— Meredith a raison, approuva celle-ci d’un ton faussement solennel. Tu as toi-même affirmé qu’il fallait respecter ce genre de pactes quoi qu’il arrive.
Bonnie leva des yeux pleins de rancune.
— OK » je suis condamnée à obéir à Elena jusqu’à la fin de mes jours, lâcha-t-elle d’un air sinistre. Génial !
— Je vous promets que c’est la dernière chose que je vous demande, assura Elena. Je vous jure que…
— Non, ne jure pas ! l’interrompit Meredith. Tu pourrais le regretter.
— Toi aussi tu deviens superstitieuse ? Plaisanta Elena. Bon, il faut trouver un moyen de piquer discrètement sa clé à Caroline…
Samedi 9 novembre.
Ça fait un bout de temps que je n’ai pas écrit. Il faut dire que j’étais trop occupée ou trop déprimée pour le faire. Et puis, maintenant, j’ai la frousse de tenir un journal. Pourtant, il faut absolument que je me débarrasse de ce que j’ai sur le cœur. Il n’y a plus une seule personne pour qui je n’ai pas de secret.
Bonnie et Meredith ne connaissent pas la vérité sur Stefan. Je cache à ce dernier certaines choses concernant Damon. Et tante Judith, elle, ne sait rien du tout. Bonnie et Meredith sont en revanche au courant au sujet de Caroline et du journal ; pas Stefan. Mais elles ignorent que je leur ai glissé de la verveine dans leur sac, même, je ne m’en sépare plus. Et ça a l’air de faire son effet, puisque je n’ai pas été somnambule depuis la fameuse nuit Mais ça ne m’empêche pas de rêver de Damon, il est mime dans tous mes cauchemars.
Ma vie n’est plus qu’un tissu de mensonges… , Ce journal est le seul témoin de la vraie Elena. Je vais le cacher sous une latte de plancher, dans mon placard, celle qui ne tient pas bien. Comme ça personne ne le trouvera, même si je meurs et qu’on vide ma chambre. Peut-être qu’un jour, un des petits-enfants de Margaret viendra fureter dans mon placard et soulèvera la latte…
Je me demande pourquoi l’idée de la mort m’obsède. Je suis en train de devenir comme Bonnie. Elle trouve le fait de mourir très romantique, alors que moi c’est tout le contraire : l’accident de papa et maman n’avait rien de poétique. Moi, je veux vivre longtemps, me marier avec Stefan et être heureuse. Une fois que j’aurai traversé cette mauvaise passe, je suis sûre que mes vœux se réaliseront. Quoique… parfois, j’ai des doutes. En fait ce sont surtout des petits détails qui me tracassent. Par exemple je ne comprends pas pourquoi Stefan porte toujours au cou l’anneau de Katherine, alors que c’est moi qu’il aime. Ou pourquoi il ne ma jamais de déclaration d’amour. Enfin, bref, tout finira par s’arranger. Je l’espère… Et nous serons heureux ensemble. Il n’y a aucune raison pour que ça ne marche pas. Aucune raison… Vraiment aucune…
Elena cessa d’écrire, gênée par les pleurs qui brouillaient sa vue. Les mots dansaient devant ses yeux. Elle referma brusquement le cahier pour éviter que la larme sur sa joue n’aille tacher sa prose. Elle se leva, ouvrit le placard, souleva la planche disjointe à l’aide d’une lime à ongles, et y dissimula le journal.
Elle avait toujours cet instrument dans la poche quand, une semaine plus tard, elle se retrouva dans le jardin de Caroline avec Bonnie et Meredith.
— Grouille-toi, Meredith, trépigna Bonnie.
Elle jetait des regards inquiets autour d’elle comme si elle redoutait une attaque soudaine.
— Ça y est ! s’exclama Meredith.
La clé tourna enfin dans la serrure.
— T’es vraiment sûre qu’il n’y a personne là-dedans ! demanda Bonnie. Et si les Forbes rentrent plus tôt ? On ferait mieux de faire ça en plein jour, non ?
— Bonnie, tu vas entrer, oui ou non ? s’énerva Elena. Tu sais très bien qu’on n’avait pas le choix : la femme de ménage est là toute la journée. Quand aux Forbes, ils sont au resto. On est donc tranquilles pour un bon moment, à moins que l’un d’eux ait une indigestion. Maintenant, tu viens !
