Gene Wolfe - La citadelle de l'Autarque

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La citadelle de l'Autarque: краткое содержание, описание и аннотация

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Alors que sa quête touche à sa fin, Sévérian se trouve pris au beau milieu des combats contre les rebelles asciens. Sévèrement blessé, il est contraint de se reposer et profite des récits narrés par ses compagnons d'infortune pour faire le point sur le chemin parcouru depuis son départ de la tour Matachine. Bientôt, la citadelle de l'Autarque sera en vue et nombre de secrets seront enfin dévoilés.

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— Oui, et alors ?

— Il me semble que tu pourrais être dans le même cas.

— Je ne te comprends pas, répondis-je.

— Tu parles comme si tu venais tout juste d’arriver du sud, et je suppose que c’est ce qu’il y a de plus prudent, si tu as fui ta légion. N’importe qui, cependant, peut s’apercevoir que c’est faux – on ne reçoit le genre de coupures que tu as partout que dans les endroits où l’on se bat. Tu as été touché par des éclats de roche. C’est bel et bien ce qui t’est arrivé, comme l’a remarqué d’emblée la pèlerine, le soir même de notre arrivée. C’est pourquoi je pense que tu te trouves dans le nord depuis plus longtemps que tu ne l’admets, plus peut-être que tu ne le crois toi-même. Si tu as tué beaucoup de gens, il peut t’être agréable de croire que tu détiens un procédé pour les ramener à la vie. »

Je m’efforçai de lui sourire. « Et où tu te situes, dans cette histoire ?

— Là où je suis présentement. Je n’essaie pas de nier ma dette envers toi. J’avais la fièvre, et tu m’as trouvé. Peut-être même délirais-je. Je pense plutôt que j’étais inconscient, et que c’est ce qui t’a fait croire que j’étais mort. Si tu ne m’avais pas amené jusqu’ici, je le serais probablement. »

Il voulut se lever ; je posai la main sur son bras pour l’arrêter. « Il y a un certain nombre de choses qu’il me faut te dire avant ton départ, lui dis-je. Des choses qui te concernent.

— Tu as dit ne pas savoir qui j’étais. »

Je secouai la tête. « Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit : je t’ai expliqué que je t’ai trouvé au milieu des bois, il y a deux jours. Au sens où tu l’entends, je ne sais pas qui tu es. Mais en un autre sens, je crois pouvoir le savoir. Je pense que tu es deux personnes à la fois, et que je connais l’une d’elles.

— Personne n’est deux personnes à la fois !

— C’est pourtant mon cas ; il y a deux personnes en moi. Peut-être y a-t-il beaucoup plus de gens doubles que nous ne nous en doutons. La première chose que je voulais te dire est cependant beaucoup plus simple ; écoute bien. » Je lui donnai les indications le plus détaillées possible pour lui permettre de retrouver la forêt où je l’avais découvert, et quand je fus certain qu’il avait bien compris, j’ajoutai : « Ton paquetage doit encore s’y trouver, ses courroies coupées, si bien que tu ne pourras pas t’y tromper. Une lettre était dedans. Je l’ai sortie, et l’ai lue en partie. Le nom de la personne à laquelle elle était adressée n’était pas mentionné ; mais si tu l’avais terminée, n’attendant qu’une occasion de l’envoyer, elle doit comporter au moins une partie de ton nom à la fin. Je l’ai posée sur le sol, un coup de vent l’a emportée et plaquée contre le tronc d’un arbre. Peut-être pourras-tu encore la trouver. »

Les traits de son visage s’étaient contractés. « Tu n’aurais pas dû la lire, et tu n’aurais pas dû la jeter.

— Je te croyais mort, souviens-toi. Et puis, ça s’était mis à tourner pas mal dans ma tête ; peut-être avais-je déjà la fièvre, je ne sais pas. Voici maintenant la deuxième chose que je voulais te dire. Tu ne me croiras pas, mais il est important que tu m’écoutes. Le feras-tu ? »

Il acquiesça.

« Bon. As-tu entendu parler des miroirs du père Inire ? Sais-tu comment ils fonctionnent ?

— J’ai entendu parler de son Miroir, mais je ne saurais seulement dire où. En principe on peut y entrer, comme on franchirait le seuil d’une porte, et on débouche sur une étoile. Je ne pense pas que ce soit vrai.

