Qui d'autre que ce démon peut venir détruire la voûte de la cité ?
Une secousse, beaucoup plus forte que les autres, vient décrocher un énorme caillou du plafond.
- Attention ! hurle Miro qui ne peut rien faire d'autre que prévenir.
Les Minimoys partent en courant et laisse l'énorme pierre trouer le sol dans un nuage de poussière.
Le choc est si violent que le roi en tombe sur les fesses.
Les tremblements s'arrêtent et un gigantesque tuyau bariolé apparaît au plafond et descend jusqu'au sol.
Le roi n'en croit pas ses yeux. Que diable ce démon de Maltazard a-t-il encore pu inventer ? s'interroge le souverain.
L'impressionnant tuyau s'est stabilisé et l'on distingue nettement, en transparence, une boule qui glisse à l'intérieur.
- Une boule de mort ! s'écrie Bétamèche.
Il n'en faut pas plus pour créer la panique la plus totale. Sélénia est la seule à ne pas y céder.
Elle observe cet horrible tuyau qui lui rappelle quelque chose.
- C'est une paille ! s'écrie-t-elle tout à coup, un sourire jusqu'aux oreilles. Une paille d'Arthur !
La boule finit sa descente, heurte le sol et roule sur le côté. Mino se redresse, tout courbaturé, et crache la poussière qu'il a dans la bouche.
Il tient, bien serrée dans ses bras, l'épée de Sélénia.
- Mon fils ! s'écrie Miro la taupe, bouleversé par l'émotion.
- Mon épée ! s'exclame Sélénia la princesse, folle de bonheur. Miro se rue sur son fils et le serre dans ses bras.
Le peuple minimoy, couvert de poussière, pousse à nouveau des cris de joie.
Le roi s'avance vers Miro et son fils, collés comme des müls-müls.
- Tout est bien qui finit bien ! lance-t-il heureux, mais pas fâché que l'aventure se termine.
- Pas tout à fait ! répond Sélénia avec autorité.
Elle quitte le petit groupe et marche jusqu'au centre de la place, là où se trouve la roche des anciens.
Elle brandit son épée et, d'un seul geste, la plante dans la pierre. Aussitôt la pierre se referme et emprisonne l'épée, à tout jamais.
Sélénia laisse échapper un soupir de soulagement. Elle jette un regard à son père qui, d'un signe de tête, lui témoigne son approbation et sa gratitude. Sélénia l'accepte, avec humilité. Cette aventure lui a appris tellement de choses, mais surtout une, essentielle pour faire d'une princesse une bonne reine, mais aussi pour réussir sa vie d'une manière générale : la sagesse.
Doucement, la paille remonte et quitte la place du village, comme une fusée muette.
Chapitre 16
Arthur la récupère et vérifie que Mino n'est plus à l'intérieur.
- Yes !! s'exclame-t-il en constatant que la paille est vide.
Il met une petite pierre pour boucher le trou et récupère la soucoupe pleine de rubis.
Il serait temps qu'elle arrive, cette soucoupe au trésor, car Archibald ne sait plus quoi inventer pour gagner du temps. Il a de l'encre plein les mains et tripote son stylo qu'il a pris soin de démonter en trois parties.
- C'est incroyable ! Un stylo qui jamais ne m'a trahi ! Et voilà qu'au pire des moments, celui de signer ces papiers si importants, il me lâche ! explique le grand-père, plus bavard que jamais. C'est un ami suisse qui me l'avait offert et, comme vous le savez probablement, les Suisses ne sont pas uniquement spécialistes en horlogerie et en chocolats, ils fabriquent aussi d'admirables stylos !
Davido, excédé, lui met son Mont-Blanc sous le nez.
- Tenez ! Celui-là aussi il vient de Suisse ! Maintenant, signez ! On a perdu assez de temps comme ça !
Le propriétaire ne tolérera plus une seule diversion. Ça se lit dans son regard.
- Ah ?.. euh... oui, bien sûr ! balbutie Archibald, à court d'idées.
Il gagne encore quelques secondes en admirant le stylo.
- Magnifique ! Et... il écrit bien ? ajoute le grand-père.
