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George Martin: Le Donjon Rouge

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George Martin Le Donjon Rouge
  • Название:
    Le Donjon Rouge
  • Автор:
  • Издательство:
    Pygmalion
  • Жанр:
  • Год:
    1999
  • Город:
    Paris
  • Язык:
    Французский
  • ISBN:
    2-85704-569-7
  • Рейтинг книги:
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Comment Lord Eddard Stark, seigneur de Winterfell, Main du Roi, gravement blessé par traîtrise, et par la même plus que jamais à la merci de la perfidie de la reine Cersei ou des imprévisibles caprices du despotique Roi Robert, aurait-il une chance d’échapper à la nasse tissée dans l’ombre pour l’abattre ? Comment, armé de sa seule et inébranlable loyauté, cerné de toutes parts par d’abominables intrigues, pourrait-il à la fois survivre, sauvegarder les siens et assurer la pérennité du royaume ? Comment ne serait-il pas voué à être finalement broyé dans un engrenage infernal, alors que Catelyn, son épouse, a mis le feu aux poudres en s’emparant du diabolique nain Tyrion, le frère de la reine ? Si les hautes figures, les personnages émouvants et les monstres sadiques conservent dans LE DONJON ROUGE la place de choix qu’ils occupaient dans LE TRÔNE DE FER, ce sont surtout les femmes qui tiennent cette fois les premiers rôles : lionnes ou louves, amantes, épouses ou mères, jeunes filles en fleur innocentes ou rebelles, elles réservent à leurs seigneurs et maîtres, censés pourtant dominer la partie, les plus suaves et déchirantes surprises…

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George R.R. Martin

Le Donjon rouge

Pour Melinda

DAENERYS

Deux gigantesques étalons de bronze cabrés dont les sabots se joignaient en ogive à cent pieds au-dessus de la route formaient la porte du Cheval de Vaes Dothrak. Une porte, à quoi bon ? s’interrogeait vainement Daenerys, puisqu’aussi bien la cité présumée n’avait pas de remparts… ni, apparemment, d’édifices. La porte ne s’en dressait pas moins là. Aussi belle qu’impressionnante, avec ses coursiers sous lesquels s’encadraient les montagnes pourpres de l’horizon, et dont les ombres prodigieuses roulaient sur la houle verte de la mer Dothrak, tandis qu’à la tête du khalasar , Khal Drogo, ses sang-coureurs à ses côtés, pénétrait dans la ville absente.

A nouveau monté, Viserys suivait, escortant sa sœur et ser Jorah Mormont. Depuis le jour où il s’était vu contraint de rejoindre à pied le khalasar , les Dothrakis l’avaient affublé du surnom dérisoire de Khal Rhae Mhar, « le roi claudicant ». Le lendemain, son ignorance obstinée lui fit accepter l’offre de prendre place dans une carriole, alors qu’on réservait ce genre de véhicules aux eunuques, aux infirmes, aux femmes en couches, aux grands vieillards et aux tout-petits. Il y gagna simplement le sobriquet supplémentaire de Khal Rhaggat, « le roi charrié ». Loin de se douter néanmoins qu’il se gaussait de lui, il se persuada que Drogo s’excusait par ce biais des avanies infligées par Daenerys. Cette dernière l’ayant prié d’épargner à son frère la honte de la vérité, ser Jorah s’inclina…, non sans observer qu’un rien de vergogne serait bienvenu. Mais, pour vaincre ensuite la répugnance du khal à laisser Viserys recouvrer son rang dans le cortège, elle avait dû maintes fois plaider, tout en prodiguant chacun des secrets d’alcôve appris de Doreah.

« Où est donc la ville ? » s’étonna-t-elle, comme on franchissait l’arche de bronze. Bordée d’antiques rapportés de toutes les contrées pillées au cours des siècles par les Dothrakis, la route plongeait dans les vagues vertes sans révéler le moindre habitat ni la moindre population.

« Plus loin, répondit ser Jorah. Au bas de la montagne. »

Par-delà la porte se discernaient, de part et d’autre, héros dérobés, dieux ravis. Les divinités oubliées de cités défuntes brandissaient vers le ciel leurs foudres mutilées. Du haut de leur trône, des rois de pierre aux traits tavelés, rongés, que la nuit des temps condamnait à l’anonymat regardaient passer la khaleesi sur son argenté. Aux linteaux de marbre dansaient toujours de gracieuses vierges, mais les urnes des choéphores ne déversaient plus que le vent. De-ci de-là se dressaient des monstres, à même l’herbe : noirs dragons de fer à l’orbite sertie de joyaux, griffons rugissants, mantricores tous dards dehors, et cent autres fauves innommables. De certaines statues émanait un charme inouï, d’autres se signalaient par une si terrifiante hideur qu’à peine le regard osait-il s’y poser. Selon ser Jorah, les secondes devaient provenir des Contrées de l’Ombre, au-delà d’Asshai.

