Terry Pratchett - Mortimer

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Mortimer: краткое содержание, описание и аннотация

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Morty traverse les champs en courant ; il mouline des bras et s’égosille comme un beau diable. Non. Même ça, même effrayer les oiseaux pillards, il n’est pas fichu de s’en tirer proprement.
Son père, au désespoir, l’observe depuis le muret de pierres.
« Il manque pas de coeur, fait-il à l’oncle Hamesh.
— Ah, dame, c’est le reste qu’il a pas. »
Et pourtant un destin hors du commun attend Mortimer. Car à la foire à l’embauche, LA MORT l’emporte sur son cheval Bigadin.
Il faut dire que LA MORT a décidé de faire la vie ; et l’assistance d’un commis dans son labeur quotidien lui permettrait des loisirs. Mais... est-ce bien raisonnable ?
Avec, comme toujours, un scénario qui décoiffe, une distribution prestigieuse et, peut-être, peut-être, une exceptionnelle apparition de l’illustre Rincevent.

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« Toi, on te permet de sortir, dit-elle. Toi, tu n’es pas arrivé depuis assez longtemps pour avoir fait attention. Le temps s’arrête, ici, tu n’as pas remarqué ? Oh, il y a bien quelque chose qui passe, mais ce n’est pas le vrai temps. Il ne sait pas le créer, le vrai temps.

— Oh. »

Lorsqu’elle reprit la parole, ce fut de la voix calme et surtout courageuse de qui s’est ressaisi contre vents et marées mais pourrait flancher à nouveau à tout instant.

« Ça fait trente-cinq ans que j’en ai seize.

— Oh ?

— C’était déjà dur la première année. »

Morty se repassa ses dernières semaines dans la tête et opina, d’accord avec la jeune fille.

« C’est pour ça que vous avez lu tous ces livres ? » demanda-t-il.

Ysabell baissa les yeux et d’un orteil sandalé joua avec le gravier, l’air gênée.

« Ils sont très romanesques, dit-elle. Certaines histoires sont très jolies. Il y a une jeune fille qui a bu du poison quand son petit ami est mort, une autre qui a sauté du haut d’une falaise parce que son père voulait à tout prix la marier à un vieillard, et encore une qui a préféré se noyer plutôt que de subir…»

Morty écoutait avec surprise. À en croire les lectures soigneusement choisies d’Ysabell, les femmes du Disque avaient peu de chances de survivre assez longtemps à l’adolescence pour user une paire de bas.

«… elle a cru qu’il était mort, alors elle s’est suicidée, puis il s’est réveillé et cette fois il s’est tué pour de bon, puis il y a une fille…»

Le bon sens laissait supposer que quelques femmes au moins atteignaient la trentaine sans mettre fin à leurs jours par amour, mais le bon sens n’avait pas l’air de jouer ne serait-ce qu’un rôle de figurant dans ces drames-là [6] Les plus grands amants du Disque furent sans conteste Mellius et Grételina, dont l’aventure pure, passionnée et déchirante aurait marqué au fer les pages de l’Histoire si un caprice du sort n’avait inexplicablement voulu qu’ils naissent à deux siècles de distance sur des continents différents. Les dieux eurent cependant pitié d’eux et les changèrent, lui en table à repasser [12] et elle en petit bollard de cuivre. . Morty savait déjà que l’amour donnait chaud et froid, qu’il rendait cruel et faible, mais il n’avait jamais pensé qu’il pouvait rendre idiot.

«… traversait la rivière toutes les nuits à la nage, mais une nuit, il y a eu une tempête, et quand elle a vu qu’il n’arrivait pas, elle…»

Morty sentait d’instinct que certains jeunes couples devaient faire connaissance, disons, dans un bal de village, qu’ils s’entendaient bien, sortaient ensemble un ou deux ans, se disputaient de temps en temps, se rabibochaient, se mariaient et ne se suicidaient jamais.

Il prit conscience que la litanie des amours maudites tirait à sa fin. « Oh, dit-il faiblement. Ça se passe jamais bien, alors, avec personne ?

— Aimer, c’est souffrir, fit Ysabell. Faut qu’il y ait de la passion et du tragique.

— Ah bon ?

— Absolument. Et de l’angoisse. »

Ysabell parut se rappeler un détail.

« Tu n’as pas parlé de quelque chose qui battait de l’aile ? » demanda-t-elle de la voix tendue de celle qui se reprend.

Morty réfléchit. « Non, répondit-il.

