Norman Spinrad - Jack Barron et l'éternité

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Jack Barron et l'éternité: краткое содержание, описание и аннотация

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FAITES SUER JACK BARRON !
C’est le titre d’une émission très populaire dans l’Amérique de l’avenir proche.
Si quelqu’un vous ennuie, faites suer Jack Barron, le redresseur de torts.
Il ne craint personne, ni le gouvernement, ni l’administration, ni les banques, ni votre propriétaire.
Et si l’on vous refuse le droit à l’immortalité ?
ALORS, PRENEZ VOTRE TÉLÉPHONE ET FAITES SUER JACK BARRON !
Par sa violence, sa crudité aussi, ce roman qui relate les péripéties sauvages d’une lutte pour le pouvoir — et pour l’éternité — entre deux formes de puissance — celle de l’information et celle de l’argent — a secoué l’Amérique.

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Un silence, trois secondes entières de silence mortel qui semble durer une éternité, et le regard de Barron emplit l’écran comme une blessure béante, une fenêtre ouverte sur son âme. Regard meurtri et étrangement humble qui contient une certaine mesure de défi, honnête et sans artifice, et qui n’a d’autre appui que la vérité. Pourtant, dans ce défi ouvert et sans défense, brille la certitude de la vérité.

Un insoutenable moment de réalité humaine jailli de la configuration de points de phosphore sur l’écran en deux dimensions…

Puis soudain le moment passe et le visage de Barron retrouve une certaine dureté (rendue poignante par la douceur que l’on devine derrière) tandis que le regard se fait à nouveau résolu.

— Il me reste une chose à vous dire, mes amis, pour que vous connaissiez la vérité affreuse. Je vous ai expliqué ce que Bennie avait fait pour moi. La question, maintenant, c’est : Qu’étais-je censé faire pour lui ?

Le visage en papier journal de Benedict Howards apparaît dans le quadrant inférieur gauche, et Barron n’est plus une victime mais un inquisiteur lorsqu’il abaisse son regard vers lui.

— Qu’est-ce que vous en dites, Howards ? C’est vous qui le leur racontez, ou moi ? Dites-leur comment vous achetiez des enfants, dites-leur combien de membres du Congrès vous avez dans vos poches, et ce que vous comptez faire à la prochaine convention démocrate. Dites-leur pourquoi vous aviez besoin de moi, comment vous pensiez pouvoir utiliser mes services.

Le visage d’Howards s’agrandit, occupant les trois quarts de l’écran avec Barron en haut à droite fustigeant du regard l’image grise.

— Non ! Non ! s’écrie Howards. Vous vous méprenez, vous ne comprenez pas, il n’y en a aucun qui comprenne, le cercle noir qui s’estompe doit être repoussé, repoussé… Je veux la vie, je suis du côté de la vie contre la mort ! Sénateurs, membres du Congrès, président… doivent être du côté de la vie et pas du côté du cercle noir qui s’estompe qui se referme sur les Nègres éviscérés becs de vautours pénétrant dans le nez la gorge la vie qui s’enfuit goutte à goutte dans des éprouvettes des bocaux de plastique…

Howards est soudain comprimé dans le coin gauche de l’écran, vociférant silencieusement pendant que Jack Barron l’ignore et dit en regardant droit devant lui :

— Et voilà, chers téléspectateurs ; tout ce que j’étais censé faire, c’est vous mentir. Vous raconter assez de bobards pour faire passer son projet de loi sur l’Hibernation, puis l’aider à hisser au pouvoir son président fantoche – vous ne devinerez jamais quel parti il paye ? J’empeste peut-être l’odeur de la Fondation, mais la moitié des Démocrates du Congrès empestent plus que moi. Je ne puis vous donner de noms ; peut-être que certains auront le courage qu’a eu le pauvre Hennering et se lèveront pour être comptés. Et s’ils ne le font pas… eh bien, vous n’aurez qu’à lire la liste des membres du Congrès qui défendent le projet de loi de la Fondation. On ne peut pas poursuivre le Journal officiel pour diffamation !

Le visage de Howards emplit maintenant la totalité de l’écran. Son regard est vitreux et de petites pustules de salive pointent au coin de ses lèvres tremblantes tandis que la voix invisible de Barron chantonne presque :

— Vous êtes un homme mort, Bennie. Mort… mort… mort. Vous allez rôtir sur la chaise électrique. Vous allez être mort… mort… mort…

Nooooon ! hurle Howards. Je vous tuerai vous achèterai tous vous écraserai détruirai les forces du cercle noir qui s’estompe personne ne peut faire mourir Benedict Howards, sénateurs gouverneurs membres du Congrès, les tuerai tous les achèterai tous… Personne ne peut tuer Benedict Howards, personne ! Jamais ! Jeune et fort pour l’éternité…

Les yeux déments percent l’écran, et le cri devient rauque, dur, sauvage.

