Frédéric Dard - Céréales killer

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Tout à la joie de l’arrivée de son fils adoptif Antoine, nommé major de sa promotion à l’Ecole de Police, San-Antonio doit très vite déchanter : par un fâcheux concours de circonstances, Antoine se retrouve le principal suspect d’un crime survenu au cours d’une rave-party, dans le milieu des exploitants agricoles de la Beauce profonde. La victime, Mélanie Godemiche, fille unique d’une grande famille de propriétaires terriens de la région de Chartres, a été retrouvée morte et atrocement mutilée. C’est elle qui avait organisé la rave-party. Ami et invité de Mélanie, Antoine a malencontreusement perdu, sur les lieux de la fête, une casquette marquée à ses nom et prénom, qui fait de lui le suspect n°1.
Afin de prouver l’innocence de son fils, le commissaire vient enquêter parmi les membres de la famille Godemiche : Mathilde, seconde épouse du père de Mélanie, Léonard Godemiche, décédé quelques années auparavant, vit dans la grande ferme familiale, en compagnie de Suzie, soubrette complaisante envers les désirs lubriques de sa patronne supernymphomane.
Jacquemart-André Godemiche, frère de Léonard, à quelques lieues de là, veuf inconsolable d’une épouse adorée, vit avec son fils Nicolas, jeune homme renfermé et parfois violent.
C’est alors que l’enquête, difficile au départ, se complique encore car le meurtre de Mélanie est bientôt suivi de deux autres. Pour le juge d’instruction, le responsable de ces trois crimes reste toujours Antoine, mais San-A, grâce à sa sagacité, parviendra à démasquer le criminel : Jacquemart-André, qui prélevait sur les jeunes mortes de quoi rendre vie à son épouse dont il conserve le cadavre dans son grenier.

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Céréales killer

Roman agricole

Je suis sans nouvelles de moi.

San-Antonio

Avant-Propos

JULIETTE

Dernier Chapitre

(servant en l'eau-cul-rance d'introduction à cette étrange histoire [1] Te caille pas la laitance, mec, tu finiras par piger où je veux en venir ! )

Ce fut sans doute l'un des plus beaux matins du monde, puisque ce fut celui où IL mourut.

La lune, quand elle est pleine, et toi aussi, te fait penser à un cul, admets ? Eh bien, cette nuit-là, pas du tout. C'était une lune fielleuse, plus blanche qu'un lilas offert à une jeune tuberculeuse, zébrée de nuages noirâtres aux allures de crapauds, de vampires et de hiboux (lorsqu'ils n'ont rien à voir avec les joujoux, les bijoux et les sapajous). Une lune à laquelle aucun cinéaste n'aurait osé crever l'œil avec un obus par peur de voir surgir de l'orbite défoncée tous les personnages maléfiques hantant sa pensée. Une lune d'hiver, engendresse de froidure et de brumes. Elle projetait sur le sol cahoteux, chaotique et glacé de la petite commune de Saint-Jean-Nivers une pâleur bizarrement contrastée qui conférait à notre astre un aspect angoissant. Les branches squelettiques des pommiers du verger s'étaient chargées de givre et menaçaient de se rompre à tout instant, comme des cols de fémur dans un hospice pour génaires [2] Une phrase de toute beauté, bravo ! Jean-François Rebel. .

Anatole Blondeau était agrippé au volant de son tracteur. Ses fesses débordaient de la selle de cuir comme les joues du regretté Louis-Philippe sur son jabot de dentelle. L'engin progressait dans la fantomatique blancheur du petit jour qu'accentuait la danse de ses phares. Le passage des pneus dans la gelée abandonnait une traînée baveuse d'escargot en balade sur un voile de mariée. Curieusement, ni la pétarade du moteur, ni le brinquebalis du tombereau ne semblaient troubler la quiétude de l'endroit.

Parvenu au sommet d'une butte, le paysan éteignit ses phares et coupa le contact. Petit à petit, les bâtiments de sa modeste ferme située en contrebas commencèrent à se dessiner sur sa rétine. Il ne lui restait plus qu'à laisser son mastodonte descendre doucement le chemin, en contrôlant la vitesse à l'aide du frein à main.

L'équipage s'arrêta dans un crissement auprès d'une espèce de marigot qui de jour se révélait être une vaste fosse à purin. Rétablissant le moteur, Anatole manœuvra de façon à mettre à cul le tombereau au-dessus de l'ignoble liquide.

Anatole sauta de son poste de conduite, témoignant d'une souplesse surprenante pour un homme de sa corpulence. Il faut dire qu'il était encore jeune, bataillant à peine sur les frontières de la cinquantaine. Il retira les goupilles de la ridelle arrière, découvrant une masse imposante qui occupait le centre du plateau.

Il s'agissait d'un corps humain auquel trois grosses pierres étaient attachées.

Le cultivateur actionna une manette qui provoqua le soulèvement de la benne. Malgré l'inclinaison, le cadavre restait plaqué au fond par le poids de son lest.

