« Votre analyse ? » demanda Cox. Comme l’homme hésitait, il ajouta : « Vous pouvez parler librement.
— Eh bien… », commença Marty. Il haussa les épaules. « Des traces de minéraux. Venues du sol, portées par l’air, comme les polluants. Sinon, rien. Si l’on en croit l’analyse spectrographique, ce truc n’est pas là.
— Et le HYC-908 ? L’acide, ajouta Cox à l’intention de Barbie, Julia et Lissa.
— Disparu. Le truc qui n’est pas là l’a bouffé.
— Et c’est possible, en fonction de ce que vous savez ?
— Non. Mais le Dôme non plus n’est pas possible, en fonction de ce que nous savons.
— Et cela vous conduit-il à supposer que le Dôme serait l’œuvre d’une forme de vie ayant une connaissance plus avancée que la nôtre des lois de la physique, de la chimie, de la biologie, de tout ce que vous voudrez ? » Comme Marty hésitait, une nouvelle fois, Cox répéta ce qu’il avait déjà dit : « Vous pouvez parler librement.
— C’est une possibilité. Il se peut aussi qu’un super-méchant tout à fait humain ait concocté ce truc. Un Lex Luthor bien réel. Ou cela pourrait être encore l’œuvre d’un pays renégat, comme la Corée du Nord.
— Qui ne l’a pas encore revendiqué, hein ? demanda un Barbie sceptique.
— Je pencherais plutôt pour des extraterrestres », répondit Marty. Il donna un léger coup sur le Dôme sans grimacer ; il avait déjà eu droit à son petit choc. « Comme la plupart des scientifiques qui travaillent en ce moment sur la question — si l’on peut dire qu’on y travaille, dans la mesure où nous ne faisons rien , en fait. C’est la règle Sherlock Holmes : quand on a éliminé l’impossible, la réponse, aussi improbable qu’elle soit, est ce qui reste.
— Quelqu’un — ou quelque chose — a-t-il débarqué d’une soucoupe volante et exigé de parler à notre chef ? demanda Julia.
— Non, dit Cox.
— Le sauriez-vous, si ç’avait été le cas ? »
Tout en posant sa question, Barbie se dit : Avons-nous vraiment cette discussion ? Ou est-ce que je rêve ?
« Pas nécessairement, admit Cox.
— Il pourrait encore s’agir d’un phénomène météorologique, reprit Marty. Fichtre, biologique, même. Une chose vivante. Il y a même une école de pensée pour laquelle ce truc est une sorte d’hybride d’ E. coli .
— Colonel, intervint à son tour Julia, sommes-nous l’objet d’une expérience ? Parce que c’est l’impression que cela nous donne. »
Melissa Jamieson, pendant ce temps, s’était tournée dans la direction du hameau d’Eastchester et de ses belles maisons. La plupart étaient maintenant sans lumières, soit faute de générateur, soit pour économiser le carburant.
« C’était un coup de feu, dit-elle. Je suis certaine que c’était un coup de feu. »
En dehors de la politique au niveau local, Big Jim Rennie n’avait qu’un vice — une passion pour le basket-ball scolaire féminin en général et pour l’équipe des Lady Wildcats en particulier. Il prenait chaque année un abonnement pour la saison depuis 1998 et assistait au moins à douze parties dans l’année. En 2004, année où les Lady Wildcats avaient remporté le championnat d’État classe D, il avait assisté à tous les matchs. Et si les autographes que remarquaient ses visiteurs, quand il les invitait dans le bureau de son domicile, étaient inévitablement ceux de Tiger Woods, Dale Earnhardt et Bill « Spaceman » Lee, celui dont il était le plus fier — celui qui lui était le plus précieux — restait l’autographe de Hanna Compton, la petite avant qui avait conduit les Lady Wildcats au seul et unique Ballon d’Or dans l’histoire de l’équipe.
