Jean-Paul Sartre - Les Mots

Здесь есть возможность читать онлайн «Jean-Paul Sartre - Les Mots» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию без сокращений). В некоторых случаях можно слушать аудио, скачать через торрент в формате fb2 и присутствует краткое содержание. Жанр: Философия, на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале библиотеки ЛибКат.

Les Mots: краткое содержание, описание и аннотация

Предлагаем к чтению аннотацию, описание, краткое содержание или предисловие (зависит от того, что написал сам автор книги «Les Mots»). Если вы не нашли необходимую информацию о книге — напишите в комментариях, мы постараемся отыскать её.

Une approche et une étude de l'oeuvre de Sartre: le contexte de sa création, des éléments de biographie de l'auteur, l'étude des personnages, la structure de l'oeuvre, des analyses thématiques, une préparation pour l'examen et des sujets corrigés.

Les Mots — читать онлайн бесплатно полную книгу (весь текст) целиком

Ниже представлен текст книги, разбитый по страницам. Система сохранения места последней прочитанной страницы, позволяет с удобством читать онлайн бесплатно книгу «Les Mots», без необходимости каждый раз заново искать на чём Вы остановились. Поставьте закладку, и сможете в любой момент перейти на страницу, на которой закончили чтение.

Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Ce tour de passe-passe réussit: j'ensevelis la mort dans le linceul de la gloire, je ne pensai plus qu'à celle-ci, jamais à celle-là, sans m'aviser que les deux n'étaient qu'une. A l'heure où j'écris ces lignes, je sais que j'ai fait mon temps à quelques années près. Or je me représente clairement, sans trop de gaîté, la vieillesse qui s'annonce et ma future décrépitude, la décrépitude et la mort de ceux que j'aime; ma mort, jamais. Il m'arrive de laisser entendre à mes proches – dont certains ont quinze, vingt, trente ans de moins que moi – combien je regretterai de leur survivre: ils me moquent et je ris avec eux mais rien n'y fait, rien n'y fera: à l'âge de neuf ans, une opération m'a ôté les moyens d'éprouver un certain pathétique qu'on dit propre à notre condition. Dix ans plus tard, à l'École normale, ce pathétique réveillait en sursaut, dans l'épouvante ou dans la rage, quelques-uns de mes meilleurs amis: je ronflais comme un sonneur. Après une grave maladie, l'un d'eux nous assurait qu'il avait connu les affres de l'agonie, jusqu'au dernier soupir inclusivement; Nizan était le plus obsédé: parfois, en pleine veille, il se voyait cadavre; il se levait, les yeux grouillants de vers, prenait en tâtonnant son Borsalino à coiffe ronde, disparaissait; on le retrouvait le surlendemain, saoul, avec des inconnus. Quelquefois, dans une turne, ces condamnés se racontaient leurs nuits blanches, leurs expériences anticipées du néant: ils s'entendaient au quart de mot. Je les écoutais, je les aimais assez pour souhaiter passionnément leur ressembler, mais j'avais beau faire, je ne saisissais et je ne retenais que des lieux communs d'enterrement: on vit, on meurt, on ne sait ni qui vit ni qui meurt; une heure avant la mort, on est encore vivant. Je ne doutais pas qu'il y eût dans leur propos un sens qui m'échappait; je me taisais, jaloux, en exil. A la fin, ils se tournaient vers moi, agacés d'avance: «Toi, ça te laisse froid?» J'écartais les bras en signe d'impuissance et d'humilité. Ils riaient de colère, éblouis par la foudroyante évidence qu'ils n'arrivaient pas à me communiquer: «Tu ne t'es jamais dit en t'endormant qu'il y avait des gens qui mouraient pendant leur sommeil? Tu n'as jamais pensé, en te brossant les dents: cette fois ça y est, c'est mon dernier jour? Tu n'as jamais senti qu'il fallait aller vite, vite, vite, et que le temps manquait? Tu te crois immortel?» Je répondais, moitié par défi, moitié par entraînement: «C'est ça: je me crois immortel.» Rien n'était plus faux: je m'étais prémuni contre les décès accidentels, voilà tout; le Saint-Esprit m'avait commandé un ouvrage de longue haleine, il fallait bien qu'il me laissât le temps de l'accomplir. Mort d'honneur, c'était ma mort qui me protégeait contre les déraillements, les congestions, la péritonite: nous avions pris date, elle et moi; si je me présentais au rendez-vous trop tôt, je ne l'y trouverais pas; mes amis pouvaient bien me reprocher de ne jamais penser à elle: ils ignoraient que je ne cessais pas une minute de la vivre.