— T'veux pas y alla, t'vas y alla quand même, s'impatienta Anatole.

S'emparant de sa fourche, il la planta sans répulsion dans la viande morte, pour aider le corps à glisser contre le métal et à plonger dans le lisier. Il y eut d'abord un gros floc, quelques remous dans le purin, un bruit d'égout en vidange puis le calme, le silence.

— V'là une tombe pour toi, mon salaud, murmura le paysan en se signant comme tout bon chrétien en pareille circonstance.

Une lumière venait de s'allumer au rez-de-chaussée de la fermette et une silhouette de femme replète se découpait sur le pas de la porte.

— Natole ! Tu travailles déjà à c't'heure ?

— Les bêtes, ça attend pas, ma pauvre Martha, fit le gros homme en s'approchant.

— Tu vas y laisser ta santé.

— Elle me sert à quoi ma santé, maintenant que Juliette est morte ?

Martha se jeta dans les bras de son mari.

— Ne parle plus de ça, je t'en supplie.

Elle portait pour tout vêtement cette robe de chambre en pilou grisâtre qu'il lui avait toujours connue. Anatole glissa sa main entre deux cuisses encore fermes, remonta jusqu'à une humide touffeur qu'il fourragea sans retenue. Puis il porta ses doigts à son nez, les huma longuement et décela sur son index le délicat fumet d'une potée en bonne voie de digestion. Ipso facto, il identifia l'aigrelette salinité de son médius. Satisfait, il claqua le fessier de sa femme.

— Prépare un café fort, Martha. La nuit a été rude…

Première partie

MÉLANIE

Chapitre pommier(Pour rappeler le Napoléon de même numéro aux glandus qui ne l'auraient encore pas lu [3] Même éditeur, même auteur, même talent. )

Quelque temps Pluto… [4] Comme dit Béru depuis qu'il a emmené sa Gravosse à Euro-Disney.

Pour moi, le retour à la Grande Cabane après quelques jours d'absence, c'est toujours émouvant. Un bourrin qui regagne son écurie le dos en compote, les flancs labourés par un connard dûment éperonné, bombé et cravaché, doit ressentir le même soulagement, la même délivrance. Moi, ma paille c'est la moquette de mon burlingue et mon palefrenier, le brigadier Poilala, nouveau planton de la Tour Pointue.

Il m'accueille avec l'impeccable salut militaire mis au point en son temps par son père, brigadier chef, dont le destin tragique s'acheva dans un attentat à l'explosif perpétré en ces lieux. De son géniteur, Poilala junior a conservé le sourcil haut et le front bas, le nez en bec d'oie gavée, le regard croisé et ce besoin ganache de servir la gloire de la France qui tant fatigue nos héros.

— Comment s'est-ce-t-il passé ce voyage à Bruxelles, monsieur le commissaire ?

Lui, il sait que les titres pompeux me pompent le nœud et que seul celui de commissaire m'agrée (de canard).

— Frites, moules et Leffe pression, mon bon Poilala. Conforme, quoi.

En vérité je te le dis, ce voyage en terre brabançonne revêtait une importance capitale pour l'avenir de la police européenne puisque le colloque auquel j'étais convié portait sur ce thème gravissime : « l'influence de la suppression des bâtons blancs des gardiens de la paix sur la recrudescence des accidents mortels chez les aveugles au volant. » Tu mords le dilemme ?

Je m'engage quatre à quatre dans l'escadrin. Poilala me rappelle.

— M'sieur le commissaire, quéqu'un vous attend dans votre bureau.

— Qui ça ?

— Un jeune homme qui voulait vous causer.

— Et tu l'as laissé monter ? irrité-je-me.

— Pas pu faire autrement.

— En quel honneur ?

— Il s'appelle pareil comme vous.

Brève gymnastique dans mon ciboulot. La lumière jaillit.

— Antoine ?

— Affirmatif. Mon père vous a servi, un jour c'est lui qui sera mon chef. Comprenez que je pouvais pas m'interposasser, question de solidarité filassière.

— Dis-moi, Poilala, tes cours du soir, tu les as pris avec Bérurier, non ?

— Vous avez reconnu le style, se rengorge-t-il.

— Un peu, mon neveu.

Il interprète cette marque de népotisme comme un adoubement et se met à ruisseler de bonheur, surtout dans les secteurs qui ne se voient pas au premier rabord mais se reniflent très vite.

J'ouvre la porte de ma turne à la volée. Il est bien là, mon grand fils, vautré dans mon fauteuil directorial, lunettes solaires relevées dans sa chevelure brune et drue, l'œil plus bleu qu'un muguet lorsqu'il ressemble à une pervenche, cigarillo au coin du bec, blouson de cuir craquelé, t-shirt fripé, jean parfaitement délavé, baskets triples semelles négligemment croisées sur ma table de travail. Avec mon costard Cerruti [5] Publicité gratuite. Tu me connais, j'en croque pas. , j'ai d'un coup l'impression d'être évadé du paléolithique. Autres temps, autres modes. Il va falloir que je m'habitue.

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