George Martin - Les Brigands

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A Winterfell, des hommes de toutes conditions, révoltés par les horreurs de la guerre civile, ont décidé de récuser les divers prétendants au trône pour ne se consacrer, les armes à la main, qu’à la défense des petites gens. On les appelle les Brigands.
A Vivesaigues, que tente de gagner Arya pour retrouver sa mère, à Peyredragon, où Davos, réchappé par miracle d’un désastre guerrier, a décidé d’assassiner Melisandre, ou bien à Port-Réal, où s’apprêtent les noces de Joffrey, règne le chaos. Les tentatives d’assassinat, les meurtres, les prises d’otage et les plus noires intrigues se succèdent en cascade. Qui l’emportera finalement ?
Dans ce nouvel et fracassant ouvrage, George R.R. Martin poursuit sa foisonnante saga où entre maintenant en scène des monstres terrifiants, esclaves de forces maléfiques qui n’ont qu’un but sur terre : éradiquer toute trace d’humanité.

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« Edmure, dit-elle, alarmée, tu as l’air souffrant. Est-il arrivé quelque chose ? Les Lannister ont-ils traversé la rivière ?

— Je les ai repoussés. Lord Tywin, Gregor Clegane, Addam Marpheux, je les ai tous flanqués dehors. Seulement, Stannis… » Il grimaça.

— Stannis ? Quoi, Stannis ?

— Il a perdu la bataille de Port-Réal, dit Edmure d’un ton chagrin. Sa flotte a été brûlée, son armée mise en déroute. »

Si c’était une fâcheuse nouvelle, en effet, qu’une victoire Lannister, Catelyn ne parvenait cependant pas à partager l’évident désarroi de son frère. Elle voyait encore dans ses cauchemars se profiler l’ombre sur la tente et jaillir au travers du gorgeret d’acier le sang de Renly. « Stannis n’était pas plus de nos amis que lord Tywin.

— Tu ne comprends pas. Hautjardin s’est déclaré partisan de Joffrey. Dorne aussi. Tout le sud. » Sa bouche s’amincit. « Et tu juges bon, toi, de relâcher le Régicide. Tu n’en avais pas le droit.

— J’avais mes droits de mère. » Elle parlait d’une voix calme, en dépit du coup terrible que le revirement de Hautjardin portait aux espoirs de Robb. Mais elle ne pouvait s’appesantir là-dessus pour l’instant.

— Aucun droit, martela Edmure. Il était le prisonnier de Robb, le prisonnier de ton roi, et Robb m’avait chargé de sa sauvegarde.

— Brienne se chargera de sa sauvegarde. Elle me l’a juré sur son épée.

— Cette bonne femme ?

— Après avoir remis Jaime à son frère, elle nous ramènera de Port-Réal Arya et Sansa saines et sauves.

— Cersei ne les lâchera jamais.

— Pas Cersei. Tyrion. Il en a fait serment, en présence de toute la Cour. Et le Régicide l’a juré aussi.

— La parole de Jaime ne vaut pas un sol. Quant au Lutin, la rumeur prétend qu’il a écopé d’une hache en plein crâne durant la bataille. Il sera mort, d’ici que ta Brienne atteigne Port-Réal, si elle y parvient jamais.

— Mort ? » Les dieux pourraient-ils vraiment se montrer si impitoyables ? Elle avait fait jurer des centaines de serments à Jaime, mais c’était sur l’unique foi de son frère qu’elle avait fondé ses espoirs.

Edmure répondit en aveugle à sa détresse. « Jaime était sous ma responsabilité, et j’entends le récupérer. J’ai expédié des corbeaux…

— Des corbeaux à qui ? Combien ?

— Trois, dit-il, pour être sûr que le message arrive à lord Bolton. Qu’ils prennent par la route ou par la rivière pour se rendre de Vivesaigues à Port-Réal, les fugitifs passeront forcément dans les parages d’Harrenhal.

— D’Harrenhal. » Ce seul nom parut enténébrer la pièce. La terreur étranglait sa voix quand elle reprit : « Tu te rends compte, Edmure, de ce que tu as fait ?

— Ne crains rien, je n’ai pas mentionné ton rôle. J’ai écrit que Jaime s’était évadé, et j’ai offert mille dragons pour qu’on le reprenne. »

De pire en pire , songea-t-elle avec désespoir. Mon frère est un crétin. A son corps défendant, ses yeux s’emplirent de larmes importunes. « S’il s’agissait d’une évasion, susurra-t-elle, et non d’un échange d’otages, pourquoi les Lannister devraient-ils remettre mes filles à Brienne ?

— Jamais les choses n’en viendront là. Le Régicide nous sera rendu, j’ai fait ce qu’il fallait pour m’en assurer.

