Stephen King - Carnets noirs

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Carnets noirs: краткое содержание, описание и аннотация

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En prenant sa retraite, John Rothstein a plongé dans le désespoir les millions de lecteurs des aventures de Jimmy Gold. Rendu fou de rage par la disparition de son héros favori, Morris Bellamy assassine le vieil écrivain pour s’emparer de sa fortune, mais surtout, de ses précieux carnets de notes. Le bonheur dans le crime ? C’est compter sans les mauvais tours du destin… et la perspicacité du détective Bill Hodges.
Après
King renoue avec un de ses thèmes de prédilection : l’obsession d’un fan. Dans ce formidable roman noir où l’on retrouve les protagonistes de
(prix Edgar 2015), il rend un superbe hommage au pouvoir de la fiction, capable de susciter chez le lecteur le meilleur… ou le pire.
STEPHEN KING
« Une déclaration d’amour à la lecture et à la littérature américaine… Merveilleux, effrayant, émouvant. » The Washington Post

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— C’est pas chaud », dit Morris, mais il avait chaud : tout d’un coup, ses joues et sa nuque étaient brûlantes. Andy réagissait comme s’il s’était chié dessus au lieu d’avoir commis le crime du siècle. « Personne peut faire le lien entre Rothstein et moi, et je sais qu’il va falloir attendre un bon moment avant de pouvoir les vendre à un collectionneur privé. Je suis pas con.

— Les vendre à un coll… Morrie, t’entends ce que tu dis ? »

Morris croisa les bras et regarda son ami. Du moins l’homme qui avait été son ami.

« Tu réagis comme si on en avait jamais parlé. Comme si on l’avait jamais projeté.

— On a jamais rien projeté ! C’était juste une histoire qu’on se racontait, je pensais que t’avais pigé ! »

Ce que Morris pigeait, c’est que c’était exactement ce que Andy dirait à la police si lui, Morris, se faisait arrêter. Et Andy s’attendait à ce qu’il se fasse arrêter. Pour la première fois, Morris prit pleinement conscience que loin d’être un colosse intellectuel désireux de s’associer à lui dans un acte de banditisme existentialiste, Andy n’était rien qu’un minable de plus. Un employé de librairie plus âgé que lui d’à peine quelques années.

Vous pouvez garder pour vous vos critiques littéraires à la con , lui avait dit Rothstein dans les deux dernières minutes de sa vie. Vous n’êtes qu’un vulgaire voleur, mon ami .

Ses tempes commençaient à palpiter.

« J’aurais dû m’en douter. Tous tes beaux discours sur les collectionneurs privés, les stars de cinéma, les princes saoudiens et je sais pas qui encore. Que des paroles en l’air. T’as que de la gueule. »

Le coup avait porté, l’impact était tangible. Morris vit ça et en fut content, exactement comme quand il avait réussi à clouer le bec à sa mère à une ou deux reprises lors de leur dernière dispute.

Andy se pencha en avant, les joues écarlates, mais avant qu’il ait pu parler, une serveuse apparut avec une poignée de serviettes en papier.

« Je vais m’occuper de ça », dit-elle en essuyant le café.

Elle était jeune, blond cendré naturel, jolie à sa manière pâle, peut-être même belle. Elle sourit à Andy. Il lui répondit d’une grimace chagrine tout en s’écartant d’elle comme il s’était écarté du carnet Moleskine.

Il est homo, se dit Morris ébahi. C’est un foutu homo. Comment je l’ai jamais su ? Comment j’ai fait pour jamais m’en rendre compte ? Il pourrait aussi bien porter une pancarte.

Enfin, y avait beaucoup de choses concernant Andy qu’il avait jamais vues, pas vrai ? Morris repensa à un truc qu’un de ses collègues de chantier aimait bien dire : Il a que le pistolet, pas les balles .

La serveuse partie, emportant avec elle ses vapeurs toxiques de fille, Andy se pencha de nouveau en avant.

« Ces collectionneurs existent, dit-il. Ils accumulent les peintures, les sculptures, les éditions originales… il y a un magnat du pétrole au Texas qui a toute une collection de vieux enregistrements sur cylindres de cire, un autre qui possède les éditions complètes de tous les magazines western, SF et épouvante publiés entre les années 1910 et 1955. Tu crois que tous ces trucs ont été achetés et revendus légalement ? Mon cul, oui ! Les collectionneurs sont cinglés, les pires d’entre eux se foutent carrément de savoir si les trucs qu’ils convoitent ont été volés ou pas, et tu peux être certain qu’ils veulent pas partager avec le reste du monde. »

Morris connaissait la chanson, et ça devait se lire sur son visage car Andy se pencha encore plus près. Leurs nez se touchaient presque à présent. Morris flaira Cuir Anglais et il se demanda si c’était l’après-rasage préféré des homos. Genre un signe de reconnaissance secret ou quelque chose.