— Je ne faisais pas beaucoup attention, je le crains.

— Ç’a pas d’importance. »

Ils revinrent tranquillement à la maison, en silence.

Morty repassa au cabinet et vit que la Mort était parti, mais qu’il avait laissé quatre sabliers sur son bureau. Le grand livre de cuir reposait sur un lutrin, solidement verrouillé.

Un mot était coincé sous les sabliers.

L’apprenti s’attendait à une écriture gothique, voire anguleuse comme sur les pierres tombales, mais la Mort avait en fait étudié un ouvrage de référence sur la graphologie avant de se donner un style, et il avait adopté une calligraphie qui dénotait une personnalité équilibrée, bien dans sa « peau ».

Le mot disait :

Suis party à la pesche. Tu as une exécution à Pseudopolis, une mort nasturelle à Krull, une chute faytale dans les montagnes de Caraque, une fyèvre à Ell-Kinte. Le reste de la journée t’appartyent.

* * *

Pour Morty, l’Histoire brassait l’air comme une haussière en fil d’acier dont la tension s’est relâchée, elle vibrait d’avant en arrière dans la réalité, en de grands balayages destructeurs.

L’histoire n’est pas comme ça. L’Histoire se dénoue en douceur, comme un vieux pull. Maintes fois reprisée et rapiécée, retricotée aux mesures de gens de toutes sortes, fourrée dans une boîte sous l’évier de la censure avant d’être débitée en chiffons à poussière de la propagande, elle finit pourtant toujours par reprendre sa forme première. L’Histoire a pour habitude de changer ceux qui s’imaginent la changer, elle. L’Histoire garde toujours quelques tours en réserve dans sa manche effilochée. Elle n’est pas née d’hier.

Voici ce qui se passait :

Le malencontreux coup de faux de Morty avait divisé l’Histoire en deux réalités distinctes. Dans la cité de Sto Lat, Kéli continuait de régner, au prix d’un certain nombre de difficultés et grâce à l’aide permanente de l’Identificateur Royal qui émargeait à la cour pour rappeler à tous qu’elle existait. Mais partout ailleurs – au-delà des plaines, dans les montagnes du Bélier, autour de la mer Circulaire et jusqu’au Bord –, la réalité traditionnelle maintenait toujours son emprise ; la princesse y était indubitablement morte, le duc était roi et le monde allait son bonhomme de chemin selon le plan prévu, s’il y en avait un.

En fait, les deux réalités étaient vraies.

L’espèce de zone de partage de l’Histoire se trouvait pour l’instant à une trentaine de kilomètres de la ville et n’était pas encore très visible. Ceci parce que la… appelons ça la différence de pressions historiques, n’était pas encore très importante. Mais elle s’accroissait. Au loin dans les champs de choux, l’air chatoyait et grésillait légèrement, comme si on y grillait des sauterelles.

On ne modifie pas plus l’Histoire que les oiseaux le ciel, on n’y décrit qu’un bref parcours. Centimètre après centimètre, aussi implacable qu’un glacier et beaucoup plus froide, la vraie réalité grignotait son retour à Sto Lat.

* * *

Morty fut le premier à remarquer le phénomène.

L’après-midi avait été long. L’alpiniste s’était accroché à sa prise de glace jusqu’à la dernière seconde et l’exécuté avait traité Morty de laquais de la monarchie. Seule la vieille dame de cent trois ans, qui s’était éteinte entourée de ses proches affligés, lui avait souri et trouvé la mine un peu pâlichonne.

Le soleil du Disque était bas sur l’horizon lorsque Bigadin arriva au petit galop, fourbu, dans le ciel de Sto Lat. Morty baissa les yeux et aperçut la zone de démarcation de la réalité. Elle s’incurvait en dessous de lui, croissant de légère brume argentée. Il ignorait de quoi il s’agissait, mais il eut le mauvais pressentiment que ça le concernait.

Il ralentit le cheval et le laissa paisiblement descendre au trot vers la terre ferme pour se poser à quelques foulées derrière la paroi d’air irisé. Celle-ci se déplaçait un peu moins vite qu’au pas ; elle sifflait doucement au fil de son avance fantomatique dans les champs de choux mornes et humides et les rigoles d’assèchement gelées.

La nuit était froide, de ces nuits où le gel et le brouillard luttent pour le pouvoir, où le moindre son est assourdi. Le souffle de Bigadin formait des fontaines de buée dans l’air immobile. Il hennit mollement, presque en s’excusant, et piaffa.

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