— Ces miroirs existent ; je les ai vus. Jusqu’à aujourd’hui, je m’en faisais à peu de chose près la même idée que toi – comme s’ils étaient des vaisseaux, mais beaucoup plus rapides. Mais maintenant, je n’en suis pas si sûr. Toujours est-il qu’un de mes amis s’est avancé entre ces miroirs et a disparu. Je le regardais. Ce n’était pas un tour de prestidigitation, ni de la superstition ; il est allé là où les miroirs conduisent. Il l’a fait parce qu’il aimait une certaine femme, et qu’il n’était pas un homme complet, comprends-tu ?

— Il avait eu un accident ?

— C’est plutôt un accident qui l’avait eu – mais peu importe. Il m’avait dit qu’il reviendrait. Exactement : « Je reviendrai la chercher lorsque j’aurai été réparé, lorsque j’aurai retrouvé la raison et mon intégrité. » Je n’avais su que penser quand il me dit cela, mais je crois maintenant qu’il est revenu. C’est moi qui t’ai ressuscité, moi qui souhaitais son retour – peut-être y a-t-il un rapport. »

Il y eut un silence. Le soldat regarda un moment le sol de terre battue sur lequel les couchettes étaient installées, puis ses yeux revinrent sur moi. « Après tout, il est possible que lorsqu’un homme perd un ami et s’en fait un nouveau, il ait l’impression que l’ancien est revenu près de lui.

— Jonas – c’est son nom – avait une façon particulière de s’exprimer. Chaque fois qu’il lui fallait dire quelque chose d’un peu désagréable, il le tournait en plaisanterie en attribuant ce qu’il venait de dire à une situation comique. La première nuit que nous avons passée ici, lorsque je t’ai demandé ton nom, tu m’as répondu : “J’ai dû le perdre quelque part en chemin, comme le disait le jaguar qui avait promis de guider le mouton.” T’en souviens-tu ? »

Il secoua la tête. « Je dis beaucoup de bêtises.

— Cette phrase m’a tout de suite frappé, car c’était exactement le genre de réponse que faisait Jonas ; mais il ne l’aurait pas faite à moins de sous-entendre beaucoup plus que ce que tu semblais vouloir dire. Je pense que, dans ce cas, il se serait contenté de “comme dans l’histoire du panier qu’on avait rempli d’eau ou quelque chose comme ça.” »

J’attendis sa réaction, mais rien ne vint.

« Bien entendu, le jaguar a dévoré le mouton. Il a englouti sa chair et rompu ses os, quelque part le long du chemin.

— N’as-tu jamais pensé, finit-il par dire, qu’il pourrait s’agir du trait particulier d’une ville ou d’une région ? Peut-être ton ami venait-il du même endroit que moi.

— Il venait d’une époque plutôt que d’un lieu, je crois. Il y a très longtemps, quelqu’un s’est trouvé confronté avec le problème de désarmer la peur – la peur éprouvée par des hommes de chair et de sang devant un visage fait de verre et d’acier. Jonas, je sais que tu m’écoutes. Je ne te critique pas. L’homme était mort, et toi toujours en vie. Je comprends fort bien cela. Mais il faut que je te dise. Jolenta n’est plus. Je l’ai vue mourir ; j’ai essayé de la ramener à la vie avec la Griffe, mais je n’ai pas réussi. Peut-être était-elle composée de trop d’éléments artificiels – je ne sais pas. Il te faudra trouver quelqu’un d’autre. »

Le soldat se leva. Il n’y avait plus trace de colère sur son visage, vide d’expression, maintenant, comme celui d’un somnambule. Il tourna dans l’allée et partit sans ajouter un seul mot.

Pendant une veille, au moins, je restai allongé sur mon lit, les mains derrière la tête, pensant à toutes sortes de choses. Hallvard, Méliton et Foïla parlaient entre eux, mais je ne prêtai pas l’oreille à leur conversation. Lorsque l’une des pèlerines nous apporta notre déjeuner de midi, Méliton attira mon attention tout d’abord en heurtant le bord de son assiette avec une fourchette, puis il annonça : « Sévérian, nous avons une faveur à vous demander. »

Je ne demandais qu’à oublier les spéculations dans lesquelles je m’étais lancé, et lui répondis que je me ferais un plaisir de les aider si je le pouvais.

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