Frédéric Dard - Descendez-le a la prochaine

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Descendez-le a la prochaine: краткое содержание, описание и аннотация

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Le gars qui pourrait me prouver par a + b qu'il a, au cours de son existence, exécuté une besogne plus débectante que celle à laquelle je me livre depuis une huitaine de jours aurait droit, selon moi, au salut militaire, au salut étemel et à une place assise dans les chemins de fer. Faut vraiment avoir le palpitant arrimé avec du gros filin pour tenir le choc. Et je le tiens, moi, le choc, parce que mon job c'est justement de ne pas faire la fine bouche. Voilà une semaine que je visite les morgues de France à la recherche d'un cadavre…

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— Mais je n’ai pas de billet, objecte-t-elle.

Toujours ce bon vieux conformisme teuton, ce souci des règlements.

— Nous le prendrons dans le train, je lui dis.

Par chance, je dégauchis un compartiment qui n’est occupé que par une sœur de charité. Pour épouvanter celle-ci, je me mets à raconter des histoires salées. L’effet ne se fait pas attendre, la nonne cramponne son baluchon et hisse le grand foc.

Nous voilà peinards, la petite frisée et moi.

Drôle de voyage en vérité. Je suis parti avec un macchabée et je rentre avec une gentille petite greluse. Y a pas, la vie a du bon.

— Excusez mes grivoiseries, je lui dis, simplement, je tenais à mettre en fuite cette brave religieuse.

Elle ouvre des yeux d’azur dans lesquels on lit une incompréhension aussi fausse que la rivière de diamants de votre belle-doche.

— Pourquoi ? demande-t-elle.

— Voyons, mon chou, pour avoir le plaisir de rester en tête-à-tête avec vous…

Elle rougit jusqu’à la racine des cheveux, ce qui ne lui va pas trop mal.

— Comme on a toujours besoin de qualifier les gens dont on vient de faire connaissance, dis-je, en mon for intérieur, je vous ai baptisée Miss Auto-Stop, mais je suis sûr que vous avez mieux que ça sur votre passeport.

— Je m’appelle Rachel, dit-elle, Rachel Dietrich.

— Et moi, Jean Martin…

J’ajoute :

— Vous permettez que je m’asseye à vos côtés ? C’est pour le cas où j’aurais à vous dire quelque chose à l’oreille…

Il est environ huit heures du soir lorsque nous débarquons gare de l’Est.

Une nuit claire s’installe dans Paris. Je retrouve avec volupté l’odeur de métro, de foule, et de parfums riches qui est l’odeur de Paname.

Elle paraît désorientée.

— Sûr que c’est moins calme que la Forêt-Noire, je lui dis, mais vous verrez, on s’y fait très vite !

J’hésite à l’emmener chez moi. Je sais bien que Félicie n’est pas à la maison ces temps-ci, mais tout de même, je ne veux pas perdre mes bonnes habitudes d’indépendance.

— Ecoutez, Rachel, je connais une vioque qui fait le meublé. Je vais vous conduire chez elle et lui demander qu’elle vous loue une chambre, d’accord ?

— Vous êtes gentil, Jean…

Vous allez dire que pour un flic, ça n’est pas fortiche, mais je ne peux jamais m’habituer à un faux blaze… Il me semble toujours qu’on s’adresse à un autre.

La mère Tapautour, je ne sais pas si je vous ai déjà affranchis sur son compte. Elle a des studios discrets rue des Batignolles pour les couples qui ne veulent pas se faire le grand jeu au milieu des Champs-Elysées… Dans le genre vieille donneuse, on fait pas mieux. Elle a été dans le pain de fesses avant guerre, mais depuis que la mère Richard a piqué sa crise, elle a abandonné le cheptel pour se lancer dans le cinq à sept.

C’est une grosse vache qui pèse ses deux tonnes, comme la première petite baleine venue et qui n’a qu’un seul souci en ce bas monde : s’empiffrer de sucreries…

Elle m’accueille avec un bon sourire. Elle m’aime bien depuis le jour où je lui ai conservé son nez propre à la suite d’une sale affaire.

Elle me déclare qu’elle est extraordinairement d’accord pour héberger cette chère mignonne, même qu’elle va lui donner la chambre aux ibis parce que c’est la plus choucarde qu’elle ait ici !

Tandis que Rachel dépiaute son bagage, je biche la mère Tapautour par le bras.

