Éric Chevillard - Un fantôme

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Dans tout autre livre, Crab serait un personnage secondaire, le cadavre déjà froid autour duquel se développerait la passionnante intrigue policière, un homme de troupe, une silhouette au loin, la mule de Sancho Pança, un bruit de pas dans la nuit. On prêterait à peine attention à lui, méprisé par l'auteur et par les autres personnages, le lecteur même serait sans doute tenté de l'employer à tourner les pages. Crab est le héros unique de ce livre. Il se conduira comme tel jusqu'au bout, à la surprise générale.

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Crab s'en souviendra de cette traversée. Ah ce fut autre chose que l'enchantement promis par les récits de ceux qui prétendent avoir fait le voyage. Dès le départ, Crab éprouva une pénible sensation de froid qui ne devait plus le quitter. La lumière excessive l'aveuglait. Elle ne formait pas d'ombres et semblait sourdre de la glace sur laquelle, non sans frayeur, s'était aventuré Crab. Il glissa plusieurs fois, manquant se rompre les os, hésitant alors à s'engager plus avant.

Puis il franchit le pas, et ce fut terrible.

En fait de jardin paradisiaque, Crab découvrit un monde enseveli dans la grisaille, sans ciel et sans horizon, et le sol effondré se dérobait sous ses pieds. On lui avait vanté les chants des oiseaux, plus mélodieuses qu'ailleurs les musiques libres comme l'air, mais le brouillard étouffait tous les sons, et plus vraisemblablement n'y avait-il aucun oiseau dans cette lande sinistre et floue, nulle musique possible. L'air y était du reste à peine respirable, rare et vicié. Des rafales de sable écorchaient le visage et les mains nues de Crab. Puis le sable s'épaissit, s'alourdit, humide maintenant, vaseux, à travers lequel Crab devait se frayer un chemin comme dans un marécage, enlisé jusqu'au cou à chaque pas. Sa peau le brûlait de plus en plus. Du nitrate d'argent en poudre fme pénétrait sous ses paupières, dans ses narines, il en eut bientôt la bouche pleine, à étouffer, bien obligé d'avaler l'infecte bouillie pour ne pas suffoquer, qui lui laissa sur la langue un arrière-goût de tartre. Cet acide-alcool extrait de la lie du vin, utilisé en l'occurrence pour précipiter la solution de nitrate sur la surface de verre préalablement polie, et provoquant sans doute chez les premiers explorateurs une légère ivresse, peut-il expliquer leurs visions féériques et les récits extravagants qu'ils publièrent à leur retour?

A moins qu'ils ne se soient plus simplement moqués du monde. Crab est enclin à le penser – d'autant plus que, parvenu enfin au terme de son éprouvante traversée, de l'autre côté du miroir, il se heurta au mur de sa salle de bains, infranchissable celui-ci, et il dut rebrousser chemin, le corps endolori, l'arcade sourcilière ouverte, pas fâché de quitter ce sale entonnoir, un égout, on ne l'y reprendra plus.

*

La méthode est simple, son efficacité garantie. Voici comment il procède. D'abord, indispensable, une visite rapide au zoo. Puis Crab s'arrache à la contemplation d'un couple de girafes. Il doit encore passer chez l'antiquaire. En chemin, il s'attarde un moment devant un magasin d'articles orthopédiques qui expose en vitrine des prothèses de bras et de jambes, conime de grosses poupées désarticulées par de grosses petites filles. Parmi les vieilleries de l'antiquaire, Crab choisit cette fois un bel encrier de cristal à facettes, un boulier grippé, une arbalète, un ange de plâtre auquel manque une aile, une pendule en bronze coiffée d'une jolie Diane qui tue le temps en prenant des bains. Crab examine attentivement tous ces objets, il les soupèse, s'informe de leur prix, fait mine de marchander, quitte finalement la boutique sans rien emporter. Le soir tombe. Crab s'arrête encore devant une vitrine de lingerie féminine, ou de farces et attrapes. De retour chez lui, il monte dans sa chambre, tire les rideaux, se glisse dans son lit, éteint la lumière. Cette nuit encore, ses rêves seront fabuleux. Assez des vieilles histoires de famille et de leurs pauvres variantes œdipiennes, de la nostalgie rancunière, des visites répétées du grand-père défunt et autres apparitions nocturnes du boulanger quotidien. Il n'y a vraiment aucune raison de s'ennuyer en dormant.

