Bernard Minier - Glacé

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Glacé: краткое содержание, описание и аннотация

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Prix du meilleur roman francophone au Festival Polar de Cognac 2011
Prix de l’Embouchure 2012 Décembre 2008, dans une vallée encaissée des Pyrénées. Au petit matin, les ouvriers d’une centrale hydroélectrique découvrent le cadavre d’un cheval sans tête, accroché à la falaise glacée.
Le même jour, une jeune psychologue prend son premier poste dans le centre psychiatrique de haute sécurité qui surplombe la vallée.
Le commandant Servaz, 40 ans, flic hypocondriaque et intuitif, se voit confier cette enquête, la plus étrange de toute sa carrière. Pourquoi avoir tué ce cheval à 2 000 mètres d’altitude ? Serait-ce, pour Servaz, le début du cauchemar ?
Une atmosphère oppressante, une intrigue tendue à l’extrême, une plongée implacable dans nos peurs les plus secrètes, ce premier roman est une révélation !

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La lueur des chandelles et des lampes blessait les yeux de Servaz. Il était trempé de sueur.

— Je suis vieux, mon temps tire à sa fin, dit Saint-Cyr. Un an, cinq ans, dix ans : qu’est-ce que ça change ? Ma vie est derrière moi. Le temps qui me reste ne sera de toute façon qu’une longue attente de la fin. Pourquoi ne pas l’écourter si ma mort peut servir à quelque chose ou à quelqu’un ? Quelqu’un d’aussi brillant et d’aussi important qu’Éric Lombard.

Servaz sentit la panique le gagner. Son cœur palpitait si fort qu’il était persuadé qu’il allait faire une crise cardiaque. Mais il n’arrivait toujours pas à bouger. Et la pièce était complètement floue, à présent, autour de lui.

— Je vais laisser une lettre disant que c’est moi qui ai commis ces crimes, annonça Saint-Cyr d’une voix étonnamment calme et ferme. Pour que justice soit enfin rendue. Beaucoup de gens savent à quel point l’affaire des suicidés m’a obsédé. Cela n’étonnera donc personne. Je dirai que j’ai tué le cheval parce que je croyais qu’Henri, le père d’Éric, avait aussi participé aux viols. Et que je t’ai tué toi parce que tu m’avais démasqué. Après quoi, j’ai compris que la situation était sans issue et, pris de remords, j’ai jugé préférable de me dénoncer avant de me donner la mort. Une très belle lettre, émouvante et digne : je l’ai déjà rédigée.

Il l’agita sous le nez de Servaz. Pendant un instant, la terreur qui s’était emparée de celui-ci chassa les brumes de son cerveau et le réveilla un peu.

— Ça ne… ser… SER… VIRA à rien… Diane BERG… a preuves… cul… pabi… lité… PARLE… à Ca-THY… D’HU… D’UMIÈRES…

— D’autre part, poursuivit Gabriel Saint-Cyr imperturbablement, cette psy va être trouvée morte cette nuit. Après enquête, on découvrira dans ses papiers la preuve formelle qu’elle n’est venue de Suisse que dans un seul but : aider son compatriote Julian Hirtmann, son ancien amant, à s’évader.

— Pour… QUOI… FAIS… tu… ça ?

— Je te l’ai dit : Éric est ma plus grande fierté. C’est moi qui l’ai élevé. Moi qui l’ai fait ce qu’il est aujourd’hui. Un homme d’affaires brillant mais aussi un homme droit, exemplaire… Le fils que je n’ai jamais eu…

— Est… impliqué… dans des… des… malversations… de la… corr… CORRUPTION… ex… ploite… des enf… EN-FANTS…

— TU MENS ! cria Saint-Cyr en se dressant d’un bond hors de son fauteuil.

Une arme dans sa main… Un pistolet automatique

Servaz écarquilla les yeux. Aussitôt, la sueur coulant de ses sourcils lui brûla la cornée. Il lui sembla que la voix de Saint-Cyr, les sons et les odeurs étaient beaucoup trop nets. Tous ses sens étaient submergés par des sensations paroxystiques qui mettaient ses nerfs à vif.

— Les hallucinogènes, dit Saint-Cyr en souriant de nouveau. Tu n’imagines pas toutes les possibilités qu’ils offrent. Rassure-toi : la drogue que tu as avalée à chacun des repas que je t’ai préparés n’était pas mortelle. Son but était juste d’affaiblir tes capacités intellectuelles et physiques et de rendre tes réactions suspectes aux yeux d’un certain nombre de gens comme à tes propres yeux. Quant à celle que j’ai mise dans le vin, elle va te paralyser pendant un moment. Mais tu n’auras pas l’occasion de te réveiller : tu seras mort avant. Vraiment navré d’en venir à cette extrémité, Martin : tu es certainement la personne la plus intéressante que j’ai rencontrée depuis longtemps.

