Gérard de Villiers - A l'ouest de Jérusalem
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- Название:A l'ouest de Jérusalem
- Автор:
- Издательство:PLON
- Жанр:
- Год:1967
- Город:Paris
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— Soyez raisonnable. Libérez Kitty Hillman et nous passerons l’éponge sur votre chantage. Autrement, il vous arrivera ce qui est arrivé au docteur Weisthor.
L’émir était gris. Mais il eut la force de lancer d’une voix étranglée une phrase en arabe. Le géant café au lait surgit du néant et se planta devant Malko, la main droite sur la crosse de son P. 08 au canon interminable. Malko sentit qu’il avait perdu la partie. Quelque chose effrayait l’émir encore plus que la C.I.A. Sinon, il aurait rendu Kitty. Ce n’était visiblement pas un professionnel de l’espionnage. Il était dans l’impasse.
À pas lents, il se dirigea vers la porte et avant de sortir lança à l’émir :
— Excellence, si vous changez d’avis, je suis à La Cala di Volpe. Je vous répète, Foster Hillman est mort. La nouvelle sera dans les journaux de la semaine. Kitty ne peut plus servir à rien.
Le géant café au lait avait déjà soulevé la chaîne recouverte de velours bleu, et attendait menaçant.
Malko se retrouva sous le soleil brûlant. Il passa devant le garde indifférent et reprit sa voiture transformée en véritable fournaise. Il regrimpait la route en lacets, le cœur lourd. Dans l’immédiat, il ne voyait aucun moyen de libérer la jeune fille, si elle était encore vivante.
Abdul Aziz sortit de derrière son rideau, un large sourire sur son visage grêlé de petite vérole. Il avait encore à la main le pistolet avec lequel il avait tenu Malko en joue. Malko et l’émir. Au cas où ce dernier aurait eu la mauvaise idée d’être trop bavard. Aziz s’inclina profondément devant l’émir et dit :
— Votre Excellence a parfaitement bien parlé. Cet Américain bluffait. L’émir tapa du pied, ivre de rage.
— Chien, il ne bluffait pas ! Ils ont tué le docteur et ils vont me tuer. L’Égyptien eut un sourire perfide et s’inclina de nouveau.
— Ya achài ! [12] Oh ! frère !
Il faut s’incliner devant la volonté d’Allah. Ce serait une erreur profonde de rendre cette jeune fille. D’abord, parce qu’ils vous tueraient quand même. Ensuite, parce que vous n’aurez plus aucune chance d’avoir ce que vous voulez…
— Ce que vous voulez, vous, coupa l’émir avec indignation.
— Ce que nous voulons, corrigea la barbouze égyptienne ; sibylline. L’émir lui jeta un regard noir.
— Disparais de ma vue, chien. Et occupe-toi de cet espion américain. Sinon…
Cette revanche verbale le soulageait un peu. Il regarda avec une haine concentrée la silhouette squelettique d’Aziz disparaître derrière les draperies. Comme il aurait aimé le faire fouetter au soleil pendant une semaine, en arrosant les plaies de vinaigre… Découragé, il se laissa tomber dans un fauteuil. Il crevait de peur. Pour une fois, tous ses milliards ne lui servaient à rien. Il se voyait mal allant demander au Gouvernement américain la liste de ses agents dans les pays du Moyen-Orient. Même contre beaucoup de dollars… Le cauchemar avait commencé à la conférence de Khartoum, après la guerre contre Israël. L’émir s’y était rendu, comme la plupart des dirigeants arabes. Une fois de plus, il se préparait en pleurnichant, à verser quelques centaines de milliers de dollars et à pourfendre verbalement l’agresseur israélien, son armée se composant en tout et pour tout, d’une centaine d’hommes plus habitués à couper les têtes qu’à se battre contre des chars.
C’est un certain Youssef Saadi, une des barbouzes égyptiennes, qui l’avait entrepris un soir. On lui avait mis poliment le marché en main. Pour une fois, on ne lui demandait pas de dollars. Sa contribution à l’effort de guerre arabe consisterait à se procurer des renseignements précieux pour la guerre froide. Car les Services Secrets égyptiens avaient découvert que la plupart des agents C.I.A. en place en Egypte, en Syrie et au Liban travaillaient aussi pour Israël, en vertu d’un accord secret.