D'abord les membres et, parmi les membres, d'abord les bras, leurs muscles lentement fondent, lentement coulent à l'intérieur des mains qui enflent, puis se crispent sur la boule de leur sang, tandis que les jambes, même chose, mais les pieds au bout, le creux de ciel entre les omoplates disparaît, décrochées les ailes, la vieille carapace se reforme, Crab doit s'allonger, c'est maintenant le cou qui lâche, tête toute d'os, lourde sans pensée, qui roule à côté du corps, les yeux se sont fermés pour ne pas être aveuglés par la nuit, la bouche reste entrouverte, le souffle entre et sort – qu'il entre ou qu'il sorte! -, narines pincées comme deux doigts tiendraient un slip sale, odeurs de fauve qui surprennent venant de Crab, tant de férocité soudain, un voisin si gentil, toujours un mot aimable, recroquevillé pour l'heure, transi dans sa sueur froide, une nuit de sommeil pareille à toutes les autres et ses péripéties, ankylose du bras, crampe du mollet, trente-trois érections blanches – ne polluent pas -, puis le réveil par miracle, dans les douleurs de l'enfantement, revenir à soi, triste état, torticolis jusqu'aux reins, courbatures, démangeaisons, un œil de sable, un œil d'huile, la langue comme un pied dans la vase, le méat urinaire en coin, pourquoi ne pas dire torve, se dit bien d'un regard oblique et menaçant, la vessie pleine. Debout enfin – après chaque nuit de sommeil, Crab fourbu prend sa journée pour réparer ses forces.

Nous l'avions laissé chez lui, enfermé, reclus dans son pavillon, occupé à peindre des fresques préhistoriques sur ses murs, il a fini. Ce long travail d'apprentissage, de découverte de lui-même et du monde, de ses pouvoirs sur le monde, par le truchement de l'activité artistique, est maintenant achevé. Nous retrouvons Crab dans son petit jardin, homme mûr et averti désormais, il a planté son chevalet devant le pavillon, il peint cette maisonnette, son buisson d'hortensias bleus, son soleil rond.

*

Crab ne range pas les livres de sa bibliothèque dans sa bibliothèque. Chez Crab, il y a des livres partout, hormis sur les rayons de sa bibliothèque. Chez Crab, vous ouvrez un tiroir, il y a un livre dedans. Dès que vous entrez chez Crab, vous glissez sur un livre. La baignoire de Crab est remplie de livres: un livre de plus et elle débordera, on imagine les dégâts. Il arrive aussi que Crab oublie d'éteindre le four, catastrophe, ou encore de baisser le feu sous la casserole – dans un cas comme dans l'autre le livre est perdu. Quand il en trouve le courage, Crab fait une grande lessive de tous ses livres, mais ce n'est guère fréquent, et l'on voit dans les quatre coins de chaque pièce de gros tas de livres sales peu ragoûtants. Par paresse, vraisemblablement, Crab préfère acheter un livre neuf plutôt que de blanchir le livre de la veille, en sorte que vous ne le verrez jamais deux jours de suite avec le même livre – souvent, il change plusieurs fois de livre dans une même journée, pure coquetterie, ou manière plutôt mesquine et tape-à-l'œil d'étaler sa richesse.

*

Son voisin du dessus est un homme pesant. Evidemment, Crab est tombé sous le plus gros, le plus lourd, qui ne s'absente pour ainsi dire jamais et reste perché sur Crab toute la journée, Crab exténué qui souffre de plus en plus des vertèbres, lombaires et cervicales, qui aimerait au moins pouvoir se reposer de temps en temps, s'allonger un peu, mais son voisin du dessous ne tient pas en place, car évidemment Crab est tombé sur un nerveux, un agité, qui ne sort guère lui non plus, indifférent au poids de Crab sur ses épaules, prive celui-ci de sa liberté de mouvement et l'oblige à des allées et venues incessantes d'une pièce à l'autre. Mais qui s'en étonnera? Emménageant dans un de ces immeubles modernes sans planchers ni plafonds, où l'on vit les uns sur les autres, un malchanceux comme Crab ne pouvait que se retrouver coincé entre deux voisins insupportables.

Le bruit de ses pas rappelle celui de la mer. C'est très inquiétant, d'autant qu'il ne sait pas nager, et puis il dérange ses voisins. Crab a beau faire attention et monter les escaliers sur la pointe des pieds, la puissante rumeur d'eau et de vent qui s'élève avec lui réveille tout l'entourage. Quelquefois, par excès de précaution, il rate une marche et tombe à la renverse, alors on entend gronder l'océan, les vagues de briser contre les récifs. Grand émoi dans tout l'immeuble. Ce fracas de tempête provoque de vraies paniques. Le lendemain, certains voisins prétendent que des trombes d'eau se sont abattues sur eux, crevant le plafond, et que leur salon a été inondé. Pour éviter les complications d'un procès autant que par crainte du scandale, Crab rembourse les frais des réparations. On en profite. Il est bientôt amené à payer pour tous les dégâts causés par les plomberies défectueuses des habitants du quartier. Et ça ne s'arrête pas là, ça va beaucoup plus loin. Lorsque le fleuve en crue défonce les berges, les chaussées, renverse les arbres et les voitures, on attend qu'il regagne son lit puis on accuse Crab de ses méfaits – il se trouve toujours des faux témoins pour assurer qu'il est justement passé par là, et si on leur demande de le prouver, ils affirment avoir parfaitement reconnu le bruit inimitable de son pas, cette rumeur confuse d'océan ponctuée des cris perçants de mouettes: en rajoutant ainsi dans le mensonge, ils se trahissent, des cris de mouettes! pourquoi pas aussi des sirènes de cargos ou des conversations de baleines? Mais, pour éviter les complications d'un procès autant que par crainte du scandale, Crab préfère payer.

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