Robert Silverberg - Ciel brûlant de minuit

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Ciel brûlant de minuit: краткое содержание, описание и аннотация

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XXIVe siècle. Effet de serre. Plus de couche d'ozone. La Terre a basculé dans les bouleversements climatiques, et le ciel brûlant de minuit ne laisse jamais filtrer la moindre fraîcheur.Tandis que Paul Carpenter remorque un iceberg monstrueux afin d'alimenter Los Angeles en eau potable, Nick Rhodes, biologiste, cherche à adapter l'humanité à une atmosphère pauvre en oxygène, pour le compte d'un conglomérat japonais. Isabelle cherche l'amour, et Jolanda le dépassement de l'art.Ils sont tous pris au piège de ce monde dégradé, de leurs vies bancales et de leurs amours furtives, aussi déboussolés que la Terre brûlante qui les porte.Et tous, ils cherchent la sortie.Dans les étoiles…
Robert Silverberg, consacré par quatre prix Hugo et cinq prix Nebula, dresse ici le tableau d'un avenir plausible, terrifiant et fascinant.

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Cette visite n’eut pas de résultat immédiat. Juanito ne courut pas le risque de poser des questions et il ne découvrit rien dont il pût tirer parti. Mais il revint avec la conviction que la réponse se trouvait à El Mirador.

— Emmenez-moi là-bas, demanda Farkas.

— Je ne peux pas. C’est une cité repliée sur elle-même, où les étrangers sont mal acceptés. Vous attirez l’attention autant qu’un dinosaure.

— Emmenez-moi, répéta Farkas.

— Si Wu s’y cache et s’il vous aperçoit, il comprendra tout de suite qu’il y a un contrat sur lui et s’évanouira en un instant. Vous n’en reviendrez pas.

— Emmenez-moi à El Mirador, insista Farkas. Je paie pour des services et vous me les rendez. C’est bien ce qui était convenu ?

— D’accord, fit Juanito. Allons à El Mirador.

4

Il était 10 heures du matin et Nick Rhodes ne cessait de s’émerveiller. Compte tenu de la saison et des conditions atmosphériques prévisibles, la journée était mystérieusement, miraculeusement claire et lumineuse : diminution de l’intensité photochimique, idem pour le brouillard, échappées de ciel bleu – enfin, presque bleu – apparaissant derrière les inévitables strates aux couleurs vives de saloperies à effet de serre sur le fond habituel d’un blanc sinistre.

Rhodes avait lu des descriptions de ciel bleu dans des livres d’histoire, quand il était gosse, mais, depuis une trentaine d’années, il n’avait guère eu l’occasion d’en voir un de ses propres yeux. Ce jour-là, sans raison apparente, l’air était propre. Relativement propre, en tout cas. De son bureau au treizième étage de la tour Santachiara Technologies, un bâtiment élancé, aérien, bâti sur le flanc de la plus haute colline de Berkeley, à trois kilomètres au sud du campus, il avait une vue circulaire de toute la baie de San Francisco : les ponts, les flots miroitants, la ravissante cité miniature au fond de la baie et, dans les terres, les collines arrondies aux flancs desséchés, tapissés d’herbe fauve. À cette distance, il n’était pas possible de distinguer la lèpre des implacables fumées corrosives qui mangeaient la surface de tous les bâtiments ou presque. Et il y avait la voûte du ciel dont la majeure partie était de ce bleu magnifique, inimaginable. Impossible, par une telle journée, de garder l’esprit au travail. Rhodes passait d’une fenêtre à l’autre, le tour complet, pour tout embrasser du regard.

Une journée extraordinaire, assurément. Mais il savait que cela ne pourrait durer très longtemps et il ne se trompait pas.

Le témoin lumineux de l’annonceur s’alluma et une voix calme, impersonnelle d’androïde se fit entendre.

— Un appel du docteur Van Vliet sur la Trois, docteur. Il veut savoir quelle est votre réaction à son rapport.

Rhodes eut une sensation de vide au creux de l’estomac. Il était beaucoup trop tôt pour affronter Van Vliet et les complications qu’il représentait.

— Dites-lui que je suis en réunion et que je le rappellerai, fit-il machinalement.