— Mais pourquoi moi ? avait protesté l’émir, je ne connais rien en Renseignement.
— Peut-être, avait répondu Youssef Saadi, mais vous connaissez Foster Hillman, qui dirige la C.I.A., à vous de vous débrouiller.
Jamais il n’avait su comment les Égyptiens avaient appris ses relations avec Hillman. Il soupçonnait fortement le docteur Weisthor, qui le haïssait et entretenait d’excellentes relations avec des Allemands intégrés aux services égyptiens. Entre autres, un certain Selig Hattoum, en réalité Wilfried Gottinger, ex-patron de la Gestapo de Dresde.
Il avait rencontré Foster Hillman plusieurs fois en Suisse dans des conférences secrètes, où la C.I.A. et l’Intelligence Service réglaient certains problèmes délicats. Lui, l’émir de Katar avait toujours entretenu d’excellents rapports avec Londres. Ce qui lui avait évité quelques révolutions.
Avant de quitter Khartoum, il avait reçu un ultime avertissement. D’un ami séoudien. Toute l’affaire n’était qu’une machination nassérienne pour avoir un prétexte de l’abattre en tant que traître à la cause arabe. Parce que les Égyptiens savaient qu’il ne pourrait se procurer ce qu’ils demandaient…
Deux jours après son retour en Suisse, Abdul Aziz et Fouad Abd el Baki avaient débarqué à Genève. Sous prétexte de l’aider à réaliser son projet. En réalité pour l’abattre dans le cas où il ne tenterait rien. Alors, acculé, l’émir Katar s’était souvenu de la fille de Foster Hillman… Un jour, ce dernier lui avait expliqué son drame. Plus tard, comme messagère, Katar n’avait pas trouvé mieux que sa vieille amie la princesse Riahi qui l’avait initié à l’amour, quelques années plus tôt. Elle avait conservé une certaine tendresse pour lui, s’ennuyait et ignorait même le mot « morale ». Il avait été très peiné de sa mort. D’autant plus qu’elle risquait de précéder de peu la sienne propre… Il savait que les agents « noirs » de la C.I.A. ne faisaient pas de cadeau. Les cimetières étaient pleins de gens se fiant à la bonne tête des barbouzes américaines.
L’émir Katar sonna. Il fallait absolument qu’il se change les idées. Bien sûr, il aurait pu faire liquider les deux Égyptiens. Mais après ? Tôt ou tard, une rafale de mitraillette aurait balayé sa Cadillac. Les Arabes ne sont pas souvent courageux, mais ils sont toujours rancuniers.
9
Lorsque Malko entra pour prendre sa clef, la réception minuscule de l’hôtel était envahie par une jeune géante aux longues tresses blondes, dont le corps sculptural était moulé dans un ensemble de lastex rose. Avec vingt centimètres de moins, c’eût été une vraie beauté. Pour l’instant, ses yeux bleus jetaient des éclairs et elle tapait du pied à défoncer le marbre.
— Je ne partirai pas d’ici, martela-t-elle. Vous emploierez la force s’il le faut.
Le chef de réception, un Italien bonasse, terrorisé, ne semblait pas du tout enclin à employer la force. Quant au directeur suisse, il s’épongeait le front en dépit de l’atmosphère glaciale due à une climatisation trop poussée.
— Miss Ashley, répéta-t-il, je vous jure que je n’ai pas de chambre, j’ai même donné la mienne. Je suis absolument désolé mais ce n’est pas ma faute si votre télégramme s’est égaré.
La géante retapa du pied et menaça :
— Je vais me plaindre à l’émir. C’est lui qui m’a invitée. Pour sa soirée d’après-demain.
Malko, qui se préparait à ressortir, dressa l’oreille :
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il à mi-voix au directeur. L’autre ne se fit pas prier pour raconter ses malheurs.
— Oh ! monsieur, c’est terrible ! Cette jeune fille avait retenu une chambre et nous n’avons pas eu sa réservation. Je ne sais pas où la loger. Et elle ne veut pas comprendre…
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