Lorsqu’on est abonné, on finit par connaître les autres abonnés et les raisons pour lesquelles ils sont des fans du sport. Beaucoup étaient des proches des joueuses (et souvent les chevilles ouvrières du Booster Club, organisateurs de ventes de pâtisseries maison et autres manifestations de collecte de fonds destinées à financer les déplacements de plus en plus onéreux de l’équipe). D’autres étaient des puristes du basket-ball capables de vous affirmer — justifications à l’appui — que ce sport était beaucoup mieux quand il était pratiqué par les femmes. Les jeunes joueuses s’investissaient dans l’esprit d’équipe à un degré que n’atteignaient que rarement les garçons (lesquels aimaient aussi aller faire la bringue en ville). La cadence du jeu était moins rapide, permettant de mieux suivre la partie, de mieux apprécier le jeu de balle et les passes. Les fans de basket féminin appréciaient la faible quantité de points marqués, ce que méprisaient au contraire les amateurs de basket masculin, observant que les filles mettaient trop l’accent sur la défense et les faux tirs, ce qui était la définition même de la stratégie de la vieille école.
Et il y avait aussi des types qui, tout simplement, adoraient regarder des adolescentes aux longues jambes courir en short sur un parquet.
Big Jim partageait toutes ces raisons d’aimer le basket féminin, mais sa passion avait une origine entièrement différente, une chose dont il ne faisait jamais état quand il discutait d’une partie avec les autres fans. Il aurait été peu politique de le faire.
Les filles prenaient le sport plus à cœur et cela faisait d’elles de meilleures « haïsseuses ».
Certes, les garçons voulaient gagner et il arrivait qu’une partie dégénère en pugilat, en particulier quand ils affrontaient un rival traditionnel (les Castle Rock Rockets, dans le cas précis, pour lesquels les Wildcats n’avaient que mépris) ; mais pour les garçons, il s’agissait avant tout de réussite personnelle. De faire leur numéro de machos, en d’autres termes. Et quand c’était fini, c’était fini.
Les filles, en revanche, détestaient perdre. Elles repartaient tête basse dans les vestiaires et ruminaient leur défaite. Plus important, elles la méprisaient et la haïssaient en tant qu’équipe. Big Jim avait une antenne pour ce genre de choses ; pendant une dispute brouillonne autour du ballon, en deuxième mi-temps, alors qu’il y avait égalité ou presque, il sentait cette vibration particulière — bouge-toi, espèce de garce, ce ballon est pour MOI. Il la sentait et s’en repaissait.
Avant 2004, les Lady Wildcats n’avaient réussi à accéder au tournoi d’État qu’une fois en vingt ans, accession qui s’était résumée à une seule apparition-élimination. Puis Hanna Compton était arrivée. La plus grande « haïsseuse » de tous les temps, de l’avis de Big Jim.
En tant que fille de Dale Compton, un ouvrier du bois efflanqué de Tarker’s Mill, la plupart du temps ivre et tout le temps querelleur, Hanna avait eu une excellente formation dans l’art du tire-toi de mon chemin . Alors qu’elle n’était pas encore en terminale, le coach lui avait fait jouer les deux dernières parties de la saison dans l’équipe junior varsity (JV) des Lady Wildcats ; elle avait marqué plus de points que tout le monde et avait séché son opposante des Richmond Bobcats (laquelle s’était retrouvée par terre, se tordant de douleur) lors d’une manœuvre défensive rugueuse mais non fautive.
À la fin de la partie, Big Jim avait coincé le coach : « Si vous ne prenez pas cette fille l’année prochaine, c’est que vous êtes cinglé.
— Je ne suis pas cinglé », avait répondu le coach.
Hanna avait commencé sur les chapeaux de roues et terminé encore plus sur les chapeaux de roues, laissant derrière elle une piste éclatante dont les fans des Wildcats parlaient encore des années après (moyenne de points de la saison : 27,6 par match). Elle était capable de repérer à tout moment l’occasion d’un lancer à trois points — et de le réussir — mais là où Big Jim la préférait, c’était quand elle enfonçait la défense adverse et fonçait vers le panier, son visage de dogue plissé dans un ricanement de concentration, ses yeux noirs brillants défiant quiconque de se mettre sur son chemin, sa courte queue-de-cheval pointant derrière sa tête comme un majeur dressé. Le deuxième conseiller et premier vendeur de voitures d’occasion de Chester’s Mill était tombé amoureux.
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