Il en restait deux : les vaisseaux arrière des deux paires, qui allaient moins vite que sa propre accélération. Il hésita un peu, puis il prit le large en continuant d’esquiver les missiles et les rayons de lasers.
Les éclaireurs se rapetissèrent. Il les regarda qui diminuaient… et puis non : l’un d’eux ne diminuait pas… finalement il comprit que celui-là avait pris de l’accélération et fonçait derrière lui à quelque chose comme huit g.
Roy faillit crier : « Brennan ! Quel tour me jouez-vous ? »
Mais il se contint, parce qu’il avait deviné : le second vaisseau consommait la propre éjection de Protecteur ! Peu importait comment : c’était comme ça, et c’était la raison pour laquelle ils se déplaçaient en tandem.
Il lâcha deux demi-tonnes de radon en débranchant les jets.
Le radon a une brève demi-vie ; il faut qu’il soit maintenu en stase. Le générateur était à l’extérieur de l’enveloppe de la bombe, et compose partiellement de fer doux. Le champ de compression de l’ennemi le déchira en deux. Une minute plus tard, le radon était dans la constriction, et des choses incroyables se produisirent : le radon fusionnant avec des éléments transuraniens, puis fissionnant immédiatement. La constriction explosa. Le champ de compression étincela comme l’arbre de Noël d’un grand magasin devenu fou. Le vaisseau Pak flamboya et ne fut plus qu’un petit point blanc en train de s’effacer du ciel.
Le dernier vaisseau Pak était loin derrière.
Roy eut du mal à retrouver ses esprits. Il ne cessait de se répéter : ce n’est pas réel, c’est uniquement un simulacre. Il sursauta violemment lorsque la tête inhumaine de Brennan passa à travers le twing.
Puis, il cria : « Qu’est-ce que c’était que cette histoire de ce vaisseau qui consommait mes gaz ?
— Je savais bien que vous soulèveriez ce lièvre, répondit Brennan. Je vous l’expliquerai en détail mais, d’abord, commentons la bataille.
— Au diable la bataille !
— Vous vous êtes bien comporté, dit Brennan. Il ne reste pas grand-chose de votre capsule d’armes, mais ce sera bien si vous ne rencontrez plus d’autres éclaireurs. Vous n’avez pas de carburant de réserve pour vous mettre en orbite autour de Wunderland ; vous en avez trop utilisé. Mais vous pourrez abandonner Protecteur et atterrir avec le vaisseau-cargo.
— Charmant. Et très rassurant. Dites-moi à présent comment un vaisseau de reconnaissance Pak peut consommer ma propre éjection et venir se frotter à ma tuyère arrière !
— C’est une disposition possible. En réalité, c’est celle que je vais me mettre à rechercher, parce qu’elle est facile à trouver. Je vous le montrerai mieux avec des diagrammes. »
Roy s’était un peu calmé quand ils arrivèrent à la salle de commande du Hollandais Volant . Mais il tremblait. Trois jours sur le siège de pilotage de Protecteur l’avaient épuisé.
Brennan le regarda. « Voulez-vous que nous remettions cela à plus tard ?
— Non.
— Bien. Je serai bref. Considérons ce que fait votre champ de compression. Il prend de l’hydrogène interstellaire sur une route de cinq mille kilomètres de large. Il l’engouffre par l’intermédiaire des champs magnétiques, le serre et le comprime assez fort et assez longtemps pour produire une fusion. Ce qui en sort est de l’hélium, un petit peu d’hydrogène en excédent, et des produits de fusion d’un ordre élevé.
— D’accord.
— C’est aussi un courant chaud, assez compact, qui finira par se disperser dans le vide, comme les gaz d’éjection d’une fusée. Mais supposez qu’un vaisseau vous suive, ici… » Brennan projeta des images sur l’écran : deux petits vaisseaux, le second à cent cinquante kilomètres derrière le premier. Il étendit un large cône devant le vaisseau de tête, le faisant presque converger en un point derrière lui. Une aiguille avec le vaisseau en sa pointe – le bouclier de protection – introduisait l’hydrogène survenant dans une constriction en forme d’anneau.
