Ivan Efremov - La nébuleuse Andromède
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- Название:La nébuleuse Andromède
- Автор:
- Издательство:Progrès
- Жанр:
- Год:1976
- Город:Moscou
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— Vous l’avez tuée ! s’écria Veda, indignée.
— Je ne pense pas, car le sol est sec ! repartit le malin d’un air satisfait. Et en confirmation de es paroles, le taureau mugit faiblement, se leva et s’en fut d’un trot indécis, comme s’il avait honte de sa défaite. Les voyageurs revinrent vers le feu, dont une nouvelle brassée de bois ranima la flamme.
— Je n’ai plus froid, dit Véda, montons sur la butte.
Le sommet du mamelon cachait le feu ; les astres pâles du ciel d’été s’estompaient à l’horizon.
À l’ouest, on ne voyait rien ; au nord, des lumières presque imperceptibles clignotaient à flanc de coteau ; au sud, très loin aussi, brillait l’astre éclatant du mirador des éleveurs.
— C’est ennuyeux, il va falloir marcher toute la nuit, marmonna Dar Véter.
— Mais non, voyez !
Véda montra l’est, où venaient de s’allumer quatre feux disposés en carré. C’était à quelques kilomètres à peine. Ayant repéré la direction d’après les étoiles, ils redescendirent. Véda s’arrêta auprès du feu mourant, comme si elle tâchait de se rappeler quelque chose.
— Adieu, notre foyer, dit-elle, pensive. Sans doute les nomades avaient-ils toujours eu des logis pareils, éphémères et fragiles … J’ai été aujourd’hui une jeune femme d’autrefois.
Elle se tourna vers Dar Véter et d’un geste confiant lui posa la main sur le cou.
— J’ai senti si vivement le besoin d’être protégée ! Ce n’était pas la peur, non, mais une sorte de soumission fascinante au destin … Il me semble …
Les mains croisées derrière la tête, elle s’étira souplement devant le feu. L’instant d’après, ses yeux recouvrèrent leur éclat mutin.
— Allons, conduisez-moi … héros ! Sa voix grave avait pris un ton énigmatique et tendre.
La nuit claire, saturée de parfums d’herbes, s’animait de frôlements de bestioles et de cris d’oiseaux. Véda et Dar Véter marchaient avec précaution, de crainte de mettre le pied dans un terrier ou une crevasse. Les pinceaux des stipas effleuraient sournoisement leurs chevilles. Dar Véter scrutait l’ombre, dès que des silhouettes de buissons en émergeaient.
Véda rit doucement :
— Il aurait peut-être fallu prendre l’accumulateur … et le câble ?
— Vous êtes légère, Véda, répliqua-t-il avec bonhomie. Plus légère que je ne supposais !
Elle reprit tout à coup son sérieux.
— J’ai trop bien senti votre protection … Et elle parla de l’activité future de son expédition ou plutôt y réfléchit tout haut. La première étape des fouilles était terminée, ses collaborateurs retournaient à leurs anciennes tâches ou en assumaient de nouvelles. Quant à Dar Véter qui n’avait pas choisi d’autre occupation, il était libre de suivre sa bien-aimée. D’après les informations qui leur parvenaient, Mven Mas se débrouillait bien … De toute façon, le Conseil n’aurait pas renommé de sitôt Dar Véter à ce poste. À l’époque du Grand Anneau, on évitait de faire faire longtemps aux gens le même travail. Cela émoussait le don le plus précieux de l’homme : le pouvoir créateur, et on ne pouvait reprendre son ancienne besogne qu’après une longue interruption …
— Après six ans de communication avec le Cosmos, ne trouvez-vous pas notre travail mesquin et monotone ?
Le regard clair et attentif de Véda cherchait celui de Dar Véter.
— Pas du tout, protesta-t-il, mais il ne provoque pas en moi la tension d’esprit à laquelle je suis habitué. Sans elle, je deviens trop placide … comme si on me traitait aux rêves bleus !
— Rêves bleus …, répéta-t-elle, et la suspension de son souffle en dit davantage à Véter que la rougeur de ses joues, invisible dans la nuit.
