, j'étais sain comme l'œil: un petit truqueur qui savait s'arrêter à temps. Mais je m'appliquais: jusque dans le bluff, je restais un fort en thème; je tiens aujourd'hui mes batelages pour des exercices spirituels et mon insincérité pour la caricature d'une sincérité totale qui me frôlait sans cesse et m'échappait. Je n'avais pas choisi ma vocation: d'autres me l'avaient imposée. En fait il n'y avait rien eu: des mots en l'air, jetés par une vieille femme, et le machiavélisme de Charles. Mais il suffisait que je fusse convaincu. Les grandes personnes, établies dans mon âme, montraient du doigt mon étoile; je ne la voyais pas mais je voyais le doigt, je croyais en elles qui prétendaient croire en moi. Elles m'avaient appris l'existence de grands morts – un d'eux futur – Napoléon, Thémistocle, Philippe Auguste, Jean-Paul Sartre. Je n'en doutais pas: c'eût été douter d'elles. Le dernier, simplement, j'eusse aimé le rencontrer face à face. Je béais, je me contorsionnais pour provoquer l'intuition qui m'eût comblé, j'étais une femme froide dont les convulsions sollicitent puis tentent de remplacer l'orgasme. La dira-t-on simulatrice ou juste un peu trop appliquée? De toute façon je n'obtenais rien, j'étais toujours avant ou après l'impossible vision qui m'aurait découvert à moi-même et je me retrouvais, à la fin de mes exercices, douteux et n'ayant rien gagné sauf quelques beaux énervements. Fondé sur le principe d'autorité, sur l'indéniable bonté des grandes personnes, rien ne pouvait confirmer ni démentir mon mandat hors d'atteinte, cacheté, il restait en moi mais m'appartenait si peu que je n'avais jamais pu, fût-ce un instant, le mettre en doute, que j'étais incapable de le dissoudre et de l'assimiler.

Читать дальше
Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Похожие книги на «Les Mots»

Представляем Вашему вниманию похожие книги на «Les Mots» списком для выбора. Мы отобрали схожую по названию и смыслу литературу в надежде предоставить читателям больше вариантов отыскать новые, интересные, ещё непрочитанные произведения.


Jean-Paul Sartre - No Exit
Jean-Paul Sartre
Jean-Paul Sartre - La Náusea
Jean-Paul Sartre
libcat.ru: книга без обложки
Jean-Jacques Rousseau
Jean-Christophe Notin - Les guerriers de l'ombre
Jean-Christophe Notin
Jean-Christophe Grangé - Les Rivières pourpres
Jean-Christophe Grangé
Bernard Pivot - Les mots de ma vie
Bernard Pivot
libcat.ru: книга без обложки
Jean-Jacques Goldman
Walerij Seliwanow - Jean-Paul Belmondo
Walerij Seliwanow
Отзывы о книге «Les Mots»

Обсуждение, отзывы о книге «Les Mots» и просто собственные мнения читателей. Оставьте ваши комментарии, напишите, что Вы думаете о произведении, его смысле или главных героях. Укажите что конкретно понравилось, а что нет, и почему Вы так считаете.

x