Ivan Efremov - La nébuleuse Andromède
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- Название:La nébuleuse Andromède
- Автор:
- Издательство:Progrès
- Жанр:
- Год:1976
- Город:Moscou
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— Informez Evda Nal de ma part, chuchota-t-il au directeur de l’observatoire qui se tenait à côté de lui. Il tomba, essaya en vain de se relever et ne bougea plus.
La venue d’un homme de type mongoloïde, d’assez petite taille, au sourire gai et aux allures impératives, attira l’attention générale. Ses assistants lui obéissaient avec l’empressement joyeux des soldats de l’antiquité commandés par un grand capitaine. Mais le prestige du martre n’annulait pas leur propre initiative. C’était un groupe uni de gens énergiques, prêts à combattre le pire ennemi de l’homme : la mort.
En apprenant que la fiche d’hérédité de Ren Boz n’était pas encore arrivée, Af Nout s’emporta ; mais il se calma aussitôt, quand on lui dit qu’Evda Nal en personne s’était chargée de la remplir et de l’apporter.
Le directeur de l’observatoire demanda prudemment à quoi servirait l’hérédité de Ren Boz et quelle aide pouvaient lui fournir ses ancêtres. Af Nout plissa les paupières avec malice, comme s’il confiait un secret à un ami.
— L’ascendance de tout individu est étudiée non seulement pour comprendre sa structure psychique et pronostiquer dans ce domaine. Non moins importantes sont les données sur les particularités neurophysiologiques, la résistance de l’organisme, l’immunologie, la réaction sensitive aux traumatismes et l’allergie aux remèdes. Le choix du traitement est impossible sans la connaissance de la structure héréditaire et des conditions de vie des ancêtres.
Comme le directeur allait poser une autre question, Af Nout l’arrêta :
— J’en ai assez dit pour vous mettre sur la voie. Le temps presse !
Le directeur balbutia des excuses que l’autre ne prit pas la peine d’écouter.
Sur la plate-forme aménagée au pied de la montagne, on dressait en hâte une salle d’opération où on amenait l’eau, le courant et l’air comprimé. D’innombrables ouvriers offraient leurs services à l’envi, et le pavillon en éléments préfabriqués fut monté en trois heures. Parmi les médecins qui avaient bâti l’installation expérimentale, les assistants d’Af Nout choisirent quinze personnes pour desservir cette clinique érigée en hâte. Ren Boz fut transféré sous la coupole en plastique translucide, entièrement stérilisée et ventilée à l’air pur, qui passait par des filtres spéciaux. Af Nout et quatre assistants entrèrent dans le premier compartiment de la salle d’opération et y restèrent plusieurs heures pour s’exposer aux ondes bactéricides et à l’air saturé d’émanations désinfectantes jusqu’à ce que leur haleine elle-même devînt aseptique. Alors, ils se mirent à l’œuvre, alertes et sûrs d’eux.
Pour les os fracturés et les veines rompues du physicien, on utilisait des crampons et des éclisses en tantale, qui n’irritaient pas les tissus. Af Nout examina les lésions des entrailles. Les intestins crevés et l’estomac, débarrassés des parties nécrosées, furent recousus et placés dans un bain de solution cicatrisante B 314, qui correspondait aux facultés somatiques de l’organisme. Ensuite Af Nout entreprit la besogne la plus délicate. Il extraya de l’hypocondre le foie noirci, percé par les éclats des côtes, et, pendant que les assistants tenaient l’organe en suspens, il tira à sa suite les fils ténus des nerfs autonomes sympathiques et parasympathiques. La moindre lésion de la plus fine ramille risquait d’entraîner des détériorations irréparables. D’un mouvement rapide, le chirurgien trancha la veine porte et adapta à ses deux extrémités des vaisseaux artificiels. Quand il eut fait de même pour les artères, il mit le foie dans un vase rempli de solution B 314. Après cinq heures d’opération, tous les organes endommagés de Ren Boz se trouvaient dans des récipients. Du sang artificiel circulait dans son corps, propulsé par le cœur véritable et une pompe automatique qui le secondait. On pouvait attendre maintenant que les organes enlevés fussent guéris. Af Nout n’avait pas la possibilité de remplacer carrément le foie malade par un autre, conservé dans les magasins chirurgicaux de la planète, car cela eût exigé des recherches supplémentaires dont la durée pouvait être fatale au malade. Un chirurgien resta pour veiller le corps, immobile et étalé comme un cadavre disséqué, pendant que l’équipe suivante achevait de se désinfecter.