Aujourd'hui, je leur donne raison: ils avaient tout accepté de notre condition, même l'inquiétude; j'avais choisi d'être rassuré; et c'était bien vrai, au fond, que je me croyais immortel: je m'étais tué d'avance parce que les défunts sont seuls à jouir de l'immortalité. Nizan et Maheu savaient qu'ils feraient l'objet d'une agression sauvage, qu'on les arracherait du monde tout vifs, pleins de sang. Moi, je me mentais: pour ôter à la mort sa barbarie, j'en avais fait mon but et de ma vie l'unique moyen connu de mourir: j'allais doucement vers ma fin, n'ayant d'espoirs et de désirs que ce qu'il en fallait pour remplir mes livres, sûr que le dernier élan de mon cœur s'inscrirait sur la dernière page du dernier tome de mes œuvres et que la mort ne prendrait qu'un mort. Nizan regardait, à vingt ans, les femmes et les autos, tous les biens de ce monde avec une précipitation désespérée: il fallait tout voir, tout prendre tout de suite. Je regardais aussi, mais avec plus de zèle que de convoitise: je n'étais pas sur terre pour jouir mais pour faire un bilan. C'était un peu trop commode: par timidité d'enfant trop sage, par lâcheté, j'avais reculé devant les risques d'une existence ouverte, libre et sans garantie providentielle, je m'étais persuadé que tout était écrit d'avance, mieux encore, révolu.

Évidemment cette opération frauduleuse m'épargnait la tentation de m'aimer. Menacé d'abolition, chacun de mes amis se barricadait dans le présent, découvrait l'irremplaçable qualité de sa vie mortelle et se jugeait touchant, précieux, unique; chacun se plaisait à soi-même; moi, le mort, je ne me plaisais pas: je me trouvais très ordinaire, plus ennuyeux que le grand Corneille et ma singularité de sujet n'offrait d'autre intérêt à mes yeux que de préparer le moment qui me changerait en objet. En étais-je plus modeste? Non, mais plus rusé: je chargeais mes descendants de m'aimer à ma place; pour des hommes et des femmes qui n'étaient pas encore nés, j'aurais un jour du charme, un je ne sais quoi, je ferais leur bonheur. J'avais plus de malice encore et plus de sournoiserie: cette vie que je trouvais fastidieuse et dont je n'avais su faire que l'instrument de ma mort, je revenais sur elle en secret pour la sauver; je la regardais à travers des yeux futurs et elle m'apparaissait comme une histoire touchante et merveilleuse que j'avais vécue pour tous, que nul, grâce à moi, n'avait plus à revivre et qu'il suffirait de raconter. J'y mis une véritable frénésie: je choisis pour avenir un passé de grand mort et j'essayai de vivre à l'envers. Entre neuf et dix ans, je devins tout à fait posthume.