« Tant de monuments, s’émerveilla Daenerys, tandis que sa pouliche ondoyait au pas, et de tant de pays… » Son frère se voulait moins impressionné. « Babioles de cités mortes », ricana-t-il. Bien qu’il exprimât prudemment ses mépris dans l’idiome des Sept Couronnes, incompréhensible à la plupart des Dothrakis, Daenerys se surprit à décocher un coup d’œil furtif vers les gens de son khas, derrière, afin de s’assurer que nul n’ait entendu. Il reprit, goguenard : « Le seul art dans lequel ces sauvages excellent est celui de dépouiller les peuples plus civilisés… et de tuer. » Il se mit à rire. « Ça, pour tuer, ils savent s’y prendre. Et c’est le seul intérêt qu’ils aient à mes yeux.

— Ils sont mon peuple, désormais, protesta-t-elle. Tu ne devrais pas les qualifier de sauvages, frère.

— Le dragon parle comme il veut », répliqua-t-il, toujours dans la même langue. Puis, lorgnant par-dessus l’épaule Aggo et Rakharo qui les talonnaient, il leur adressa un sourire narquois. « Tu vois ? des sauvages ! même pas capables de comprendre le langage des êtres civilisés. » Sur le bas-côté, il avisa d’un air maussade un monolithe rouillé de lichens et haut de cinquante pieds. « Nous faudra-t-il encore longtemps bringuebaler parmi ces ruines avant que Drogo me donne mon armée ? Je commence à en avoir assez d’attendre !

— Il doit d’abord présenter la princesse au dosh khaleen et…

— Leur rond de commères, je sais ! coupa Viserys, puis la pitrerie des prophéties sur le marmot, vous m’avez dit ça. Mais qu’en ai-je à fiche, moi ? Moi, j’en ai marre de bouffer du cheval, et la puanteur de ces sauvages me lève le cœur ! » Il renifla la large manche flottante de sa tunique où il avait imaginé de dissimuler un sachet de senteur. Piètre subterfuge, en l’occurrence, vu la crasse de son vêtement… Toutes les soieries, tous les gros lainages qu’il traînait sur lui depuis Pentos, le rude voyage les avait souillés, la sueur pourris.

« Le marché de l’Ouest fournira des mets plus au gré de Votre Majesté, dit ser Jorah d’un ton conciliant. Les négociants des cités libres y viennent vendre leurs produits. Quant au khal, il vous tiendra parole à son heure.

— Il y a tout intérêt, maugréa Viserys. La couronne qui m’est promise, j’entends l’obtenir. On ne moque pas le dragon. » Apercevant une espèce de figure féminine obscène équipée de six mamelles et d’une tête de furet, il s’écarta de la chaussée pour aller l’examiner de plus près.

Malgré le soulagement que lui procura cette absence momentanée, Daenerys n’en demeurait pas moins anxieuse. « Les dieux veuillent, reprit-elle dès qu’il se fut suffisamment éloigné, que le soleil étoilé de ma vie ne le fasse pas trop languir. Je ne cesse de les en prier. »

Une moue sceptique lui répliqua. « Votre frère eût été mieux inspiré de rester à Pentos pour ronger son frein. Il n’a pas sa place au khalasar. Illyrio l’en avait bien prévenu, pourtant…

— Il repartira dès l’instant où il tiendra ses dix mille hommes. Mon seigneur et maître lui a promis une couronne d’or. »

Ser Jorah fit entendre un grognement. « Certes, Khaleesi…, mais les Dothrakis conçoivent ce genre de choses tout autrement que nous autres, gens de l’ouest. Je m’échine à l’en avertir, tout comme l’a fait Illyrio, mais il refuse d’écouter. Les seigneurs du cheval sont tout sauf des commerçants. Du moment qu’il vous a vendue, Viserys croit pouvoir exiger d’ores et déjà qu’on lui paie le prix convenu. Or Khal Drogo, lui, vous considère comme un cadeau. Il ne manquera pas de répliquer par un cadeau, sûr et certain…, mais, je le répète, à son heure. D’un khal , nul ne saurait exiger de cadeau. Rien ne se réclame à un khal.

— Il n’est pas juste de le lanterner. » Elle prenait, sans savoir pourquoi, le parti de son frère. « Il se fait fort de balayer les Sept Couronnes avec dix mille “gueulards” dothrak. »

Un reniflement de dédain salua l’assertion. « Eût-il dix mille balais de bruyère qu’il ne balaierait pas même une étable. »

Daenerys ne se soucia pas d’affecter la surprise. « Cependant, dit-elle, que se passerait-il si un autre que lui les menait ? quelqu’un de… – de plus énergique ? Les Dothrakis seraient-ils alors vraiment capables de reconquérir le royaume ? »

Tandis que leurs chevaux remontaient côte à côte l’avenue aux déités, la réflexion fronça les traits de ser Jorah. « Dans les premiers temps de mon exil, je ne voyais en eux que des barbares à demi nus, aussi frustes que leurs montures. Vous m’auriez posé la même question à cette époque-là, princesse, je vous aurais dit qu’un millier de bons chevaliers suffiraient à en mettre en fuite cent mille.

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