Nick Rhodes était directeur adjoint des recherches de Santachiara Technologies pour le projet Survie/Modification, c’est-à-dire qu’il gagnait sa vie en essayant de trouver des moyens de transformer l’être humain en quelque chose de plus ou de moins humain ; Rhodes ne savait pas encore très bien. Santachiara Technologies était une filiale de Samurai Industries, la mégafirme qui possédait à peu près tout ce qui, dans l’univers, n’appartenait pas à Kyocera-Merck, Ltd. Alex Van Vliet était probablement le plus brillant et assurément le plus dynamique de l’équipe de jeunes généticiens de pointe de Santachiara. C’est lui qui avait lancé un nouveau projet d’avant-garde préconisant le remplacement de l’hémoglobine, qui, d’après ceux qui avaient écouté les explications de Van Vliet à l’heure du déjeuner, offrait de très intéressantes perspectives. C’était un angle nouveau, certes, mais qui suscitait chez Rhodes une inquiétude diffuse, sans qu’il pût s’expliquer pourquoi. À ce moment de la journée, Rhodes tenait par-dessus tout à éviter une conversation avec Van Vliet.

Non par lâcheté, mais simplement parce qu’il éprouvait une certaine gêne sur le plan moral. Il aimait à penser qu’il y avait une différence. Tôt ou tard, il finirait par résoudre les contradictions intimes dans lesquelles il commençait à s’empêtrer ; ensuite, il s’occuperait de Van Vliet. Mais pas maintenant, de grâce ! Non, pas tout de suite !

Rhodes revint vers son bureau.

C’était un meuble à l’aspect imposant, une plaque de bois lisse, soigneusement poli, en forme de boomerang, rouge jaspé, un fabuleux bloc de bois précieux, d’une valeur inestimable, découpé dans le cœur d’un monarque de quelque forêt pluviale sud-américaine. Ce qui en couvrait la surface avait aussi de quoi inspirer le respect : cubes de données dans un angle, vidéos dans un autre, tout au bout une haute pile de virtuels comprenant la série de simulations et de propositions de Van Vliet. À gauche, sous le plateau, un tableau de contrôle pour tous les gadgets électroniques de la pièce ; à droite, un tiroir suspendu, protégé par une serrure à cristaux, qui renfermait un assortiment de cognacs et de whiskies, la réserve personnelle de Nicholas Rhodes, docteur en philosophie. Au milieu du bureau, près de la grille de l’annonceur, trônait un holobloc hexaédrique, cadeau de Noël d’Isabelle Martine, son amie, qui affichait en lettres de feu, quand on lui donnait l’inclinaison voulue, les six mots formulés par Rhodes pour résumer les tâches spécifiques de son service. Un mot sur chaque face :

OS – REINS

POUMONS – CŒUR

PEAU – POUMON

Délicate attention. D’autant plus qu'Isabelle n’avait au fond que mépris pour ses travaux et espérait en son for intérieur qu’ils n’aboutiraient pas. Rhodes prit l’objet, le tourna et le retourna au creux de sa paume. OS. POUMON. PEAU. Oui. REINS. CŒUR. CERVEAU. Il garda quelques secondes les yeux fixés sur le mot CERVEAU. Là était le vrai problème, là était le hic. CERVEAU.

Le signal lumineux de l’annonceur se déclencha de nouveau, suivi de la voix impersonnelle.

— Meshoram Enron sur la Deux.

— Qui ?

— Meshoram Enron, répéta l’automate, détachant les syllabes. Le journaliste israélien. Vous avez accepté de déjeuner avec lui aujourd’hui.

— Ha ! c’est vrai !

Rhodes hésita. Il ne se sentait pas prêt non plus à voir Enron, pas maintenant… pas en tête à tête, en tout cas.

— Dites-lui que, pour le déjeuner, c’est impossible. Demandez-lui s’il est libre pour dîner.

Rhodes saisit machinalement les virtuels de Van Vliet, les remit à leur place, les rapprocha derechef de lui en les considérant comme s’ils venaient d’arriver dans son bureau.

— S’il est d’accord, appelez Mlle Martine de ma part et passez-la-moi quand vous l’aurez. Je vais lui demander de se joindre à nous.

Quelques instants plus tard, l’androïde fit son rapport. M. Enron serait très heureux de dîner avec le docteur Rhodes. Aurait-il l’obligeance de passer le prendre à 19 h 30 à son hôtel, à San Francisco ? Quant à Mlle Martine, elle n’avait pas répondu, mais un message de recherche était joint à son numéro. Et il y avait un autre message du docteur Van Vliet qui attendait avec impatience l’occasion de discuter de vive voix de ses propositions avec le docteur Rhodes, dès que possible, blablabla, et espérait une réponse rapide, blablabla…

Oui. Blablabla. Une journée chargée, d’un coup. Rhodes commençait à se sentir traqué. Van Vliet qui le talonnait, cet Enron qui fouinait partout en espérant découvrir Dieu sait quoi. Un espion, sans l’ombre d’un doute. Pour Rhodes, d’une manière ou d’une autre, tous les Israéliens étaient des espions. Qu’allait-il lui arriver ensuite ? Et il n’était que 10 heures du matin. Le moment était peut-être venu de prendre son premier verre ?

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