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Robert Silverberg: Les Sorciers de Majipoor

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Robert Silverberg Les Sorciers de Majipoor

Les Sorciers de Majipoor: краткое содержание, описание и аннотация

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Sur Majipoor, planète géante, le pouvoir est partagé entre le Coronal qui représente, le Pontife qui administre, et la Dame des Rêves qui inspire dans leur sommeil les milliards d’humains et de membres d’autre espèces. A la mort d’un Pontife, le Coronal lui succède et nomme un nouveau Coronal. Jamais dans l’histoire multimillénaire de Majipoor, aucun n’a choisi son propre fils. Or, mille ans avant le règne de Lord Valentin, tandis que le Pontife Prankipin agonise, les ambitions attisent les passions. Prestimion est le candidat idéal bien qu’il n’ait pas été encore désigné par le Coronal en titre, Lord Confalume. Mais Confalume a un fils, Korsibar, d’autant de prestance que Prestimion. Et dont la soeur jumelle, la belle Thismet, est ambitieuse pour deux. Sous le règne pacifique et prospère de Prankipin, adepte des sciences occultes, oracles, mages et sorciers ont conquis la faveur des grands, puis de tout le peuple, embrumant les esprits et répandant le désir de connaître et de maîtriser l’avenir. La guerre qui s’annonce, dont personne ne veut, risque d’être aussi celle des ténèbres.

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Son esprit s’égara un moment dans le tourbillon effréné d’un désir impossible. Puis il s’entendit dire, très doucement, dans le creux de l’oreille délicate qui se trouvait à quelques centimètres de ses lèvres :

— Puis-je vous dire quelque chose, madame ?

— Allez-y, Svor.

— Si vous êtes véritablement dans notre camp, il me sera peut-être possible de vous offrir ma protection dans cet environnement hostile.

— Votre protection, Svor ?

Elle avait la tête tournée de l’autre côté, mais il eut l’impression qu’elle souriait.

— Quelle protection pourriez-vous m’offrir, reprit-elle, au milieu de tant de rudes combattants ?

Il préféra ne pas relever l’allusion.

— Je veux dire que vous auriez ma compagnie, madame, que vous ne seriez pas seule pour repousser ceux qui viendraient vous importuner. Voyez-vous à quoi je pense ?

Il tremblait comme un jouvenceau énamouré, lui qui avait fait son chemin dans la vie en conservant en toute occasion une vision claire et assurée des moyens à employer pour atteindre ses objectifs.

— Je dois vous avouer, madame, que, depuis mon arrivée au Château, j’éprouve pour vous l’amour le plus profond et le plus honorable…

— Non, Svor ! Vous aussi !

Ce n’était pas encourageant. Mais il insista, incapable de résister, sans essayer d’endiguer le flot de paroles qui montait à ses lèvres.

— Je n’ai jamais pu révéler mes sentiments, surtout après le froid qui a commencé à se développer entre votre frère et le prince. Mais, en toutes circonstances, je vous ai regardée avec un ravissement sans égal, le cœur débordant d’amour, avec le désir sincère, avide et dévorant de vous demander d’être mienne…

— À combien de femmes avant moi avez-vous déclaré un désir aussi sincère et avide, Svor ? demanda Thismet avec une surprenante douceur.

— Je ne parle pas seulement de désir, madame, mais de mariage. Et la réponse à votre question est : pas une seule.

Elle garda le silence pendant un moment qui sembla durer dix mille ans.

— Vous choisissez de fort étranges circonstances pour demander ma main, mon cher duc : serrés l’un contre l’autre sur le dos de cette monture, chevauchant dans ce lieu du bout du monde, entourés d’animaux sauvages qui grognent et s’ébrouent à n’en plus finir, moi en haillons, vous m’étreignant par-derrière. Farquanor, au moins, avait fait sa demande dans un cadre plus convenable.

— Farquanor ? lança Svor, horrifié.

— N’ayez pas d’inquiétude, Svor, je l’ai éconduit. Avec indignation, pour ne rien vous cacher. Je serai moins rude avec vous, car vous valez infiniment mieux que Farquanor. Mais vous n’êtes pas pour moi. J’ignore si cet homme existe, mais je sais, en tout cas, que ce n’est pas vous. N’en concevez pas d’amertume, Svor, et n’abordons plus jamais ce sujet.

— Comme vous voudrez, fit Svor, aussi stupéfait de l’audace qui l’avait poussé à ouvrir son cœur que de la douceur de la réponse de la princesse.

— Vous pouvez essayer avec Melithyrrh, reprit Thismet un peu plus tard. Maintenant que nous ne vivons plus à la cour, elle se sent très seule et elle pourrait accueillir favorablement vos avances. Je ne saurais dire si c’est d’un mari qu’elle a envie, mais il me paraît également douteux que vous cherchiez une épouse. Vous devriez, je pense, lui en toucher un mot.

