Poul Anderson - La main tendue
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- Название:La main tendue
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- Издательство:LIBRAIRIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
- Жанр:
- Год:1977
- Город:Paris
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Les Soliens paraissaient éprouver des difficultés à comprendre une race de poètes. A comprendre par exemple que le plus pauvre et le plus stupide des Cundaloiens puisse s’étendre au soleil et composer des poèmes. En fait, chaque race a ses talents bien à elle. Qui pouvait rivaliser avec le génie technicien que possédait les Humains?
Les vers aux sonorités limpides commençaient à faire un chant majestueux dans sa tête. Il les pétrit, les modela de nouveau, peaufinant chaque syllabe et reformant l’ensemble d’une façon définitive avec un sentiment de délice. Celui-ci serait bon, très bon! Il passerait à la postérité, il serait chanté encore dans un siècle, et personne n’oublierait Valka Vahino. Il laisserait même un souvenir au titre de maître-composeur de vers: Alia Amaui cauianriho, valana, valana, vro!
— Pardonnez-moi, Monsieur, mais Mr. Lombard désire vous voir.
La voix provenait d’un rayon sonique du roboréceptionniste que Lombard lui-même avait offert à Vahino. Le Cundaloien avait ressenti toute l’incongruité qu’il y avait à incorporer le métal brillant de l’appareil au milieu des boiseries sculptées et des tapisseries anciennes qui décoraient son appartement, mais il n’avait pas voulu vexer l’auteur du cadeau. En outre, l’appareil s’avérait utile.
Lombard, chef de la Commission Solienne de Reconstruction, était l’Humain le plus important dans le système avaikien. De plus, en ce moment, Vahino pouvait apprécier la courtoisie d’un homme qui se déplaçait pour venir le voir au lieu de l’envoyer simplement chercher. Seulement… pourquoi fallait-il qu’il choisisse spécialement ce moment pour venir?
— Dites à Mr. Lombard que j’arrive dans un instant.
Vahino alla mettre un vêtement. Les Humains ne s’étaient pas encore complètement faits à la nudité qui était chose courante chez les Cundaloiens. Puis il passa dans le hall d’attente. Il y avait disposé quelques fauteuils destinés aux Terriens qui n’appréciaient pas de devoir s’asseoir sur une natte tissée — autre incongruité! A son entrée, Lombard se leva.
L’homme était petit, trapu, avec une épaisse broussaille de cheveux gris surmontant un visage marqué de cicatrices. Il avait gravi les échelons, partant du niveau d’ouvrier et passant par celui d’ingénieur, jusqu’au poste de Haut Commissaire, et il portait encore sur lui les marques du combat incessant qu’il avait dû mener. Il s’attaquait au travail avec ce qui ressemblait presque à un furieux désir de vengeance personnelle, ce qui le rendait parfois plus dur que l’acier. Mais le reste du temps, c’était une personne agréable qui témoignait d’une gamme étonnante d’intérêts et de connaissances. Sans oublier naturellement qu’il avait fait des miracles pour le Système Avaikien.
— Paix sur votre maison, frère, dit Vahino.
— Comment allez-vous? fut le salut moins cérémonieux du Solien.
Comme son hôte faisait signe à des domestiques, il s’empressa de poursuivre:
— Non, je vous en prie, épargnons-nous le cérémonial habituel de votre hospitalité. Je l’apprécie beaucoup, mais je ne pense pas que ce soit le moment de nous installer tranquillement devant un repas pour discuter de sujets culturels pendant trois heures avant de nous mettre à travailler. Je souhaiterais d’ailleurs… Enfin, vous êtes de cette planète, moi pas: aussi j’aimerais que vous donniez personnellement des instructions autour de vous — avec le plus de tact possible naturellement — pour que soient abandonnés ce genre de préliminaires.
— Mais… ils font partie de nos plus anciennes traditions…
— Précisément! Ancien équivaut souvent à rétrograde, donc retardant le progrès. Loin de moi l’intention d’être désobligeant, Mr. Vahino; je souhaiterais que nous autres Soliens ayons des coutumes aussi agréables que les vôtres. Mais pas… pendant les heures de travail. Vous me comprenez?
