Gene Wolfe - La citadelle de l'Autarque

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La citadelle de l'Autarque: краткое содержание, описание и аннотация

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Alors que sa quête touche à sa fin, Sévérian se trouve pris au beau milieu des combats contre les rebelles asciens. Sévèrement blessé, il est contraint de se reposer et profite des récits narrés par ses compagnons d'infortune pour faire le point sur le chemin parcouru depuis son départ de la tour Matachine. Bientôt, la citadelle de l'Autarque sera en vue et nombre de secrets seront enfin dévoilés.

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« Je fus le plus rapide. Je m’étais muni d’une simple fourche, un objet qui n’est guère adapté au jet, mais j’étais talonné par plusieurs autres jeunes gens ; si bien que je la lançai de toutes mes forces alors que j’étais encore à une centaine de pas. Elle vola bien droit et toucha juste, enfonçant toutes ses dents dans le dos de la créature. Se déroula alors une scène comme j’espère bien ne jamais en revoir de ma vie. Le poids du manche de la fourche, qui était très long, déséquilibra l’animal, qui roula sur le côté, jusqu’à ce que le bois de l’instrument touche le sol.

« Je vis alors le visage de mon oncle Anskar, fort bien conservé par le froid et le sel de la mer. Des algues d’un vert profond étaient mêlées à sa barbe, et sa corde de survie, faite d’une solide peau de morse, avait été coupée net à seulement quelques empans de son corps.

« Mon oncle Gundulf, qui était allé sur la grande île, n’assista donc pas à la récupération du cadavre de son frère. Mon père et moi le soulevâmes et l’emmenâmes jusqu’à la maison de Gundulf. Nous l’allongeâmes sur la table, le bout de tresse coupée bien en évidence sur sa poitrine, pour qu’il le voie tout de suite. Puis en compagnie d’autres hommes de La Glacière, nous attendîmes mon oncle.

« Quand il vit son frère, il hurla – non pas un de ces cris comme en poussent les femmes, mais plutôt un mugissement rappelant un phoque mâle avertissant les autres mâles de ne pas s’approcher de son territoire et de ses femelles. Il s’enfuit dans l’obscurité. Nous organisâmes une garde autour des bateaux, et le pourchassâmes toute la nuit sur l’île. Et toute la nuit brillèrent les lumières, au sud absolu, qu’allument les esprits : ainsi nous savions que mon oncle Anskar chassait avec nous. Elles lancèrent leur éclat le plus puissant, avant de disparaître, au moment où nous le trouvâmes, caché dans les rochers du cap Rabdod. »

Hallvard se tut. Le silence était total tout autour de nous. Tous les malades qui se trouvaient à portée d’oreille l’avaient écouté. C’est finalement Méliton qui intervint : « L’avez-vous tué ?

— Non. C’est ce qui se serait passé dans les anciens temps, mais c’est une mauvaise chose. C’est maintenant la loi du continent qui s’occupe de venger les crimes de sang, et c’est mieux ainsi. Nous lui attachâmes les bras et les jambes, et le gardâmes sous surveillance dans sa propre maison, le temps que les hommes plus âgés préparent les bateaux. Il m’expliqua qu’il aimait une femme de la grande île. Je ne l’ai jamais vue, mais je sais qu’elle s’appelait Nennoc, qu’elle était belle et plus jeune que lui ; mais aucun homme n’en voulait, car elle avait eu un enfant d’un homme mort l’hiver précédent. Sur le bateau, il avait dit à Anskar qu’il voulait amener Nennoc chez eux, et Anskar l’avait traité de briseur de serments. Mon oncle Gundulf était fort. Il se saisit de son frère et le jeta par-dessus bord ; puis il enroula sa corde de secours autour de ses deux poignets, et la rompit comme une femme en train de coudre rompt son fil.

« Puis il était resté là, dit-il, appuyé sur le mât comme le font tous les pêcheurs, à regarder son frère se débattre dans l’eau. Il vit l’éclair d’une lame de couteau, mais il pensa que Anskar cherchait simplement à le menacer ou à lancer l’arme. »

Hallvard se tut de nouveau, et quand je compris qu’il n’allait pas continuer, je lui demandai : « Qu’est-ce que Anskar a fait ? Il y a quelque chose que je ne comprends pas. »

Un sourire, très léger, étira imperceptiblement les lèvres de Hallvard en dessous de sa moustache blonde. En le voyant je crus voir les îles de glaces du Sud, bleues, d’un froid intense. « Il coupa sa corde de sauvetage, celle que Gundulf venait de rompre. Comme cela, si jamais on trouvait son corps on saurait qu’il avait été tué. Vous comprenez, maintenant ? »

J’avais compris, et restai silencieux.