- Essayez-le vous-même ! lui répond Davido, plutôt habile sur ce coup-là.
Archibald n'a plus le choix et il signe le dernier papier.
Le propriétaire le lui arrache aussitôt des mains et le range dans le dossier.
- Voilà ! Vous êtes maintenant propriétaire ! lance Davido, le visage un peu crispé.
- Formidable ! répond Archibald qui sait que ce n'est pas si simple. Il a rempli tous les papiers, mais n'a pas réglé le principal.
- ... L'argent ! demande Davido en tendant la main.
Il sait que c'est sa dernière chance. L'acte de propriété n'aura de valeur qu'au moment où Archibald se sera acquitté de la somme à payer et, pour l'instant, il ne l'a pas. Le vieil homme adresse aux deux policiers qui entourent Davido un sourire qui demande de l'aide. Malheureusement, les deux représentants de l'ordre ne peuvent pas grand- chose pour lui.
Davido sent le vent tourner, en sa faveur. C'est déjà un miracle que ce vieil homme soit réapparu au dernier moment. Il n'y aura pas deux miracles dans la journée. Davido ouvre le dossier, saisit les actes et se prépare à les déchirer.
- Pas d'argent... pas de document ! dit l'infâme propriétaire qui compte bien le rester.
La porte d'entrée s'entrouvre et tout le monde tourne la tête dans sa direction.
C'est une curiosité bien naturelle quand on attend un miracle. En l'occurrence, ce petit miracle est très poli. Il entre par la porte et essuie bien ses pieds avant d'entrer.
Arthur traverse le salon, en prenant soin de prendre les patins, et s'avance jusqu'à la table, où l'assistance l'attend comme le messie.
Arthur pose délicatement la soucoupe pleine de rubis devant Archibald.
La grand-mère retient son émotion, le grand-père son admiration.
Davido, quant à lui, retient sa respiration.
Arthur, lui, sourit, tout simplement. Il est heureux. Archibald jubile. Il va enfin pouvoir s'amuser un peu.
- Alors !.. dit-il en regardant les rubis, les bons comptes faisant les bons amis, commandement numéro cinquante... Il choisit un rubis et se décide pour le plus petit. Vous voilà payé !.. rubis sur l'ongle ! ajoute-t-il en posant la petite pierre devant Davido, médusé.
Les deux policiers soupirent d'aise sans faire de bruit. Ils sont tellement soulagés par cet heureux dénouement.
La grand-mère pose un petit coffre à bijoux sur la table. Elle attrape la soucoupe et en vide le contenu à l'intérieur.
- Ils seront plus en sécurité là-dedans et en plus, je cherchais cette soucoupe depuis quatre ans ! dit-elle, avec humour, en récupérant l'assiette.
Archibald et Arthur laissent échapper un petit rire. Pas Davido. Il ne rit pas du tout, Davido.
- Monsieur, je vous dis adieu ! dit Archibald en se levant et en lui indiquant la sortie qu'il est prié de rejoindre.
Davido a les jambes coupées. Il est incapable de se lever. Les deux policiers, pour ne pas alourdir la situation, saluent les grands-parents en portant la main à la casquette et se dirigent vers l'entrée, montrant ainsi l'exemple et le chemin. Davido, dévasté, acculé, sent ses nerfs lâcher, les uns après les autres.
Un tic nerveux apparaît au coin de sa paupière et son œil se met à clignoter, comme s'il allait doubler. Tel un saoulard au volant atteint de folie.
Il n'est pas très long le chemin qui mène de la haine à la folie, et Davido semble maintenant prêt à le franchir.
Il ouvre sa veste et sort un pistolet de la Deuxième Guerre et, vu qu'on est en période de paix, personne n'hésite sur le sens à donner à ce geste.
- Personne ne bouge ! s'écrie-t-il.
Les deux policiers tentent bien un mouvement en direction de leur arme, mais sa folie l'a rendu très vif.
- Personne, j'ai dit !! hurle-t-il à nouveau, plus convaincant que précédemment.
L'assistance en reste sans voix. Personne n'avait imaginé que cette crapule puisse aller jusque-là.
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