Vernor Vinge - Un feu sur l'abîme

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Un feu sur l'abîme: краткое содержание, описание и аннотация

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Un feu sur l’abîme Une expédition straumlienne, explorant une Archive dans la presque Transcendance, a déchaîné une Perversion sur la galaxie entière. Un unique navire est parvenu à fuir dans la nuit épouvantable. À travers l’espace, il fonce vers le centre de la galaxie, vers Les Lenteurs où l’on ne peut pas dépasser la vitesse de la lumière, où les systèmes informatiques les plus performants — même les si lentes intelligences biologiques — subissent une perte de leurs facultés. Il cherche un monde où se poser.
Les deux seuls survivants de l’expédition détiennent sans le savoir la clé du salut de millions de civilisations, dont certaines sont bien plus anciennes que l’humanité : ce sont deux enfants, Johanna et Jefri, abandonnés à eux-mêmes sur un monde médiéval, dont les conflits et les cruautés ne le cèdent en rien à ceux de la galaxie.
Et ceux qui voudraient les aider, et sauver du même coup la galaxie civilisée, se trouvent encore à des milliers d’années-lumière…
Un feu sur l’abîme

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Ravna éprouvait une légère sensation d’anesthésie euphorique tandis que les trois autres parlaient boutique. Elle sourit intérieurement. C’était elle, à présent, qui se sentait étrangère, elle qui manquait d’expérience. Coquille Bleue et Tige Verte étaient allés partout, et certains de leurs récits étaient particulièrement exotiques, même pour elle. Ravna avait une théorie (pas tellement acceptée, au demeurant) selon laquelle chaque fois que des êtres qui se rencontrent ont un langage quelconque en commun, le reste importe peu. Deux de ses compagnons pouvaient ressembler à des arbustes en pot montés sur des chariots à moteur, et le troisième, bien qu’humain, être différent de tous ceux qu’elle avait jamais côtoyés dans sa vie, ils pouvaient s’exprimer dans un langage artificiel, avec des chuintements et des sifflements étranges, il n’en restait pas moins qu’au bout de quelques minutes, leur personnalité était devenue, dans son esprit, plus attachante que celle de certains de ses amis d’enfance, et pas tellement différente. Les deux Cavaliers des Skrodes étaient des partenaires sexuels. Elle n’aurait jamais cru que cela pût avoir de l’importance. Chez les Cavaliers, le sexe se résumait à peu près à être voisins de palier à la bonne époque de l’année. Pourtant, elle décelait chez eux une tendresse profonde. Tige Verte, en particulier, semblait doté d’une personnalité sensible. Il (ou elle ?) était timide, et cependant volontaire, avec un sens de l’honnêteté qui, chez un trafiquant, pouvait représenter un gros handicap. Mais Coquille Bleue compensait largement ce défaut. Il (ou elle) pouvait se montrer loquace, volubile, capable de manœuvrer dans son propre intérêt. Derrière tout cela, Ravna sentait quelqu’un d’impulsif, mal à l’aise dans sa propre duplicité, soulagé, en fin de compte, que Tige Verte soit là pour le rappeler à l’ordre.

Et Pham Nuwen ? Comment le voyait-elle de l’intérieur ?

Curieusement, il représentait pour elle un mystère bien plus épais. Le frimeur imbu de sa personne avec qui elle avait passé l’après-midi était devenu ce soir presque invisible. C’était peut-être une manière pour lui de dissimuler son sentiment d’insécurité. Il était né dans une culture dominée par le mâle, pratiquement à l’opposé du matriarcat d’où toute l’humanité de l’En delà descendait. Sous son arrogance, il y avait peut-être quelqu’un de très doux. Mais il y avait aussi la manière dont il avait fait face à l’humanoïde aux mâchoires en lame de rasoir. Et celle dont il menait en ce moment les Cavaliers des Skrodes là où il le voulait. Elle s’avisa que, après toute une vie passée à lire des romans d’aventures, elle était peut-être tombée sur son premier héros.

Il était deux heures et demie du matin lorsqu’ils quittèrent la Société des Errants. Le soleil allait se lever sur l’horizon courbe dans moins de cinq heures. Les deux Cavaliers des Skrodes les accompagnèrent sur le seuil. Coquille Bleue s’était remis à parler samnorsk pour la régaler d’une histoire sur sa dernière visite à Sjandra Kei et pour lui rappeler de poser la question sur le vaisseau fugitif.

Les Cavaliers des Skrodes devinrent deux petits points au-dessous d’eux tandis que Ravna et Pham s’élevaient dans l’atmosphère légère pour se diriger vers les tours résidentielles.

Les deux humains n’échangèrent aucune parole durant deux ou trois minutes. Pham était peut-être impressionné par le spectacle qu’il avait sous les yeux. Ils survolaient des espaces vides entre les Docks illuminés, à travers lesquels ils voyaient les parcs et les esplanades de la Surface, à mille kilomètres sous eux. Les nuages étaient des tourbillons noirs sur fond noir.