— Tu ne t’es assuré que d’une chose, c’est que jamais je ne reverrai mes filles. Brienne aurait pu ramener Jaime sain et sauf à Port-Réal… dans la mesure où personne ne les pourchassait. Mais maintenant… » Elle fut incapable d’achever. «Laisse-moi, Edmure. » Elle n’avait aucun droit de lui donner des ordres, ici, dans le château qui ne tarderait pas à lui appartenir, mais le ton était sans réplique. « Laisse-moi avec Père et avec mon chagrin, je n’ai rien de plus à te dire. Va. Va. » Elle n’avait qu’un seul désir, s’allonger, fermer les yeux, dormir – et, par pitié, dormir sans rêves.

ARYA

Le ciel était aussi noir que, derrière eux, les remparts d’Harrenhal, et la pluie qui tombait à verse avec un bruit soyeux leur ruisselait sur la figure et feutrait le martèlement des sabots.

Chevauchant droit au nord afin de s’éloigner au plus tôt du lac, ils suivaient un chemin de ferme creusé d’ornières qui, parmi les champs dévastés, menait dans les bois, franchissait des ruisseaux. En tête, Arya talonna son cheval volé pour qu’il adopte un petit trot vif jusqu’à ce que les arbres se soient refermés sur elle. Tourte et Gendry suivirent de leur mieux. Des loups hurlaient au loin, et le souffle oppressé de Tourte la talonnait. Nul ne pipait mot. De temps à autre, elle jetait un coup d’œil par-dessus l’épaule, tant pour s’assurer que les deux garçons ne se laissaient pas trop distancer que pour contrôler qu’on ne les poursuivait pas.

On le ferait, elle le savait. Ce n’était pas une bagatelle que d’avoir, en plus de trois montures, volé dans la loggia même de Roose Bolton une carte et un poignard puis égorgé la sentinelle de la poterne arrière en faisant mine de lui offrir la piécette en fer donnée par Jaqen H’ghar. On finirait par découvrir l’homme gisant dans sa mare de sang, et le haro serait immédiat. On éveillerait lord Bolton, et on constaterait, en fouillant Harrenhal des caves aux créneaux, la disparition de la carte et du poignard, ainsi que d’épées à l’armurerie, de pain et de fromage aux cuisines et, par-dessus le marché, d’un mitron, d’un apprenti forgeron et d’un échanson nommé Nan… ou Belette, ou Arry, selon la personne interrogée.

Le sire de Fort-Terreur ne se lancerait pas à leurs trousses en personne. Il resterait au lit, chair blafarde émaillée de sangsues, pour susurrer ses ordres avec sa suavité ordinaire. Il risquait de confier le soin de la chasse à son âme damnée, Walton, dit Jarret d’acier, en raison des jambières qui paraient invariablement ses pattes d’échassier. Voire à ce baveux de Varshé Hèvre et à ses reîtres, les soi-disant Braves Compaings ; que d’aucuns, mais toujours par-derrière, nommaient les Pitres Sanglants, voire les Ripatons, eu égard au goût de leur chef pour faire amputer des pieds et des mains les gens qui lui déplaisaient.

S’ils nous attrapent, il nous les fera trancher , songea-t-elle, et puis Roose Bolton se divertira de nous écorcher. Elle arborait encore sa tenue de page et, cousu sur son cœur, l’emblème de la maison Bolton, l’écorché de Fort-Terreur.

A chacun de ses regards en arrière, elle s’attendait presque à voir au loin des flots de torches se déverser par les portes d’Harrenhal ou parcourir les chemins de ronde, en haut de ses gigantesques murailles, mais rien de tel. Harrenhal persistait à dormir, à moins qu’il ne fût perdu dans les ténèbres ou dissimulé par les arbres.

En arrivant au premier ruisseau, Arya détourna son cheval du chemin pour lui faire emprunter le lit sinueux de l’eau pendant un quart de mille et ne l’en laissa finalement sortir que par une pente rocheuse. Ce stratagème, espérait-elle, dépisterait les chiens, si leurs poursuivants en menaient. D’ailleurs, c’eût été folie que de rester sur le chemin. La mort rôde sur le chemin, se dit-elle, la mort rôde sur tous les chemins.

Tourte et Gendry ne discutèrent pas sa décision. C’était elle qui avait la carte, après tout, et elle inspirait, semblait-il, à Tourte une trouille presque aussi intense, depuis qu’il avait vu le cadavre du garde, que leurs poursuivants éventuels. Tant mieux s’il a peur de moi, songea-t-elle. Ainsi fera-t-il ce que je lui dis, et non des bêtises.

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