— Je pousserai mes recherches en direction du sud, dit-elle en se reprenant, mais pas avant d’avoir recruté une nouvelle équipe de fouilleurs volontaires. En attendant, j’aiderai des collègues à faire des fouilles sous-marines, ainsi qu’ils me le proposent depuis longtemps.
Dar Véter comprit et son cœur palpita de joie. Mais il se hâta de refouler ses sentiments et tendit la perche à Véda en demandant d’une voix calme :
— Il s’agit de la ville immergée au sud de la Sicile ? J’ai vu au palais de l’Atlantide des choses magnifiques qui en proviennent …
— Non, nous explorons maintenant les côtes orientales de la Méditerranée, la mer Rouge et les rivages de l’Inde, à la recherche des vestiges historiques conservés au fond de la mer, depuis la culture indo-crétoise jusqu’à l’avènement des Siècles Sombres.
— Ce qu’on cachait dans la mer ou y jetait simplement, lors de la ruine des flots de civilisation … sous la poussée des forces fraîches, barbares et insouciantes, je vois ça, prononça pensivement Dar Véter qui surveillait toujours la plaine blanchâtre. Je conçois aussi l’effondrement de la civilisation antique, lorsque les États, forts de leur union avec la nature, furent incapables de rien changer au monde, de venir à bout d’un esclavage de plus en plus odieux et d’une aristocratie parasitaire …
— Et les hommes ont troqué leur matérialisme primitif contre la nuit religieuse du Moyen-âge, enchaîna Véda. Mais qu’est-ce que vous ne comprenez pas ?
— Je me représente mal la culture indo-crétoise.
— Vous n’êtes pas au courant des dernières recherches. On retrouve aujourd’hui ses traces sur un vaste territoire qui s’étend de l’Afrique au sud de l’Asie Centrale, aux Indes et à la Chine occidentale, et qui englobe l’île de Crète.
— Je ne soupçonnais pas qu’en ces temps reculés il y eût des cachettes pour les trésors d’art, comme à Carthage, en Grèce ou à Rome.
— Venez avec moi et vous verrez, dit Véda à voix basse.
Dar Véter marchait, silencieux. Le terrain montait en pente douce. En haut de la côte, l’homme s’arrêta net.
— Merci, j’accepte …
Elle tourna un peu la tête, incrédule dans la pénombre de la nuit septentrionale de son compagnon étaient noirs et impénétrables.
Passé la côte, les lumières se révélèrent toutes proches. Munies de cloches polarisantes, elles ne rayonnaient pas et semblaient de ce fait plus lointaines qu’elles n’étaient. L’éclairage concentré témoignait d’un travail nocturne. Le grondement d’un courant à haute tension s’amplifiait. Les contours argentés de poutres en treillis luisaient sous les hautes lampes bleuâtres. Un mugissement les fit s’arrêter : c’était le robot de barrage qui intervenait.
— Attention, obliquez à gauche, n’approchez pas des poteaux ! hurla un haut-parleur invisible.
Ils se dirigèrent vers un groupe de maisonnettes transportables.
— Ne regardez pas le champ ! insistait l’automate.
Les portes de deux maisons s’ouvrirent simultanément, deux faisceaux de lumière intersectés tombèrent sur la route sombre. Plusieurs personnes, hommes et femmes, firent aux voyageurs un accueil aimable et s’étonnèrent de leur moyen de locomotion primitif, en pleine nuit …
La cabine étroite, où un entrecroisement de jets d’eau odorante, saturée de gaz et d’électricité, piquetait la peau d’agréables décharges, était un lieu de délices.
Les voyageurs ravigotés se rencontrèrent à table.
— Véter, mon ami, nous sommes chez des confrères !
Véda, fraîche et rajeunie, versa une boisson dorée.
— « Dix tonus » dans ce coin perdu ! s’écria-t-il, ravi, en tendant la main vers son verre.
— Vainqueur du taureau, vous vous ensauvagez dans la steppe, protesta Véda. Je vous annonce des nouvelles intéressantes, et vous ne songez qu’à la nourriture !
— Des fouilles, ici ?
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