— Gaffe, je lui dis, mon blaze, pour cette souris, c’est Jean Martin, vu ?

— Vu.

Je vais présenter mes hommages à la gosse. Je lui dis qu’elle prenne un bain pendant que je m’occupe d’une course urgente, qu’elle ne se bile pas, que je reviendrai d’ici une paire d’heures pour lui faire un petit Paris by night à ma façon.

Ensuite, je vais en courant jusqu’au boulevard Haussmann prendre un bahut.

Le chef écoute mon rapport comme il écoute toujours tous les rapports, c’est-à-dire adossé au radiateur du chauffage central, en massant son crâne aussi désolé que le désert de Gobi.

Il m’écoute sans renauder, sans m’interrompre.

Lorsque j’ai terminé, il tire sur ses manchettes de soie, va s’asseoir dans un fauteuil pivotant et me demande :

— Selon vous, les Bunks ont été dupes ?

Je hausse les épaules.

— Difficile à dire, chef… Le coup de la bombe dans ma voiture prouve qu’ils ne se sont pas fait d’illusions sur mon identité. Mais je crois que nous avons réussi sur la question essentielle : celle qui concerne la mort de Karl. Cette bombe sent plus la vengeance que la diplomatie. Ils me croient l’assassin du fils ; leur première réaction a été une réaction humaine : à mort !

Le chef hoche la tête.

— C’est probable en effet. Il ne nous reste qu’à attendre que l’affaire se tasse. D’ici quelques jours, nous tenterons le grand coup…

Le big boss me sourit.

— A moins que, d’ici là, vous ne puissiez faire parler Karl…

Je secoue la tête…

— Je ne crois pas qu’il se laisse aller…

— J’aimerais que vous fassiez une nouvelle tentative, San-Antonio. Il faut essayer le côté psychologique. En apprenant qu’il est officiellement mort, peut-être éprouvera-t-il le choc déterminant, vous ne pensez pas ?

Je connais le patron. Lorsqu’il fait une suggestion de cette manière, appuyée, on peut considérer qu’elle est l’expression de son désir. Et il est de ces hommes dont les désirs sont des ordres, je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire ?

— Très bien, boss, je vais aller lui dire un petit bonjour.

Je lui serre la main racée qu’il me tend avec précaution et je prends l’ascenseur hydraulique. Il faut compter avec cet appareil trois fois plus de temps pour se déplacer, mais justement parce qu’il est lent, on a le temps de s’y reposer.

Parvenu au rez-de-chaussée, je pousse une porte de fer et je continue ma descente dans le sous-sol.

Dans cette région se tiennent les salles d’entraînement au tir. J’aperçois quelques-uns de mes collègues qui s’entraînent à faire des cartons.

Je leur adresse un petit salut de la main et je continue mon chemin jusqu’à l’extrémité du couloir. Là, se dresse la grille massive d’une porte. J’appuie sur un déclic dissimulé dans une anfractuosité du mur et la porte s’ouvre. De l’autre côté, le couloir se poursuit, plus étroit. Encore une porte de bois, épaisse comme un matelas Dunlopillo. Je frappe.

Un grand escogriffe vient m’ouvrir, un journal à la main.

— Bonjour, Gaudrant, je lui fais, tu passes de vraies vacances, ma parole !

Il rouscaille.

— Drôles de vacances… Pour le grand air, on est servi, et puis la vue sur la mer est tellement chouette…

Il fait le tour de la pièce blanchie à la chaux et seulement meublée d’un fauteuil de bureau.

— Quatre pas en long, trois en large… J’ai compté cent vingt fois depuis ce matin…

« Et dire que j’ai voulu faire ce métier parce que j’aimais vraiment l’action. »

— Bast, je lui fais en lui claquant le dos ; tous les métiers ont leurs inconvénients, mon petit père. Comment se porte le pensionnaire ?

Il hausse les épaules.

— Pas mal… Il ne dit rien ; il continue à rêver… Je finis par croire que c’est ou un fakir ou un poète… Les bras derrière la tête, à regarder le plafond en mâchouillant un petit bout de bois…

— Ouais… Ouvre !

Il sort une clé Yale de sa fouille et actionne une porte basse. Cette porte ferme la petite chambre secrète de la boîte, celle qui n’est pas comprise dans le plan officiel et qui nous sert pour nos affaires trop intimes.

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