— Eh bien… oui… je suppose que vous avez raison. Cela ne convient certainement pas à un type de civilisation industrielle moderne, chose que nous sommes en train d’essayer de construire, naturellement.
Vahino s’installa dans un des fauteuils et offrit une cigarette à son visiteur. Fumer était l’un des vices typique de Sol, sans doute le plus facilement transmis et sûrement le plus facilement défendable. Vahino alluma sa cigarette avec la béatitude du néophyte.
— C’est exactement cela, reprit Lombard. Et c’est précisément pour discuter de cette question que je suis venu vous voir, Mr. Vahino. Je n’ai aucune doléance particulière à formuler, mais je constate simplement l’existence d’une foule de petits problèmes auxquels vous seuls, Cundaloiens, pouvez apporter une solution. Nous autres Soliens ne le pourrions pas et ne souhaitons pas de toute façon nous immiscer dans vos affaires internes. Mais il vous faut changer certaines choses, sinon nous ne serons plus du tout en mesure de vous aider.
Vahino se doutait plus ou moins de ce qui allait suivre: cela faisait malheureusement quelque temps déjà qu’il s’y attendait et il ne voyait pas très bien ce qu’il pouvait y faire. Pour le moment, il se contenta de tirer une bouffée de sa cigarette et de laisser filtrer lentement la fumée entre ses lèvres tout en prenant une expression d’interrogation polie. Puis, se rappelant que les Soliens n’étaient pas habitués à interpréter les nuances dans l’expression du visage comme une forme de langage, il dit tout haut:
— Dites le fond de votre pensée, je vous en prie. Croyez bien que je n’y vois à priori aucune intention d’offenser.
— Très bien. — Lombard se pencha en avant, croisant et décroisant sans arrêt ses mains dans un geste de nervosité. — Il est un fait patent que toute votre culture, toute votre psychologie ne sont pas adaptées aux nécessités de la civilisation moderne. Cet état de choses peut changer, mais le changement devra être radical. Vous pouvez y arriver — par des lois, par des campagnes d’information, par une modification du système d’éducation, et cetera. Mais il faut absolument que tout cela se fasse.
— Tenez, par exemple, prenons simplement cette coutume de la sieste. A l’heure où je vous parle et dans cette zone de votre planète, aucune machine ne tourne pratiquement, personne n’est au travail: tout le monde est en train de se dorer au soleil, qui composant un poème, qui fredonnant une chanson, qui encore dormant tout simplement. Il reste encore toute une civilisation à construire, Vahino! Des plantations, des mines, des usines, des cités entières à l’aire tourner, à surveiller. Vous n’y arriverez certainement pas au régime de quatre heures de travail par jour!
— Non. Mais peut-être n’avons-nous pas l’énergie de votre race. Vous êtes une espèce hyperactive, vous savez.
— Ce sont des choses qui s’apprennent. Le travail n’a pas nécessairement besoin d’être éreintant. Le but recherché en mécanisant votre culture est précisément de vous soulager de l’effort physique et de l’incertitude due à une totale dépendance de la terre. Et une société mécanisée ne peut s’embarrasser de toutes ces vieilles croyances, rites, coutumes, traditions qui sont les vôtres. Ce temps est révolu. La vie est trop courte, et le style de la vôtre n’est pas adapté à cette réalité. Vous êtes encore comme les Skontariens, qui n’en finissent plus de trimbaler partout leurs lances ridicules alors qu’elles ont perdu toute utilité depuis très longtemps.
— La tradition fait la vie… le sens de la vie…
— La civilisation de la machine a sa propre tradition: vous l’apprendrez. Elle a son propre sens, et je pense que c’est celui de l’avenir. Si vous persistez à vous accrocher désespérément à des habitudes périmées, vous ne rattraperez jamais l’histoire. Tenez, votre système monétaire…
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