— Barron ! Barron ! Je vous aurai, Barron ! Je vous tuerai ! Tuerai ! Tuerai !

Surgi de nulle part, un grand poing gris s’abat soudain sur tout l’écran dans un scintillement de taches grises et d’éclairs de phosphore accompagnés d’un grésillement électrique.

Rien que l’écran mort et le bruit parasite l’instant d’une mesure, puis le champ gris d’impulsions erratiques est repoussé dans le quadrant supérieur droit comme par la main de Barron. Plan rapproché de ce dernier qui occupe le reste de l’écran et indique le carré vacant (néant grésillant de la tombe) de son regard.

— Vous tous, bande de gogos, écoutez-moi ! crie-t-il. Contemplez ce que vous avez fait ! Nous sommes tous responsables de Benedict Howards, nous aurons toujours nos Benedict Howards parce qu’il y aura toujours des hommes pour connaître le Grand Secret : tout le monde peut être acheté. Qui a envie de mourir ? Qui a envie de passer sa vie dans un piège à rats ? Qui a envie de bouffer de la crotte ? Ils connaissent la réponse, et ils vous bernent… Politiciens, camés de pouvoir qui vous donnent juste assez pour vous garder à leur merci avec leur Aide sociale, Aide médicale, Aide aux Nègres et autres duperies du même genre… des miettes de leur gâteau, voilà tout ! Juste assez pour vous maintenir bien sages, et pas une miette de plus ! Respirez un grand coup, bouchez-vous le nez et regardez autour de vous pour changer… Des Benedict Howards, il y en a des milliers parmi nous, qui portent le nom de gouverneurs, sénateurs, membres du Congrès, présidents… La seule différence, c’est qu’ils n’ont pas la même envergure que lui, c’est tout. Et qu’est-ce que vous comptez faire pour les arrêter ? Rester les fesses bien calées dans votre fauteuil comme vous avez toujours fait, ou bien profiter de l’occase ? Il suffit de posséder un gosse pour se faire un beau tas d’oseille – beaucoup plus de trente deniers.

Qu’en dites-vous ? Vous en avez assez ? Ou bien laisserez-vous les choses continuer ainsi jusqu’à ce que vous mouriez ? Mais attention, je vous préviens, désormais quand vous mourrez vous serez tout seuls ! (Barron se tait et semble rigoler doucement tout en enchaînant avec ce haussement d’épaules de garnement incorrigible qui lui est familier :) Et j’ai bien peur, chers téléspectateurs, que vous ne soyez obligés avant de tenter votre chance d’attendre la fin de ce petit mot palpitant de notre sponsor.

ÉPILOGUE

Jamais… jamais… jamais… tu ne me tueras jamais, Barron ! Personne personne personne ne fera mourir Benedict Howards, Votre Honneur ! Je vous tuerai vous achèterai pouvoir tout-puissant de la vie contre la mort… vous rendrai immortel Votre Honneur… Jack Barron est du côté du cercle noir qui s’estompe… Je suis innocent je suis du côté de la vie Votre Honneur… Personne ne fera mourir Benedict Howards, personne ! Jeune et fort et puissant femmes à la peau douce cercles réfrigérés du pouvoir Los Angeles, Dallas, Vegas, New York, Washington pour l’éternité, Votre Honneur…

Benedict Howards arpentait sans répit la petite chambre ; calculant, tramant, murmurant des menaces entre ses dents. C’était une jolie chambre, un peu nue, pas tout à fait ce à quoi il était habitué, mais pas tout à fait non plus une cellule de prison. Ouais, pensa-t-il, peut-être qu’après tout ces bougres d’avocats savaient ce qu’ils faisaient.

« Nous demandons l’ajournement du procès pour cause d’incapacité mentale. »

Tu vois, Barron, même toi tu n’as pas réussi ! Personne ne pourra tuer Benedict Howards ! Jeune et fort et puissant pendant un million d’années ! L’éternité ! Ni chaise électrique ni prison, rien qu’un petit séjour dans un sanatorium d’État jusqu’à ce que ces fichus avocats de luxe trouvent le moyen de me faire sortir intact. Et ils m’ont donné leur parole qu’ils le feraient ! Ils ont tout le temps, ils ont un million d’années devant eux (« … délire paranoïaque… »), et j’ai tout le temps de former de nouveaux avocats (« … état semi-hallucinatoire… ») des générations de putains d’avocats (« … dans l’incapacité d’assurer sa défense… l’accusé devra être transféré dans un établissement pénal pour malades mentaux jusqu’à ce qu’il soit déclaré apte à passer en jugement… ») mutation contrôlée, des générations de nouveaux avocats chargés de tenir à distance cette inculpation pour meurtre jusqu’à ce qu’ils puissent me tirer d’affaire.

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