Servaz avait la bouche ouverte comme un poisson sorti de l’eau. Il fixa Saint-Cyr stupidement, de ses grands yeux écarquillés. Soudain, la colère le prit : à cause de cette foutue drogue, il allait mourir avec une tête d’idiot !

— Moi qui ai passé ma vie à lutter contre le crime, je vais la finir dans la peau d’un meurtrier, dit le juge d’un ton amer. Mais tu ne me laisses pas le choix : Éric Lombard doit rester libre. Cet homme a plein de projets. Grâce aux associations qu’il finance, des enfants peuvent manger à leur faim, des artistes peuvent travailler, des étudiants reçoivent des bourses… Je ne vais pas laisser un petit flic briser la vie d’un des hommes les plus brillants de son temps. Qui n’a fait de surcroît que rendre la justice à sa façon, dans un pays où ce mot a été depuis longtemps vidé de son sens.

Servaz se demanda s’ils parlaient bien du même homme : celui qui avait tout fait avec les autres grandes firmes pharmaceutiques pour empêcher les pays d’Afrique de fabriquer des médicaments contre le sida ou la méningite, celui dont les sous-traitants avaient été encouragés à exploiter les femmes et les enfants d’Inde ou du Bangladesh, celui dont les avocats avaient racheté Polytex pour ses brevets avant de licencier ses ouvriers. Qui était le vrai Éric Lombard ? L’homme d’affaires cynique et sans scrupules ou le mécène et le philanthrope ? Le jeune garçon qui protégeait sa petite sœur ou le requin exploiteur de la misère humaine ? Il n’était plus capable de penser clairement.

— Moi… cette PSY… articula-t-il. MEUR-TRES… Tu… reNIES… tous… tes… princip… finir ta vie… dans peau d’un… MEUR-TRIER…

Il vit l’ombre d’un doute passer sur le visage du juge. Saint-Cyr secoua la tête énergiquement, comme pour le chasser.

— Je pars sans regrets. C’est vrai : je n’ai jamais transigé avec certains principes, tout au long de ma vie. Or, ces principes sont aujourd’hui foulés aux pieds. La médiocrité, la malhonnêteté et le cynisme sont devenus la règle. Les hommes d’aujourd’hui veulent être comme des enfants. Irresponsables. Stupides. Criminels. Des imbéciles sans aucune moralité… Bientôt, nous serons balayés par une vague de barbarie sans précédent. On en voit déjà les prémices. Et franchement, qui viendra pleurer sur notre sort ? Nous gaspillons par égoïsme et par cupidité l’héritage de nos aïeux. Seuls quelques hommes comme Éric surnagent encore au milieu de cette fange…

Il agita l’arme devant le nez de Servaz. La colère montait dans le corps de celui-ci cloué à son fauteuil, comme un antidote au poison qui passait de son estomac à ses veines. Servaz s’élança. À peine eut-il réussi à décoller du fauteuil qu’il comprit que sa tentative serait vaine. Ses jambes se dérobèrent sous lui, Saint-Cyr s’écarta et le regarda tomber et heurter un guéridon, renversant au passage un vase et une lampe — dont l’éclair aveuglant lui fouetta les nerfs optiques, tandis que le vase se fracassait sur le sol. Servaz se retrouva allongé à plat ventre sur le tapis persan ; la lumière de la lampe qui gisait près de son visage lui brûlait la rétine. Il s’était ouvert le front contre le guéridon et le sang coulait dans ses sourcils.

— Allons, Martin, c’est inutile, dit Saint-Cyr d’un ton indulgent.

Il se remit péniblement sur les coudes. La rage brûlait en lui comme une braise. La lumière l’aveuglait. Des taches noires dansaient devant ses yeux. Il ne voyait plus que des ombres et des lueurs.

Il rampa lentement vers le juge et tendit une main vers la jambe de son pantalon mais Saint-Cyr recula. Servaz voyait les flammes dans la cheminée entre les jambes du juge. Elles l’éblouissaient. Puis tout alla très vite.

— Posez cette arme ! dit sur sa gauche une voix qu’il se souvint d’avoir déjà entendue sans être capable de mettre un nom dessus, le cerveau paralysé par la drogue.

Servaz entendit une première déflagration, puis une seconde. Il vit Saint-Cyr tressauter et s’effondrer contre la cheminée. Son corps rebondit sur le manteau de pierre et retomba sur Servaz, qui baissa la tête. Lorsqu’il la releva, quelqu’un dégageait le corps lourd comme celui d’un cheval.

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