— Non, pas dans la cuisine. Prends à droite. Ouvre la porte sur le côté.
La cave. Mikael avait descendu la moitié de l'escalier, quand Martin Vanger tourna un interrupteur et des lampes s'allumèrent. A droite se trouvait la chaufferie. D'en face, Mikael sentit une odeur de lessive. Martin Vanger le guida à gauche, dans un petit local avec de vieux meubles et des cartons. Tout au fond, il y avait encore une porte. Une porte sécurisée en acier avec une serrure multipoint.
— Tiens, dit Martin Vanger en lançant un trousseau de clés à Mikael. Ouvre.
Mikael ouvrit la porte.
— Il y a un interrupteur à gauche.
Mikael venait d'ouvrir la porte de l'enfer.
VERS 21 HEURES, Lisbeth alla se payer un café et un sandwich sous cellophane à un distributeur Selecta dans le couloir des archives. Elle continua à feuilleter de vieux papiers avec l'intention de trouver une trace de Gottfried Vanger à Kalmar en 1954. Elle fit chou blanc.
Elle envisagea d'appeler Mikael, mais décida de parcourir aussi les bulletins du personnel avant de s'en aller, ensuite ça suffirait pour ce soir.
LA PIÈCE MESURAIT environ cinq mètres sur dix. Mikael se dit que géographiquement elle était située sous le petit côté nord de la maison.
Martin Vanger avait aménagé sa chambre de torture privée avec soin. A gauche, des chaînes, des anneaux en métal au plafond et au sol, une table avec des courroies en cuir où il pouvait attacher ses victimes. Et puis un équipement vidéo. Un studio d'enregistrement. Au fond de la pièce se trouvait une cage en acier où ses hôtes pouvaient être emprisonnés de longues périodes. A droite de la porte, un lit et un coin télé. Sur une étagère, Mikael aperçut une grande quantité de films vidéo.
Dès qu'ils furent entrés dans la pièce, Martin Vanger pointa le pistolet sur Mikael et lui ordonna de se coucher à plat ventre par terre. Mikael refusa.
— Comme tu veux, dit Martin Vanger. Alors je te tire une balle dans le genou.
Il braqua son arme. Mikael capitula. Il n'avait pas le choix.
Il avait espéré que Martin relâche son attention un dixième de seconde — il savait qu'il gagnerait n'importe quelle bagarre contre Martin Vanger. Il avait eu une toute petite chance dans le passage à l'étage au-dessus lorsque Martin avait posé sa main sur son épaule, mais il avait hésité. Ensuite, Martin ne s'était pas approché. Sans rotule, il n'aurait pas la moindre chance. Il s'allongea par terre.
Martin s'approcha par-derrière et ordonna à Mikael de mettre ses mains dans le dos. Il les bloqua dans des menottes. Puis il commença à bourrer Mikael de coups de pied dans l'aine et à lui asséner de violents coups de poing.
Ce qui se passa ensuite fut comme un cauchemar. Martin Vanger oscilla entre rationalité et maladie mentale. Par moments, il semblait calme. L'instant d'après, il arpentait la cave comme un fauve en cage. Il balança plusieurs séries de coups de pied à Mikael. Tout ce que ce dernier put faire fut d'essayer de se protéger la tête et de recevoir les coups sur les parties molles du corps. Au bout de quelques minutes, une douzaine de blessures lui faisaient souffrir le martyre.
Durant la première demi-heure, Martin ne dit pas un mot et resta inaccessible à tout ce que Mikael put dire. Ensuite, il parut se calmer. Il alla chercher une chaîne qu'il passa autour du cou de Mikael et fixa par un cadenas à un anneau dans le sol. Il laissa Mikael seul pendant un bon quart d'heure. A son retour, il tenait une bouteille d'eau en plastique. Il s'assit sur une chaise et contempla Mikael en buvant.
— Puis-je avoir un peu d'eau ? demanda Mikael.
Martin Vanger se pencha sur lui et le laissa boire. Mikael avala goulûment.
— Merci.
— Toujours aussi poli, Super Blomkvist.
— Pourquoi tous ces coups de pied ? demanda Mikael.