— T’inquiète, Bonnie, intervint Meredith. Personne ne tombera malade pendant l’anniversaire de M. Forbes, Ils feront un effort…
— Ils auraient au moins pu laisser quelques lumière allumées, bougonna Bonnie, qui suivit ses amies à contre cœur.
Sans vouloir l’avouer, Elena partageait ses craintes : s’aventurer dans une maison inconnue plongée dans le noir ne l’enchantait guère. Quand elles montèrent l’escalier, son cœur s’emballa, et sa main moite se crispa sur sa lampe torche. Elle su pourtant garder l’esprit parfaitement clair.
— Il est sûrement dans sa chambre, avança-t-elle.
La pièce où dormait Caroline donnai, sur la rue, le faisceau lumineux, si minuscule fût-il, pouvait trahir leur présence à un passant. Elena devait s’en servir avec précaution.
En entrant dans la chambre, elle se trouva devant une difficulté imprévue. Il y avait tellement de cachettes possibles ! Et elles allaient devoir fouiller tous les coins, sans laisser la moindre trace de leur passage.
Bonnie et Meredith avaient l’air aussi déconcerté qu’elle.
— Si on laissait tomber ? murmura la première.
Pour une fois. Meredith ne la contredit pas.
— Il faut au moins essayer, répondu Elena d’une voix mal assurée.
Elle ouvrit précautionneusement un des tiroirs de la commode et braqua la lampe sur son contenu : des sous-vêtements en dentelle. S’étend assuré qu’ils ne cachaient rien, elle referma le tiroir.
— Vous voyez, c’est pas si dur. Il suffit de nous partager la pièce. Chacune va fouiller un secteur de fond en comble. Chaque tiroir, chaque meuble et chaque objet grand pour dissimuler mon journal doit être examiné.
Elle s’attribua le placard et commença par inspecter le plancher à l’aide de sa lime à ongles. Mais les lattes semblaient bien fixées et les murs ne sonnaient pas creux. En farfouillant dans les vêtements de Caroline, elle en connut quelques-uns qui lui appartenaient : elle les lui avait prêtés l’année précédente. Elle fut un instant tentée de les reprendre, mais se maîtrisa. La fouille des chaussures et des sacs se révéla infructueuse. Montée sur une chaise, elle explora méticuleusement l’étagère du haut rien.
Meredith, assise par terre, inspectait un tas de peluches reléguées dans un coffre avec d’autres souvenirs d’enfance. Elle les tâtait une à une, passant les doigts le long des coutures. En prenant un caniche, elle s’interrompit.
— C’est moi qui lui ai offert celle-ci, murmura-t-elle. Pour ses dix ans, je crois. Je croyais qu’elle l’avait jeté.
La torche que Meredith braquait sur la peluche lui laissait le visage dans l’ombre. Pourtant Elena devinait, au ton de sa voix, ce qu’elle ressentait.
— Tu sais, Meredith, commença-t-elle doucement, j’ai essayé de me réconcilier avec elle, je te jure. Mais elle m’a dit qu’elle ne me pardonnerait jamais de lui avoir pris Stefan. J’aurais vraiment aimé que ça se passe autrement…
— Et maintenant, c’est la guerre.
— Oui C’est la guerre ! répéta Elena d’un ton catégorique.
Elle regarda un moment Meredith continuer son inspection, puis reprit sa tâche.
Elle n’eut pas plus de chance avec les autres meubles. Sa nervosité grandissait au fil des minutes : elle croyait entendre à chaque instant la voiture des Forbes vrombir dans l’allée.
— On a fait tout ça pour rien, finit par soupirer Meredith en glissant une main sous le matelas. Elle a dû le cacher ailleurs… Attendez, il y a quelque chose… Je sens un angle dur.
Ses deux complices firent volte-face.
— Je l’ai ! C’est ton journal !
Un immense soulagement envahit Elena. Elle le savait : depuis le début, elle avait pressenti qu’il ne pouvait rien arriver à Stefan de vraiment terrible. La vie ne pouvait pas être aussi cruelle. Pas envers lui. Tout allait bien, maintenant !
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