« C’est ainsi, grommela Méliton, que la merveilleuse vallée abritée des vents glaciaux du Sud revint au père de Hallvard, et qu’en racontant cette histoire, il s’est arrangé pour te faire savoir, Foïla, que quoi que n’ayant pas actuellement de biens au soleil, il est en passe d’en hériter un jour. Bien entendu, il a aussi expliqué qu’il vient d’une famille d’assassins.

— Méliton me croit beaucoup plus malin que je ne le suis, gronda le géant blond. Telle n’était pas mon intention. Ce qui compte pour le moment, ce ne sont ni l’or, ni les peaux, ni la terre, mais qui raconte la meilleure histoire. Et moi, qui en connais beaucoup, je viens de raconter celle que je considère comme la meilleure de toutes. Il est vrai, comme tu l’as dit, que je pourrais avoir droit à une part de la propriété à la mort de mon père. Mais mes sœurs qui ne sont pas encore mariées en auront aussi une part, qui leur servira de dot, tandis que le restant sera divisé entre mes frères et moi. De toute façon, c’est sans importance, parce que je n’emmènerais pas Foïla dans le Sud, où la vie est si dure. Depuis que je porte la lance, j’ai vu bien des endroits plus agréables.

— Je pense que ton oncle Gundulf devait beaucoup aimer Nennoc », dit Foïla.

Hallvard acquiesça. « Il a aussi dit cela tandis qu’il attendait, pieds et poings liés. Mais tous les hommes du Sud aiment leur femme. C’est pour elles qu’ils affrontent la mer, les tempêtes et les brouillards de l’hiver. On dit que lorsqu’un homme pousse son embarcation sur les galets, le son produit par le frottement du bois sur les pierres dit, ma femme, mes enfants, mes enfants, ma femme. »

Je demandai alors à Méliton s’il voulait maintenant raconter son histoire. Mais il secoua la tête, disant que nous étions encore tous pleins de l’histoire de Hallvard, et qu’il attendrait donc le lendemain. Chacun voulut alors questionner Hallvard sur la vie dans les terres australes, et on comparait ses réponses avec les façons de vivre locales. Seul l’Ascien gardait le silence. Cela me rappela les îles flottantes du lac Diuturna, et je racontai à Hallvard et aux autres ce que j’avais vu – sans mentionner toutefois le combat dans le château de Baldanders. Nous continuâmes à bavarder ainsi jusqu’à l’heure du repas du soir.

8

La pèlerine

Il commençait à faire nuit, au moment où nous achevâmes notre dîner. Nous étions toujours plus calmes à cette heure, non seulement parce que nous manquions de forces, mais aussi parce que nous savions que les blessés condamnés mouraient plus souvent après le coucher du soleil – au cœur de la nuit, en particulier –, à l’heure où les batailles passées venaient apurer leurs dettes.

Mais la nuit nous rendait plus conscients de la guerre aussi pour d’autres raisons. Il arrivait parfois – et ce fut notamment le cas au cours de cette nuit-ci – que les décharges des canons à énergie illuminassent le ciel comme des éclairs de chaleur. On entendait les sentinelles faire les cent pas, si bien que le terme de veille, que nous utilisons la plupart du temps simplement pour désigner la dixième partie d’une nuit, devenait une réalité audible, concrète, avec le bruit des pas et les ordres lancés de façon inintelligible.

Vint donc le moment où plus personne ne parla, et ce moment se mit à se prolonger de plus en plus, seulement interrompu par les murmures des bien-portants – les pèlerines et leurs esclaves masculins – lorsqu’ils venaient s’enquérir de l’état de tel ou tel malade. Une prêtresse en tenue écarlate vint s’asseoir près de mon lit ; j’avais l’esprit tellement ralenti et assoupi qu’il me fallut un bon moment pour me rendre compte qu’elle avait dû amener un tabouret avec elle.

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