« Seulement, tu crois vraiment qu’un de ces types m’écouterait, moi ? »

Morris Bellamy, qui voyait maintenant Andy sous un nouveau jour, répondit qu’il imaginait que non.

Andy avança la lèvre inférieure en une moue enfantine.

« Ils m’écouteront un jour. Ouais. Quand j’aurai ma propre boutique et que je me serai fait une clientèle. Mais ça prendra des années.

— On avait parlé d’attendre cinq ans.

Cinq ? » Andy aboya un rire et se renfonça dans sa chaise. « J’aurai peut-être réussi à ouvrir ma librairie dans cinq ans — j’ai repéré un petit local sur Lacemaker Lane, il y a un magasin de tissus pour le moment mais ça marche pas très fort —, mais ça prend beaucoup plus de temps de trouver des clients friqués et d’établir des relations de confiance. »

Ça fait beaucoup de mais, se dit Morris, et y avait aucun mais avant.

« Combien de temps ?

— Pourquoi tu reviens pas me voir début vingt et unième siècle avec tes carnets ? Si tu les as toujours. Même si j’avais une liste de collectionneurs privés à appeler là tout de suite, même le plus cinglé d’entre eux voudrait pas être mêlé à une affaire aussi brûlante. »

Morris le fixait, incapable de parler. Enfin il dit :

« C’est pas ce que tu disais quand on planifiait… »

Andy se prit la tête à deux mains.

« On a rien planifié du tout ! Et n’essaie pas de me foutre ça sur le dos ! T’as pas intérêt ! Je te connais, Morrie. Tu les as pas volés pour les revendre, du moins pas avant de les avoir lus. Ensuite, j’imagine que peut-être, tu voudras en partager quelques-uns avec le reste du monde, si on te propose un bon prix. Mais concrètement, t’es juste barge de John Rothstein.

— Me traite pas de barge. »

Ça tambourinait dans ses tempes, pire que jamais.

« Je te traiterai de barge si c’est la vérité, et c’est la vérité. T’es barge de Jimmy Gold aussi. C’est à cause de lui que t’as fait de la taule.

— J’ai fait de la taule à cause de ma mère. Elle aurait aussi bien pu tourner elle-même la clé.

— Peu importe. C’est du passé. , c’est maintenant. À moins que t’aies de la chance, la police va pas tarder à te rendre une petite visite, et probablement avec un mandat de perquisition. Si t’as ces carnets le jour où ils frapperont à ta porte, t’es cuit.

— Pourquoi ils viendraient ? Personne nous a vus et mes partenaires… » Il lui fit un clin d’œil. « Disons que les morts ne parlent pas.

— Quoi ? Tu… tu les as tués ? Tués, eux aussi ? »

Sur le visage de Andy, l’horreur commençait à poindre.

Morris savait qu’il aurait dû garder ça pour lui, mais — marrant comme ces mais arrêtaient pas de ressortir — Andy le faisait carrément chier.

« C’est quoi le nom du bled où il habitait ? » Le regard de Andy scrutait les environs à nouveau, comme s’il s’attendait à ce que les flics leur tombent déjà dessus, arme au poing. « Talbot Corners, c’est ça ?

— Oui, mais c’est surtout des fermes là-bas. Ce qu’ils appellent Corners, c’est rien de plus qu’un resto, une épicerie et une station-essence où deux routes nationales se croisent.

— Combien de fois t’y es allé ?

— Cinq, peut-être. »

En réalité, entre 1976 et 1978, ça se rapprochait plus de la dizaine. D’abord tout seul, puis avec Freddy ou Curtis, ou les deux.

« T’as déjà posé des questions sur l’habitant le plus connu du secteur quand t’étais là-bas ?

— Ouais, une ou deux, bien sûr. Et alors ? Probable que tous les gens qui s’arrêtent à ce resto demandent…

— Non, c’est là que tu te goures. La plupart des gens qui foutent les pieds là-bas en ont rien à carrer de John Rothstein. Le seul truc qui les intéresse, c’est quand commence la saison de la chasse au cerf et quel genre de poissons ils peuvent pêcher dans le lac du coin. Tu crois pas que les locaux se souviendront de toi quand la police viendra leur demander s’il y a eu des inconnus un peu trop curieux sur le compte du type qu’a écrit Le Coureur ? Des inconnus un peu trop curieux qui auraient fait plusieurs visites ? En plus, t’as déjà un casier, Morrie !

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