— Merci pour cette suggestion, princesse.

— J’espère que vous réussirez, Svor. À votre avis, ajouta-t-elle un peu plus tard, comme si elle n’avez pas déjà posé la question, le prince Prestimion croira-t-il à la sincérité de mon repentir ?

Prestimion n’avait pas éprouvé un tel choc depuis le jour déjà lointain où il avait découvert en entrant dans la Cour des Trônes Korsibar sur le siège du Coronal, le front ceint de la couronne à la constellation. Thismet était dans le campement ? Elle demandait à être reçue sans délai dans sa tente, en tête à tête ?

Il lui semblait irréel qu’elle soit venue dans un endroit si écarté. Cette apparition qui s’offrait à ses regards devait être l’œuvre des sorciers. Mais non, elle était bien réelle, cela ne faisait aucun doute. Vêtue de guenilles. La chevelure ébouriffée. Sans aucun bijou, sans la plus petite trace de maquillage. Les traits tirés, le visage fatigué. Elle ressemblait beaucoup plus à une fille de cuisine qu’à la fille d’un souverain et la sœur d’un autre ; mais la grâce majestueuse qui émanait d’elle, les yeux ardents, les lèvres pleines, le modelé délicat du visage, tout lui disait qu’il s’agissait indéniablement de Thismet. Là, devant lui. À Gloyn, aussi invraisemblable que ce pût être.

— Il faut d’abord que je vous dise, monseigneur, que je porte une arme sur moi.

Elle releva sa manche déchirée, découvrant la gaine du poignard fixée à son bras. Elle la détacha et la lança à Svor d’un geste désinvolte.

— Il n’était destiné qu’à me défendre pendant le voyage, reprit Thismet. Je ne vous veux aucun mal, monseigneur. Je n’ai pas d’autre arme sur moi, ajouta-t-elle avec un sourire enjôleur qui fit courir des frissons par tout le corps de Prestimion. J’accepterai que l’on me fouille, si vous y tenez.

Mais autre chose que son comportement aguicheur avait retenu l’attention de Prestimion.

— À deux reprises, Thismet, vous m’avez appelé « monseigneur ». Que signifie ce titre dans votre bouche ?

— Ce qu’il signifie pour tout un chacun. La même chose que cela.

Sans cesser de sourire, les yeux plongés dans ceux de Prestimion, elle leva les deux mains pour former le symbole de la constellation.

— Vous refusez à votre frère le droit à la couronne, Thismet ? demanda-t-il lentement, après un silence.

— Du fond du cœur, monseigneur.

— Appelez-moi Prestimion, comme avant.

— Prestimion, soit. Comme avant.

Ses yeux étincelaient. Il avait l’impression de regarder des éclairs.

— Mais je vous reconnais pour Coronal de Majipoor. Ces imbéciles du Château, ces êtres stupides et vils, je me dégage de tout lien avec eux.

— Approchez, dit Prestimion.

— Ce serait peut-être une bonne idée de la fouiller d’abord, suggéra Svor, resté discrètement à l’écart.

— Crois-tu ? fit Prestimion en souriant. Tu penses à un autre poignard caché quelque part sur sa personne ?

— Venez, Prestimion, fouillez-moi ! lança Thismet, les yeux flamboyants. Qui sait, poursuivit-elle en posant la main entre ses seins, j’ai peut-être un second poignard caché ici ?… ou là ?

Elle plaça la main au bas de son ventre, les doigts écartés.

— Venez vérifier, monseigneur ! Voyez si je suis encore armée !

— Vous ne manquez assurément pas d’armes, fit Prestimion, et les endroits que vous montrez sont bien ceux où vous les portez. Et je ne doute pas d’être en grand danger. Puisque j’ai votre permission, Thismet, poursuivit-il en souriant, je crois que je vais faire une petite fouille.

— Monseigneur… souffla Svor.

— Silence, fit Prestimion. Mais dites-moi d’abord, poursuivit-il à l’adresse de Thismet, la véritable raison de votre présence.

— Eh bien, je suis venue conclure une alliance avec vous, répondit-elle sans détour, d’une voix d’où toute trace de coquetterie avait disparu. Il est vrai que j’ai voulu que Korsibar soit roi à votre place, non parce que je vous estimais indigne de le devenir, mais parce que j’étais avide de voir mon frère sur le trône. C’était une grave erreur et j’ai honte aujourd’hui du rôle que j’ai joué pour y parvenir. Korsibar est mon frère, j’ai encore pour lui l’amour d’une sœur, mais il n’aurait jamais dû être roi. Je le proclamerai de mon plein gré à la face du monde. En me tenant à vos côtés, Prestimion, et en saluant en vous le nouveau Coronal.

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