Ce n'est pas entièrement ma faute: mon grand-père m'avait élevé dans l'illusion rétrospective. Lui non plus, d'ailleurs, il n'est pas coupable et je suis loin de lui en vouloir: ce mirage-là naît spontanément de la culture. Quand les témoins ont disparu, le décès d'un grand homme cesse à jamais d'être un coup de foudre, le temps en fait un trait de caractère. Un vieux défunt est mort par constitution, il l'est au baptême ni plus ni moins qu'à l'extrême-onction, sa vie nous appartient, nous y entrons par un bout, par l'autre, par le milieu, nous en descendons, nous en remontons le cours à volonté: c'est que l'ordre chronologique a sauté; impossible de le restituer: ce personnage ne court plus aucun risque et n'attend même plus que les chatouillements de sa narine aboutissent à la sternutation. Son existence offre les apparences d'un déroulement mais, dès qu'on veut lui rendre un peu de vie, elle retombe dans la simultanéité. Vous aurez beau vous mettre à la place du disparu, feindre de partager ses passions, ses ignorances, ses préjugés, ressusciter des résistances abolies, un soupçon d'impatience ou d'appréhension, vous ne pourrez vous défendre d'apprécier sa conduite à la lumière de résultats qui n'étaient pas prévisibles et de renseignements qu'il ne possédait pas, ni de donner une solennité particulière à des événements dont les effets plus tard l'ont marqué mais qu'il a vécus négligemment. Voilà le mirage: l'avenir plus réel que le présent. Cela n'étonnera pas: dans une vie terminée, c'est la fin qu'on tient pour la vérité du commencement. Le défunt reste à mi-chemin entre l'être et la valeur, entre le fait brut et la reconstruction; son histoire devient une manière d'essence circulaire qui se résume en chacun de ses moments. Dans les salons d'Arras, un jeune avocat froid et minaudier porte sa tête sous son bras parce qu'il est feu Robespierre, cette tête dégoutte de sang mais ne tache pas le tapis; pas un des convives ne la remarque et nous ne voyons qu'elle; il s'en faut de cinq ans qu'elle ait roulé dans le panier et pourtant la voilà, coupée, qui dit des madrigaux malgré sa mâchoire qui pend. Reconnue, cette erreur d'optique ne gêne pas: on a les moyens de la corriger; mais les clercs de l'époque la masquaient, ils en nourrissaient leur idéalisme. Quand une grande pensée veut naître, insinuaient-ils, elle va réquisitionner dans un ventre de femme le grand homme qui la portera; elle lui choisit sa condition, son milieu, elle dose exactement l'intelligence et l'incompréhension de ses proches, règle son éducation, le soumet aux épreuves nécessaires, lui compose par touches successives un caractère instable dont elle gouverne les déséquilibres jusqu'à ce que l'objet de tant de soins éclate en accouchant d'elle. Cela n'était nulle part déclaré mais tout suggérait que l'enchaînement des causes couvre un ordre inverse et secret.

Читать дальше
Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Похожие книги на «Les Mots»

Представляем Вашему вниманию похожие книги на «Les Mots» списком для выбора. Мы отобрали схожую по названию и смыслу литературу в надежде предоставить читателям больше вариантов отыскать новые, интересные, ещё непрочитанные произведения.


Jean-Paul Sartre - No Exit
Jean-Paul Sartre
Jean-Paul Sartre - La Náusea
Jean-Paul Sartre
libcat.ru: книга без обложки
Jean-Jacques Rousseau
Jean-Christophe Notin - Les guerriers de l'ombre
Jean-Christophe Notin
Jean-Christophe Grangé - Les Rivières pourpres
Jean-Christophe Grangé
Bernard Pivot - Les mots de ma vie
Bernard Pivot
libcat.ru: книга без обложки
Jean-Jacques Goldman
Walerij Seliwanow - Jean-Paul Belmondo
Walerij Seliwanow
Отзывы о книге «Les Mots»

Обсуждение, отзывы о книге «Les Mots» и просто собственные мнения читателей. Оставьте ваши комментарии, напишите, что Вы думаете о произведении, его смысле или главных героях. Укажите что конкретно понравилось, а что нет, и почему Вы так считаете.

x