« Vous êtes en train d’amasser du carburant pour lui. Son champ de compression n’est large que de cent cinquante kilomètres… » Brennan dessina un cône plus étroit. « … ce qui lui procure un meilleur contrôle sur son flux de carburant. Il est déjà chaud et dense. Il brûle mieux, en fusion d’un ordre plus élevé. Les gaz d’éjection doivent être riches en béryllium.
— C’est justement l’une des choses qu’ont pu essayer les Pak qui sont restés les derniers. Le vaisseau de tête ne serait rien d’autre qu’un compresseur : pas de carburant à bord, pas de moteur incorporé, pas de fret. Il faudrait le remorquer jusqu’à la vitesse de statoréaction. Le vaisseau qui suit est plus lourd, mais a une poussée plus grande.
— Vous pensez que c’est ce qui nous attend ?
— C’est possible. Il y a d’autres hypothèses. Deux vaisseaux autonomes, maintenus ensemble par un générateur de pesanteur et qui, au moment décisif, pourraient se séparer. Ou bien le vaisseau de tête étant le vaisseau proprement dit, le vaisseau arrière qu’un simple dispositif de postcombustion. De toute façon, je pourrai les trouver. Ils produiront des fréquences de béryllium comme une enseigne au néon dans le ciel. Tout ce qui me reste à faire est de construire le détecteur.
— Besoin d’aide ?
— Peut-être. Allez dormir. Dans un mois, nous procéderons à un nouvel exercice de tir simulé. »
Roy s’immobilisa sur le seuil. « Aussi long ?
— Rien que pour vous maintenir en forme. Vous êtes parfaitement prêt. Mais faites davantage attention à ce projecteur électromagnétique. Lorsque vous vous réveillerez, je vous montrerai ce que les éclaireurs Pak lui ont fait.
— Ce que vous lui avez fait.
— Ce qu’ils auraient fait. Allez dormir. »
Brennan ne bougea pas de l’atelier de mécanique pendant trois jours. S’il dormit, il dormit là. Et ce fut là qu’il avala ses repas. Comme il y faisait un bruit infernal, une vibration bourdonnante ébranlait le rocher du Hollandais Volant .
Roy lut deux vieux romans mémorisés dans l’ordinateur. Flottant dans les cavernes et les couloirs de roche nue, il était oppressé par la sensation d’être devenu un troglodyte. Aussi s’entraîna-t-il jusqu’à épuisement dans la salle de culture physique. La chute libre lui avait coûté un peu de tonicité musculaire. Il fallait remédier à cela.
Après des recherches sur Wunderland, il trouva à peu près les renseignements qu’il prévoyait.
G : 61 p. cent.
Population : 1024 000 habitants.
Zone colonisée : 7 500 000 kilomètres carrés.
Ville principale : Munchen, avec 600 habitants.
Adieu, vie citadine ! Mais en y réfléchissant, Munchen ressemblerait probablement à New York quand il y arriverait.
Le quatrième jour, il s’aperçut que l’atelier était silencieux ; il y découvrit Brennan apparemment endormi. Il allait repartir quand Brennan ouvrit les yeux et se mit à parler.
« Vous comptez trop sur ces longs virages lents, dit-il. Pour esquiver les armes Pak, le bon moyen est de faire varier votre poussée. Ne cessez pas d’ouvrir et de fermer la constriction dans le champ de compression. Lorsqu’ils lancent quelque chose comme une impulsion de laser dans la constriction, ouvrez-la. Rien ne risque de provoquer une fusion si vous ne comprimez pas assez le plasma. »
Roy ne s’énerva pas. Il commençait à s’habituer au fait que Brennan revenait souvent sur des sujets qui avaient paru épuisés lors de discussions précédentes. Il se borna à dire : « Ce dernier vaisseau aurait pu le faire lorsque je lui ai lancé du radon.
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