La résidence de Ravna se trouvait en bordure des Docks, à un endroit où les fontaines à air ne servaient à rien. La tour où elle avait son appartement s’élevait dans le vide total. Ils se laissèrent descendre jusqu’à son balcon, troquant l’atmosphère de leur combinaison contre celle de l’appartement. Les lèvres de Ravna étaient animées d’une vie autonome, expliquant que la résidence lui avait été attribuée quand elle travaillait encore à l’archive, et que ce n’était rien en comparaison de son nouveau bureau. Pham Nuwen hochait la tête d’un air impassible. Ses remarques spirituelles du début avaient totalement cessé.

Elle continua de bavarder sur le même ton jusqu’à ce qu’ils fussent à l’intérieur et que…

Ils se regardèrent en silence. D’une certaine manière, elle voulait ce clown depuis l’instant où elle l’avait vu pour la première fois dans la ridicule animation de Grondr. Mais ce n’était que tout à l’heure, à la Société des Errants, qu’elle avait jugé convenable de le ramener chez elle.

— Bon, eh bien… euh…

Et alors, ma petite Ravna, la princesse vorace, où est passée ta langue à présent ?

Elle adopta le compromis de poser sa main sur la sienne. Pham Nuwen lui sourit, timide lui aussi, par toutes les Puissances !

— C’est agréable, ici, dit-il.

— La décoration est techno-primitive. La situation, au bout des Docks, a ses avantages. La vue naturelle n’est pas trop gâchée par les lumières de la ville. Venez, je vais vous montrer.

Elle baissa les lumières et écarta les rideaux. La fenêtre était une simple transparence naturelle, à l’extrémité des Docks. Normalement, le spectacle, ce soir, devait être grandiose. Le ciel était déjà très noir quand elle était rentrée de la Compagnie. Les usines du système devaient être à l’arrêt ou cachées derrière la Surface. Même la circulation des vaisseaux semblait réduite.

Elle retourna près de Pham. La fenêtre était un vague rectangle dans sa vision.

— Il faut au moins une minute pour que les yeux s’habituent, dit-elle. Il n’y a aucune amplification.

La courbe de la Surface était à présent très claire. Les nuages étaient parsemés de paillettes de lumière. Elle glissa le bras contre son dos et sentit le sien, quelques instants plus tard, sur son épaule.

Elle ne s’était pas trompée. Ce soir, la Galaxie était maîtresse du ciel. C’était un spectacle que les anciens de Vrinimi ignoraient souverainement. Pour elle, c’était la plus belle chose que le Relais avait à offrir. Sans amplification, la lumière était d’une douceur extrême. Vingt mille années-lumière, c’était loin, très loin. Au début, on ne voyait qu’une sorte de brouillard, puis une étoile par-ci, par-là. À mesure que l’œil s’adaptait, le brouillard prenait forme, des courbes apparaissaient, puis des concentrations de lumière ou d’ombre. Une minute plus tard, il y avait des coalescences et des traînées d’un noir absolu qui séparaient les différents bras courbes. Complexités sur complexités, spiralant vers le moyeu pâle qui était le Cœur. Maelström. Tourbillon. Figé, immobile en travers de la moitié du ciel.

Elle entendit la respiration de Pham bloquée dans sa poitrine. Il prononça quelques syllabes chantantes qui n’étaient ni du trisk ni du samnorsk.

— J’ai vécu toute ma vie sur l’un de ces grains de poussière, et je me prenais pour le maître de l’espace. Je n’aurais jamais cru qu’un jour mes yeux embrasseraient ce spectacle béni.

Il lui serra l’épaule, et sa main lui caressa doucement la nuque.

— Il n’y a aucun moyen, même en regardant longtemps, de distinguer les Zones ?

Elle secoua lentement la tête.

— Mais elles sont faciles à imaginer.

De sa main libre, elle fit un geste vaste. En gros, les Zones de Pensée suivaient la répartition de masse de la Galaxie. Les Profondeurs Inconscientes s’étendaient jusqu’au doux éclat du Cœur galactique. Plus loin étaient les Lenteurs Profondes, où l’humanité était née, où l’ultralumière n’existait pas et où des civilisations naissaient et mouraient, ignorantes et inconnues des autres. Puis il y avait l’En delà, les étoiles aux quatre cinquièmes du centre environ, qui étaient loin du plan et qui comprenaient des endroits comme le Relais. Le Réseau Connu existait sous une forme ou sous une autre depuis des milliards d’années dans l’En delà. Ce n’était pas une civilisation. Peu de civilisations duraient plus d’un million d’années. Mais les archives du passé étaient assez complètes, et quelquefois intelligibles. Le plus souvent, pour les déchiffrer, il fallait faire des traductions de traductions de traductions, transmises d’une race défunte à l’autre sans personne pour corroborer, pis que n’importe quel message réseau multisauts. Et pourtant, certaines choses ne laissaient planer aucun doute. Les Zones de Pensée avaient toujours existé, même si elles étaient un peu plus tournées vers elles-mêmes à l’époque actuelle. La guerre et la paix avaient toujours existé, et les races avaient toujours surgi des Lenteurs Profondes, formant des milliers de petits empires. Les races s’étaient toujours dirigées vers la Transcendance, pour devenir des Puissances… ou bien leurs proies.

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