— Parce que tu me mets dans une colère noire. Tu mérites d'être puni. Pourquoi est-ce que tu ne rentres pas tout simplement chez toi ? Ils avaient besoin de toi à Millenium . Je suis sérieux — nous aurions pu en faire un grand journal. Nous aurions pu travailler ensemble pendant de nombreuses années.
Mikael fit une grimace et essaya d'arranger son corps dans une position confortable. Il était sans défense. Tout ce qui lui restait était sa voix.
— Je suppose que tu insinues que cette occasion-là est passée, dit Mikael.
Martin Vanger rit.
— Je suis désolé, Mikael. Mais oui, tu as bien compris, tu vas mourir ici.
Mikael hocha la tête.
— Mais comment est-ce que vous avez fait pour me démasquer, bordel de merde, toi et cette zombie anorexique que tu as mêlée à tout ça ?
— Tu as menti sur ton emploi du temps le jour où Harriet a disparu. Je peux prouver que tu étais à Hedestad au défilé de la fête des Enfants. Tu as été photographié en train de regarder Harriet.
— C'est pour ça que tu es allé à Norsjö ?
— Oui, pour chercher la photo. Elle a été prise par un couple qui se trouvait à Hedestad par hasard. Ils s'étaient simplement arrêtés au passage.
Martin Vanger secoua la tête.
— C'est du baratin, dit-il.
Mikael réfléchissait intensément à ce qu'il pourrait dire pour empêcher ou au moins retarder sa mise à mort.
— Où se trouve cette photo maintenant ?
— Le négatif ? Il est dans mon coffre à la Handelsbank, ici à Hedestad... tu ignorais que j'ai un coffre à la banque ? Il mentait avec aisance. Les copies se trouvent un peu partout. Dans mon ordinateur et celui de Lisbeth, dans le serveur d'images de Millenium et dans le serveur de Milton Security où Lisbeth travaille.
Martin Vanger se tut un moment, essayant de déterminer si Mikael bluffait ou pas.
— Qu'est-ce qu'elle sait, la môme Salander ?
Mikael hésita. Lisbeth Salander était pour le moment son seul espoir de salut. Qu'allait-elle faire en rentrant à la maison et en découvrant qu'il n'y était pas ? Il avait posé la photo de Martin Vanger vêtu de sa doudoune sur la table de cuisine. Allait-elle faire le lien ? Allait-elle sonner l'alarme ? Elle n'est pas du genre à appeler la police. Le cauchemar serait qu'elle se rende chez Martin Vanger, sonne à la porte et exige de savoir où se trouvait Mikael.
— Réponds, dit Martin Vanger d'une voix glaciale.
— J'imagine que Lisbeth en sait à peu près autant que moi, peut-être plus même. Je dirais qu'elle en sait plus que moi. Elle est futée. C'est elle qui a fait le lien avec Lena Andersson.
— Lena Andersson ? Martin Vanger eut l'air perplexe.
— L'adolescente que tu as torturée à mort à Uppsala en février 1966. Ne me dis pas que tu l'as oubliée.
Le regard de Martin Vanger s'éclaircit. Pour la première fois il avait l'air ébranlé. Il ne savait pas que quelqu'un avait fait ce lien-là — Lena Andersson ne figurait pas dans le carnet de téléphone de Harriet.
— Martin, dit Mikael d'une voix aussi stable que possible. Martin, c'est fini. Tu peux peut-être me tuer, mais c'est fini. Trop de gens sont au courant et cette fois-ci tu seras coincé.
Martin Vanger fut rapidement debout et se mit de nouveau à arpenter la pièce. Il balança soudain son poing contre le mur. Je dois me rappeler qu'il est irrationnel. Le chat. Il aurait pu trucider le chat ici, mais il l'a emmené dans la chapelle familiale. Il n'agit pas de façon rationnelle. Martin Vanger s'arrêta.
— Je crois que tu mens. Il n'y a que toi et Salander qui êtes au courant. Vous n'avez parlé à personne, sinon la police aurait déjà débarqué. Un bon incendie dans la maison des invités et les preuves partiront en fumée.
— Et si tu te trompes ?
Il sourit soudain.
— Si je me trompe, c'est réellement fini. Mais je n'en crois rien. Je parie que tu bluffes. Quel choix est-ce que j'ai ? Il réfléchit. C'est cette foutue pétasse qui m'embarrasse. Il faut que je la trouve.
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