La porte de l’enceinte qui entourait la salle d’opération coulissa bruyamment, et Af Nout parut, clignant des yeux et s’étirant comme un fauve à son réveil, escorté de ses aides maculés de sang. Evda Nal, pâle et fatiguée, vint à sa rencontre et lui tendit la généalogie de Ren Boz. Il s’en saisit, la parcourut et poussa un soupir de soulagement.
— Je crois que tout ira bien. Allons nous reposer !
— Mais … s’il revient à lui ?
— Non ! Rien à craindre. Nous ne sommes pas assez bêtes pour négliger les précautions.
— Combien faut-il attendre ?
— Quatre ou cinq jours. Si les analyses biologiques sont exactes et les calculs justes, on pourra opérer de nouveau, en réintégrant les organes à leur place. Puis il reprendra connaissance …
— Combien de temps pouvez-vous rester ici ?
— Une dizaine de jours. La catastrophe s’est produite en pleines vacances. J’en profiterai pour visiter le Tibet où je ne suis jamais venu. Mon destin est de vivre là où il y a le plus d’hommes, c’est-à-dire dans la zone habitée !
Evda Nal lui jeta un regard admiratif. Af Nout sourit et remarqua d’un ton bourru :
— Vous me regardez comme on devait contempler autrefois l’image de Dieu. Cela messied à la plus sagace de mes élèves !
— Je vous vois, en effet, sous un jour nouveau. C’est la première fois que la vie d’un homme qui m’est cher est entre les mains d’un chirurgien, et je comprends l’émoi de ceux qui ont eu affaire à votre art … Le savoir s’y allie à une habileté incomparable !
— Bon ! Extasiez-vous, si ça vous chante. Quant à moi, je ferai non seulement une deuxième opération à votre physicien, mais encore une troisième …
— Laquelle ? fit Evda Nal, inquiète. Mais Af Nout, les yeux clignés avec malice, se contenta d’indiquer le sentier qui montait de l’observatoire. Mven Mas y clopinait, la tête basse.
— Voici un autre de mes adorateurs … malgré lui. Tenez-lui compagnie, si vous ne voulez pas vous reposer ; moi je suis éreinté !
Le chirurgien disparut dans un repli de la colline, où on avait installé la maison provisoire des médecins. Evda Nal vit de loin que le directeur des stations externes avait les traits tirés et paraissait terriblement vieilli … Non, Mven Mas n’était plus directeur. Quand elle l’eut informé de son entretien avec Af Nout, il poussa un soupir de soulagement.
— Alors, je partirai, moi aussi, dans dix jours !
— Êtes-vous sûr de bien agir, Mven ? Je suis encore trop abasourdie pour comprendre la situation, mais il me semble que votre faute n’est pas si grave.
Le visage de Mven Mas se crispa douloureusement :
— Je me suis emballé pour la théorie brillante de Ren Boz. Je n’avais pas le droit d’engager toute la force de la Terre dans le premier essai.
— Ren Boz affirmait qu’il était inutile d’essayer avec une force moindre, répliqua Evda Nal.
— En effet, mais il aurait fallu commencer par des expériences indirectes. J’ai été sottement impatient, je ne voulais pas attendre des années. Quoi que vous disiez, le Conseil sanctionnera ma décision et le Contrôle d’Honneur et de Droit ne la révoquera pas !
— Je suis membre du Contrôle !
— Oui, mais il y en a dix autres. Et comme mon cas intéresse toute la planète, les Contrôles du Sud et du Nord siégeront ensemble : vingt et un membres, à part vous …
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